Les scientifiques s'accordent pour la plupart sur la théorie du Big Bang, une grande explosion d'où seraient nés les astres, les galaxies, tous les éléments solides ou gazeux qui se trouvent dans l'univers, en expansion continuelle(2). L'excellent livre du physicien britannique Stephen HAWKING, spécialiste en cosmologie, Une brève histoire du temps (1988) met à la portée de tous de savantes théories sur la naissance de l'univers, du Big Bang aux trous noirs, sur l'espace et le temps, sur les particules élémentaires...On pourra se reporter au chapitre 8 "origine et destin de l'univers". Mais avant cela, de nombreux textes et de nombreuses traditions ont posé des fondements pour expliquer nos origines.
a. Le Chaos des origines
Comment définir le vide, le néant, le rien ?
Le site devianart.com est dédié au space art, une discipline consistant à représenter l'espace (concernant le space art, voir aussi, par ailleurs, le travail de l'illustrateur Manchu et notre article SCIENCE ET FICTION 2/5 : Univers lointains, b. Vers l'infini...).
L'image ci-dessous, que nous devons à Keepwalking07, est un exemple de ce que l'on peut faire dans ce domaine :
L'Autrichien Joseph HAYDN (1732-1809) a composé un oratorio (3) intitulé La Création (1798). La musique vient illustrer la construction de l'univers depuis le chaos jusqu'à la louange de Dieu en passant par la création du monde et la lutte contre les anges rebelles. Vous pourriez l'employer en fond sonore pour accompagner la lecture de tous les articles de la thématique. La première partie, consacrée au Chaos vous fera découvrir sous un angle auditif les premiers instants du monde. Soyez attentifs notamment à l'explosion des cuivres, puis au silence et ensuite aux violons qui montent progressivement en puissance, donnant l'illusion d'un monde en éveil :
Les textes font souvent l'hypothèse d'un désordre originel.
La création du monde est notamment relatée dans la Bible, plus précisément dans le premier livre de l'Ancien Testament intitulé la Genèse. Ce nom issu du grec (comme gène, génétique...) est un titre tardif qui renvoie à l'idée de naissance(4). Que l'on soit croyant ou non, les premiers versets sont à connaître puisqu'ils sont les fondements de la culture occidentale, repris par la suite sous toutes les formes possibles et imaginables.
"Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, la terre était déserte et aride, et la ténèbre à la surface de l'abîme ; le souffle (5) de Dieu planait à la surface des eaux".
La terre est donc déjà là, dans l'attente de sa transformation. Elle a besoin d'être animée par l'esprit de Dieu, elle attend qu'on lui insuffle la vie.
HÉSIODE (VIIIe – VIIe s. av J.C.) dans la Théogonie raconte :
"Donc avant tout fut Abîme ; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu ou de tout homme, dompte le cœur et le sage vouloir.
Abîme ici est la traduction du mot Chaos, un trou béant, le vide. La terre apparaît spontanément et Amour ici désigne surtout une sorte de force d'attraction entre les êtres et les éléments, une force fondamentale qui permet de faire naître des créatures.
OVIDE (43 av. J.C. - 17 ap J.C.) dans les Métamorphoses, au premier livre, dira :
"Avant qu'existassent la mer et la terre, et le ciel qui couvre l'univers, la nature sur toute l'étendue du monde, n'offrait qu'une apparence unique, ce qu'on appelle le Chaos, masse informe et confuse qui n'était rien encore qu'un poids inerte, amas en un même tout de germes disparates des éléments des choses, sans lien entre eux. Aucun Titan [le Soleil] ne dispensait encore au monde la lumière, et Phœbé [la Lune] n'épaississait pas d'une progression continue son croissant, chaque jour nouveau. La terre n'était pas suspendue, baignant dans l'air, équilibrée par son propre poids ; Amphitrite [la mer] n'avait pas encore allongé ses bras le long des rivages terrestres. A la terre, la mer et l'air partout étaient confondus. Aussi la terre manquait de consistance, la mer de fluidité, l'air de lumière : rien ne conservait sa forme propre. Les principes s'opposaient entre eux, car, dans une masse unique, le froid combattait la chaleur, l'humidité la sécheresse, la mollesse la dureté, la légèreté la pesanteur."
Là encore, quelque chose de vague, imprécis préexiste. Observez comment le poète décrit le vide "il n'y avait pas encore de ...". Tout manque et tout est en devenir.
Victor HUGO (1802-1885), dans le poème "Le Satyre", tiré de La légende des siècles (1859), mettra dans la bouche du faune cette jolie formule pour décrire le commencement :
"« Salut, Chaos ! gloire à la Terre !
» Le chaos est un dieu ; son geste est l’élément ;
» Et lui seul a ce nom sacré : Commencement.
» C’est lui qui, bien avant la naissance de l’heure,
» Surprit l’aube endormie au fond de sa demeure,
» Avant le premier jour et le premier moment ;
» C’est lui qui, formidable, appuya doucement
» La gueule de la nuit aux lèvres de l’aurore ;
» Et c’est de ce baiser qu’on vit l’étoile éclore."
Snorri TURLUSON (XIIIe siècle) dans son Edda, chapitre 5 de Gylfaginning dit pour sa part :
"Tout comme le froid le plus âpre venait de Niflheimr [monde des ténèbres], tout ce qui était orienté vers le monde de Muspell [monde du feu] était brûlant et clair mais dans Ginnungagap [le chaos, le vide], c'était comme un constant temps doux, et alors le courant brûlant rencontra le givre, en sorte que cela fondit et dégoutta, et de ces gouttes d'eau froide jaillit la vie par la force qui provoquait la chaleur brûlante, et cela devint une figure humaine et il s'appela Ymir".
De nos jours, les observations des astrophysiciens et les dessins assistés par ordinateur nous offrent des vues extraordinaires qui nous font rêver de notre lointain passé.
A partir de là, comment les divinités s'y prennent-elles pour façonner l'univers ?
Soyez les témoins de la création du monde dans AU MATIN DU MONDE 1/3 : Récits de création, b. Séparer pour mieux créer .
Le mois prochain vous lirez LES UTOPIES, DES MONDES MEILLEURS ?
NOTES :
1 : Par textes fondateurs, il faut comprendre à la fois des textes sacrés à but religieux, comme la Bible ou le Coran, aussi bien que des textes mythologiques à but poétique, comme L'Iliade ou les Métamorphoses. Dans tous les cas, il s'agit de récits qui posent les fondements des cultures et constituent, depuis des siècles, des références communes, littéraires, artistiques, etc.
2 : La sonde Rosetta, en posant le robot Philae sur la comète Churyumov-Gerasimenko le 12 novembre 2014 a accompli un exploit. Les résultats attendus pourraient aider à mieux comprendre la formation de l'univers. Visitez le site du CNES pour en savoir plus.
3 : Un oratorio est un morceau musical, souvent religieux, dans lequel le compositeur fait alterner des chœurs, des chants de solistes et des récitatifs.
4 : Dans la longue histoire des traductions de la Bible, c'est la version grecque qui a été retenue pour les titres des livres.
5 : On traduit aussi par "l'esprit" ou encore "le vent".
N. THIMON