La première partie de son triptyque1 s'intitule L'Enfer. Il raconte le voyage qu'il s'apprête à faire, le vendredi saint, 8 avril 1300, pour retrouver la femme qu'il aime. Il est guidé par nul autre que VIRGILE, comme pour rendre hommage à son inspirateur direct (voir l'article "Descentes aux enfers II : les enfers mythologiques"). Le tableau d'Eugène DELACROIX (1798-1863) Dante et Virgile aux enfers(1822) ou celui de William BOUGUEREAU (1825-1905) Dante et Virgile  (1850) retranscrivent l'atmosphère infernale décrite dans le poème. Les lauriers que DANTE porte sur les portraits sont un signe symbolique de noblesse, issu de l'Antiquité, et le montrent comme le meilleur des poètes.

Le poète hésite devant la Porte de l'Enfer sur laquelle on peut lire : "Vous qui entrez, laissez toute espérance"(chant troisième). Lui aussi passe le fleuve Achéron avec l'aide de Charon.  Son périple lui fera traverser les neuf cercles de l'enfer. Le premier cercle, les Limbes, est réservé à ceux qui n'ont pas reçu le baptême et qui ignorent donc le religion chrétienne sans pour autant avoir fait le mal. Il y parcourt les Champs Élysées réservés aux grand hommes de l'Antiquité (chant quatrième). Chaque autre cercle est dédié à un certain type de péché. DANTE y apercevra autant de personnages mythologiques (Hélène de Troie dans le second cercle, celui des pécheurs de la chair, chant cinquième)  que de personnages historiques (le pape Nicolas III dans le huitième cercle, celui des trompeurs, chant dix-neuvième). L’œuvre poétique se fait donc également polémique2. Les endroits où il situe les personnes réelles montrent son opinion sur eux. Le neuvième et dernier cercle est celui de "l'empereur du douloureux royaume" : Dité, nom qu'il emploie pour désigner le Diable. Il le représente sous la forme d'un géant à trois faces (chant trente-quatrième)3.
 

La vision donnée par DANTE est restée à ce point marquante, grandiose et effrayante que le nom de l'auteur deviendra un adjectif4, dire de quelque chose que c'est « dantesque » revient à dire que c'est gigantesque, sombre, effroyable...

 

D'innombrables artistes se sont inspirés de son œuvre :

Sandro di Mariano FILIPEPI, connu sous le nom de Sandro BOTTICELLI (1445-1510), est un peintre italien, contemporain de Léonard DE VINCI, qui a lui aussi illustré le poème de DANTE. A ce sujet, une de ses œuvres remise au goût du jour est La Carte de L'Enfer  (1480-1490) exposée à la Bibliothèque apostolique vaticane. Il y représente la structure conique du monde souterrain, comme un entonnoir dont l'extrémité basse correspond à la source du mal : Lucifer5 . Vous aurez compris que c'est aussi la partie la plus éloignée du ciel et donc de Dieu.


De plus, les nombreuses gravures de Gustave DORÉ (1832-1883) confirment l'impact incroyable de cette œuvre dans la culture occidentale. Son édition illustrée disponible à la BNF donne à voir des dessins saisissants qui montrent à la fois sa maîtrise de la gravure et le caractère terrifiant du texte.


L'Enfer de Dante Alighieri, avec les dessins de Gustave Doré. Traduction française de Pier Angelo Fiorentino, accompagnée du texte italien
Source: gallica.bnf.fr

 

Il faut également citer Auguste René RODIN (1840-1917) et sa Porte de l'Enfer. Sa sculpture monumentale en bronze coulé vient illustrer de façon talentueuse et mémorable le texte de DANTE. Quelques figures évoquées par le poète trouvent un corps grâce au travail de l'artiste français. On aimerait ressentir en la voyant l'horreur éprouvée par les héros du passé (voir fiche d'analyse complète)

 

http://www.musee-rodin.fr/fr/collections/sculptures/la-porte-de-lenfer

Même le compositeur Franz LISZT (1811-1856) a mis en musique le poème  : Dante-Symphonie (1855-1856). Vous devez entendre le passage qui illustre la lecture du message sur la Porte des enfers : les 3 trombones et le tuba avec leurs sons graves représentent parfaitement le message funeste et terrifiant.

LISZT~Dante Symphony S.109 HD Complete *ft. Gustave Doré Scenic Storyline* Complete

Pour finir,  le mangaka Masami KURUMADA (né en 1953) situe un des cycles des Chevaliers du Zodiaque dans les enfers mythologiques. Le chapitre Hadès du manga, publié à partir de 2000, met en scène les Chevaliers de Bronze en quête du dieu des enfers. Le sujet est d'ailleurs repris en version animée de 2002 à 2008. Les héros, accompagnés par le chevalier Orphée de la Lyre, doivent notamment traverser un lieu nommé en italien Giudecca (tome 24 pour le manga , ou chapitre Hadès : Inferno pour l'anime), un endroit situé dans une partie du neuvième et dernier cercle, le pire, réservé aux traîtres. Le nom Giudecca, choisi par Dante, fait référence à Judas, celui qui a livré le Christ aux Romains selon le Nouveau Testament. Dans ce dernier épisode, les héros affrontent les dangers les plus graves et finissent par atteindre un degré de puissance jamais égalé.
 

L'enfer, malgré la vision profondément catholique de DANTE, est donc présenté comme un lieu d’initiation, où l'on rencontre la mort ; le voyageur qui le traverse subit une épreuve dont il ressort différent, plus sage.



 

La fin dans une semaine avec "Conclusion : l'enfer sur Terre".

Et le mois prochain, vous lirez "Cœur d'homme, peau de bête", quand l'humain devient animal...
 

 

1œuvre en 3 parties.

2Qui cherche à faire débat.

3Traduction de Henri LONGNON, Classiques Garnier.

4figure de style que l'on appelle ANTONOMASE.

5Lucifer est l'une des appellations du Diable. Le nom désignait à l'origine une divinité latine, l'étoile du matin qui « porte (ferre) la lumière (lux) ». C'est une traduction de Esaïe chapitre 14, versets 12-15 qui a associé l’archange déchu et le fils de l'Aurore.

 

N. THIMON