"Une fête de famille" (Pauline Brachon)
Par L. Bueno-Lahens (lycée Hoche, Versailles (78)) le 05 mars 2016, 17:39 - Nouvelles réalistes à chute - Lien permanent
Dans la commune de Vers, petite ville de campagne qui semblait un havre de paix pour ses habitants, vivait Giselle Sauvage, une jeune retraitée de 65 ans. Elle habitait là depuis 40 ans avec son mari, un homme cordial, très apprécié du voisinage.
Leur maison était semblable à toutes les maisons du village. On y voyait une cheminée, quelques meubles, des têtes de cerfs ou de sanglier empaillées, un ou deux fusils dans le coin du salon. Comme Vers se trouvait à la lisière d’une forêt, les hommes allaient très régulièrement à la chasse et le mari de Giselle ne s’en privait pas ; d’où la présence de ces objets.
Ce soir-là, tout semblait paisible chez les Sauvage. Ils avaient invité leurs trois grandes filles à dîner et, au vu des boissons et des mets qui reposaient sur la table, la soirée promettait d’être joyeuse et conviviale. On fêtait la promotion de la plus jeune fille, qui venait d’être nommée patronne, à la pharmacie de la ville d’à côté.
Cependant, la joie du père devenait de plus en plus bruyante. Il avait déjà bu de nombreux verres à la santé de sa fille et, comme souvent lorsqu’il était saoul, il s’était mis à crier sans retenue, notamment à l’adresse de sa femme.
Vous pensez sans doute qu’il s’agissait là d’un simple débordement sans conséquence, mais voici comment les choses étaient en train de se passer.
Il criait toujours plus fort. Ses filles se sentaient très mal à l’aise. Des souvenirs se ravivaient en elles, des souvenirs brûlants et enfouis. Toute leur enfance, elles avaient été battues et agressées sexuellement par leur père.
D’une voix sèche, il s’exclama :
- Viens ici ma petite femme, viens que je te botte le derrière !
Giselle fit la sourde oreille.
- Comment, tu m’ignores ? Tu vas voir ce que tu vas voir !
Il se leva, se dirigea vers Giselle… et la gifla. Giselle tomba à la renverse. Lorsqu’elle redressa la tête, son œil était bordé de rouge.
- Tiens, sale mimouche ! Tu ne sers à rien !
Les filles voulurent calmer leur père, mais l’aînée reçut un coup de poing. La mère se releva et essaya de retenir son mari pour l’empêcher au moins d’en frapper une autre, mais il se débattit et jeta encore une fois sa femme sur le sol. Alors, au moyen d’une chaise, il se mit à frapper toutes ses filles l’une après l’autre.
Pendant ce temps, dehors, la nuit était tombée. On entendait le vent souffler doucement. Quelques maisons étaient éclairées d’une faible lumière.
Il y avait maintenant plus d’une heure que le mari de Giselle semait le chaos dans le logis familial. Giselle et ses filles étaient défigurées : l’une saignait de la lèvre, deux autres du nez, la dernière de l’arcade sourcilière…
Mais l’homme n’avait pas assez tapé. Il prit un couteau dans la cuisine et, d’un air féroce, se dirigea vers sa femme. Ses filles s’écrièrent : « Non ! Non ! Papa ! arrête ! » Mais il n’entendait pas. Il avait levé sa main armée du couteau et avançait tout droit vers sa femme. Cette fois-ci, rien ne semblait pouvoir l’arrêter.
Avant qu’il ait pu être à un mètre de sa cible, une balle traversa son corps. Sa dernière fille lui avait tiré dessus avec un des fusils qui se trouvaient dans la pièce. Il tomba raide mort, juste sous la tête du sanglier qu’il avait tué l’année précédente.