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15 février 2016

Le Mythe de l'Âge d'Or

Ce billet vous présente un mythe : une fois que vous l'avez lu, vous pouvez vérifier que vous l'avez bien compris en réalisant les exercices d'écriture proposés dans le billet "Exercices d'écriture autour du mythe de l'Âge d'Or".

Qu'est-ce que le mythe de l'Âge d'Or ?

Le mythe de l’Âge d’Or est un mythe grec où est décrite une époque idéale, placée aux origines de l’humanité, où les êtres humains vivait dans la paix, la justice et l’abondance, sans souffrir ni vieillir, et sans avoir besoin de travailler pour survivre. Le mythe de l'Âge d'Or est donc à la fois

  • un mythe d’origine, c’est-à-dire un récit sur les origines de l’humanité, comme le mythe de l'Eden, le paradis terrestre dont Adam et Eve ont été chassés dans le récit biblique de la Genèse.
  • une utopie, c’est-à-dire un univers imaginaire où les hommes vivent en harmonie dans une société idéale.

Un tel mythe est généralement décrit par opposition avec un présent négatif, qui est critiqué, et dont les difficultés sont vécues comme la perte d’une pureté ou d’une intégrité originelles, primitives. Le mythe de l’âge d’or va donc de pair avec une vision pessimiste de l’histoire, où l’avancée dans le temps est perçue comme une dégradation, une décadence de l’humanité : à l’âge d’or succèdent des âges toujours plus éloignés de l’idéal originel, marqués par la perte des vraies valeurs.

Ce mythe apparaît pour la première fois chez le poète grec Hésiode, dans Les Travaux et les Jours, dans un contexte politique et social très troublé, que les historiens ont baptisé « temps obscurs ». Il est repris par les poètes romains de l’époque augustéenne, une époque de crise et de guerres civiles qui voit le passage de la fin de la République aux débuts de l’Empire romain. La version qui aura le plus de succès aux siècles suivants est celle proposée par Ovide dans les Métamorphoses : Ovide, qui a été exilé par Auguste, conserve au mythe de l’Âge d’Or la dimension critique que lui avait donné Hésiode.

En revanche, pour d’autres poètes contemporains d’Ovide, comme Virgile, la fondation de l’Empire par Auguste, qui met fin à une longue période de crise et de guerre civile, apparaît comme la promesse d’un avenir radieux. Son règne est donc présenté comme la refondation d’un nouvel Âge d’Or pour Rome : cette idée montre que le mythe de l’âge d’or peut être instrumentalisé, et devenir un outil de propagande politique. Elle montre aussi que le mythe de l’âge d’or ne suppose pas forcément une vision linéaire du temps, marquée par une décadence irréversible, mais qu’il est compatible avec un temps cyclique, et avec l’espoir d’un retour à un nouvel Âge d’Or.

A la Renaissance, le mythe de l’Âge d’Or se trouve associé à celui du Bon Sauvage : en découvrant les sociétés amérindiennes du Nouveau Monde, les explorateurs européens ont l’impression de découvrir des sociétés qui auraient réussi à maintenir l’état de paix, de félicité et d’abondance qui caractérisait l’âge d’or.

 

 

Illustration des Métamorphoses d'Ovide : gravure de Johann Wilhem Baur (1600-1640) représentant l'Âge d'Or.

Le texte d'Hésiode

Les Travaux et les Jours est l’œuvre d’Hésiode, un poète qui aurait vécu en Grèce au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Ce poème, consacré aux travaux de la terre, s’ouvre sur une invocation aux Muses, suivie d’un récit des origines de l’humanité. Il évoque la succession de cinq âges, ou cinq races, qui conduisent des origines de l’humanité au présent. L’âge d’or est le plus ancien de ces cinq âges : il est suivi de l’âge d’argent, de l’âge d’airain, ou de bronze, de l’âge des héros, et de l’âge de fer, qui coïncide avec le présent. Il décrit l’âge d’or en ces termes :

« D’or fut la première race d’hommes que créèrent les Immortels, habitants de l’Olympe. C’était au temps de Cronos, quand il régnait encore au ciel. Ils vivaient comme des dieux, le cœur libre de soucis, à l’écart et à l’abri des peines et des misères. : la vieillesse misérable sur eux ne pesait pas ; mais, bras et jarret toujours jeunes, ils s’égayaient dans les festins, loin de tous les maux. Mourant, ils semblaient succomber au sommeil. Tous les biens étaient à eux : le sol fécond produisait de lui-même une abondante et généreuse récolte, et eux, dans la joie et la paix, vivaient de leurs champs, au milieu de biens sans nombre. Depuis que le sol a recouvert ceux de cette race, ils sont, par le vouloir de Zeus puissant, les bons génies de la terre, gardiens des mortels, [ l’œil ouvert aux sentences et aux crimes, vêtus de brume, partout répandus sur la terre ] dispensateurs de la richesse : c’est le royal honneur qui leur fut départi. Puis une race bien inférieure, une race d’argent, plus tard fut créée encore par les habitants de l’Olympe. Ceux-là ne ressemblaient ni pour la taille ni pour l’esprit à ceux de la race d’or. »

Hésiode, Les Travaux et les Jours, vers 109-201 (traduction).

Le texte d'Ovide

Ovide est un poète latin qui a vécu à Rome au Ier siècle avant Jésus-Christ, sous le règne d’Auguste. Dans le premier livre des Métamorphoses, où il décrit les origines du monde et de l’humanité, il distingue quatre âges successifs : l’âge d’or, l’âge d’argent, l’âge du bronze, et l’âge du fer. Voici sa description de l’âge d’or, qu’il place sous le règne de Saturne, père de Jupiter :

« L’âge d’or commença. Alors les hommes agissaient suivant la justice et la droiture spontanément, sans lois ni répression. Punition et crainte n’existaient pas ; point de menaces à lire, gravées dans le bronze ; point de foule suppliante, tremblante devant les juges ; nul besoin de défenseurs pour être en sécurité. On n’abattait pas encore les pins, dans leurs montagnes, pour les faire descendre vers l’eau, les faire aborder à des terres étrangères, les mortels ne connaissaient pas d’autres rivages que les leurs. Les villes n’étaient pas encore entourées de fossés abrupts ; il n’y avait ni trompettes droites ni cors en cuivre recourbé, ni casques, ni épées. N’ayant nul besoin d’armées, les populations vivaient dans la tranquillité et les loisirs. La terre, fertile, donnait tout d’elle-même, sans être sollicitée par le fer, travaillée par la bêche, maltraitée par le soc. L’homme, satisfait des aliments que la nature lui offrait sans efforts, cueillait les fruits de l’arbousier et du cornouiller, la fraise des montagnes, la mûre sauvage, et les glands qui tombaient de l’arbre majestueux de Jupiter. Le printemps était éternel et, de leur souffle tiède, les doux zéphyrs caressaient les fleurs écloses sans semailles. La terre, sans avoir été labourée, se couvrait à nouveau de moissons, et les champs, sans aucun entretien, blondissait de lourds épis. C’était l’âge où coulaient à flots le lait et le nectar, où le miel doré tombait de l’écorce des chênes en une bienfaisante rosée. Lorsque Jupiter eût précipité Saturne dans le sombre Tartare, et qu’il eût pris possession du monde, vint l’âge d’argent, âge inférieur à celui qui l’avait précédé, mais préférable à l’âge du bronze jaunâtre qui le suivit. »

Ovide, Les Métamorphoses, Livre I, vers 89-115 (traduction).