Tout en buvant
son thé à petites gorgées, John regardait par la fenêtre du salon et s’amusait
à suivre le mouvement des feuilles qui tombaient des arbres en cette fin
d’automne. Il appréciait particulièrement Londres en cette période de l’année
et surtout le quartier de Kensington, magnifiquement illuminé à l’approche des
fêtes de Noël. C’était l’un des endroits les plus riches de la capitale et il
était certain d’y trouver du travail facilement.
A trente-quatre ans, il était déjà couvert de
dettes, surtout depuis son récent divorce. Les affaires étaient dures en ce
moment et il se félicitait donc d’avoir, quelques jours auparavant, déposé dans
la boîte aux lettres de Mr et Mme Burton, son message publicitaire
« Entretien de chaufferie et ramonage ».
Songeur, il balayait d’un regard envieux les riches décorations de la
superbe demeure victorienne des Burton, couple retraité qui avait fait fortune
dans le commerce d’antiquités.
- Souhaitez-vous une autre
tasse de thé ? lui proposa aimablement la maîtresse de maison.
- Non merci, j’ai encore
beaucoup de travail. J’ai terminé la cheminée et même remis en place les bûches
qui s’y trouvaient prêtes à être allumées, mais il me reste à vérifier la
chaudière et les radiateurs dans les autres pièces.
- Ah ! Y-a-t’il un
problème ? lança Monsieur Burton, inquiet.
- Non, non ! Il n’y a probablement
aucun problème mais votre installation est assez ancienne et nécessite un peu
plus d’attention. A mon avis j’en ai encore pour une petite heure.
-
Parfait ! Voyez-vous, ma femme et moi, avons prévu de partir dès ce
soir en week-end dans notre résidence de Canterbury et nous serons contents de
trouver à notre retour, dimanche soir, un chauffage en bon état.
A ces mots, John sursauta. Il n’entendait qu’une
chose : Monsieur et Madame Burton seraient absents durant deux jours et la
maison serait donc inoccupée. Il s’entendit répondre : « Pas de
problème, vous pouvez compter sur moi ! ». Mais dans sa tête des
pensées confuses se bousculaient. Une idée, en particulier, venait de germer
dans son esprit. L’absence de Monsieur et Madame Burton était une opportunité
qu’il lui fallait saisir à tout prix : il lui fallait revenir. Il lui
fallait les voler…
Il tenta de chasser cette idée, se refusant à admettre ce qu’elle
impliquait : il n’était pas un voleur. Mais la solution à tous ses
problèmes était là, à portée de main, et l’effroyable conclusion de son dilemme
lui apparut, évidente et inévitable.
Cachant son trouble, John quitta rapidement la pièce et se rendit dans
les différentes chambres pour terminer ses travaux. Les mains tremblantes, il
contrôlait machinalement l’installation mais son esprit était ailleurs.
Il imaginait déjà le scénario dans sa tête : il reviendrait cette
nuit même, s’introduirait dans la demeure et s’emparerait de tous les objets de
valeur qu’il pourrait revendre à bon prix.
Fouillant chaque tiroir, il nota
mentalement la nature des objets qui l’intéressaient et leur emplacement. Quand
ses travaux furent terminés, il prit congé des Burton et quitta la maison d’un
pas rapide.
La nuit venue, John se retrouva derrière la maison
des Burton, le cœur battant et les mains moites, fixant la serrure de la porte
de service qu’il devait crocheter. Arriverait-il à ouvrir la porte ?
« Oui, se dit-il, je peux le faire ! Ce n’est pas si difficile, j’ai
quelques connaissances en serrurerie. Cela va bien me servir. Et puis, j’ai
repéré tous les endroits dans lesquels se trouvent les objets les plus
intéressants. Je ne vais pas abandonner maintenant, quand même ! Les
propriétaires ne rentrent que dans deux jours, ce n’est pas comme si j’avais
seulement une demi-heure devant moi ».
Dans les minutes qui suivirent, il se retrouva dans le salon éclairé
par quelques traits de lumière filtrant par les volets de la fenêtre
principale. Rapidement, il ôta son sac-à-dos, dans lequel il mit, un à un, les
objets qu’il avait repérés. Dans la salle-à-manger, il prit l’argenterie et les
accessoires dorés à l’or fin. Dans le tiroir de la coiffeuse, il s’empara des
bijoux de Madame Burton et de la vieille montre en or de son mari. Il lui
restait encore à visiter les chambres d’amis et la salle-de-bain quand il
entendit un bruit de moteur, dehors.
- On a bien fait de
rentrer, mon chéri, dit Madame Burton en sortant de la voiture, je
n’aurais pas pu rester davantage dans cette maison glaciale dont la chaudière a
refusé de se mettre en route. Nous aurions dû penser à la faire réviser aussi…
Heureusement qu’ici le chauffage est comme neuf et qu’on va pouvoir terminer
notre soirée bien au chaud au coin du feu !
John se senti paralysé par la peur : les Burton étaient rentrés
plus tôt que prévu. Que faire ? Se cacher, bien-sûr ! Mais où ? Du
regard, il chercha une cachette dans laquelle il pourrait attendre un moment
propice pour s’échapper. Le placard du cellier, la terrasse ? Peut-être la
cave ou mieux, le grenier ?
Caché dans le noir, John tentait de contrôler sa
respiration tout en écoutant Monsieur et Madame Burton aller et venir dans leur
maison. Il avait trouvé sa cachette assez rapidement mais il s’y trouvait à
l’étroit, mal-à-l’aise et avait du mal à respirer. Ses muscles étaient tendus
et endoloris. Combien de temps allait-il devoir rester ainsi ?
Probablement jusqu’à ce que les Burton aillent se coucher, en espérant qu’ils
ne veillent pas trop tard… Pétrifié par l’angoisse, John sentit soudain une
grande chaleur l’envahir, se mit à suffoquer et perdit connaissance.
Le lendemain matin au réveil, les
Burton remarquèrent une épaisse fumée venant de la cheminée du salon et durent
faire appel à un second ramoneur, le premier ne répondant plus…