"Une drôle de baignade" (Arnaud Daby-Seesaram)
Par L. Bueno-Lahens (lycée Hoche, Versailles (78)) le 05 mars 2016, 16:45 - Nouvelles réalistes à chute - Lien permanent
C’était le jour, ou bien la nuit. Je ne le savais pas car la pièce dans laquelle je me trouvais et de laquelle je ne pouvais pas sortir avait ses volets de l’extérieur fermés. A ce moment indéfini, Elsa faisait couler de l’eau pour son bain. Moi, non loin d’elle nageais dans une étendue d’eau, m’amusant en tentant, après chaque traversée de mon terrain de jeu, de m’immerger en simulant des noyades, mais sans succès car je flottais. Ma flottaison me pose encore problème lorsque je veux m’amuser, surtout lorsque je nage dans cette étendue d’eau et même aujourd’hui, je ne peux pas m’immerger totalement, malgré toutes les techniques employées pour y parvenir.
Elsa, alors que je nageais, marchait lentement et sereinement dans le couloir. Elle semblait avoir tout son temps, or, cela n’arrivait presque jamais. Elle était le plus souvent animée d’une haine immense contre son « boss », comme elle aimait l’appeler, car ce dernier lui confiait des tâches interminables juste avant qu’elle ne quitte son bureau. Ainsi, elle rentrait tard, très tard… Si tard qu’elle en oubliait de lire son courrier, chose à laquelle elle tenait pour « rester joignable ». Ces soirs là, elle ne faisait que manger et prendre une brève douche, avant de se diriger vers sonc lit, et de s’y endormir profondément, et ce sans même jeter un coup d’œil vers moi.
Soudain, une masse sombre et molle m’emmena sous l’eau ! Elle semblait venir du ciel, tel un météore. Là, commença une lutte acharnée pour… la survie. J’étais toujours sous l’eau, tentant de remonter. C’était d’ailleurs ma seule préoccupation : remonter. Il fallait remonter, il fallait respirer, mais il ne fallait surtout pas inspirer avant d’être à la surface. Afin de m’en empêcher, je fis en sorte de ne pas expirer. Ainsi, je ne respirerai pas d’eau et ne me noierai pas. Ne sachant que faire pour remonter à la surface, je commençai par battre des jambes, et ce de plus en plus vite, mais en vain. Cela a eu un seul effet : m’épuiser. Je savais qu’il me restait peu de temps si je ne remontais pas. Ma tête me tournait et mes jambes, qui s’étaient arrêtées de battre afin de ne pas me fatiguer davantage en vain, tremblaient de ce manque d’air. Cela me força de reconnaitre une chose : mes jambes ne pourront plus m’être d’aucune utilité dans ma remontée. Comment m’en sortir ? Cette question, obsédante pour quelqu’un dans ma situation, restait sans réponse.
Mes bras tournèrent sur eux-mêmes dans le but de remplacer mes jambes. Ils me propulsaient : je remontais ! Voyant la réussite de cette technique, je redoublais d’efforts, les fis tourner de plus en plus vite et, avec plus de force, les élançait à chaque tour. Ma remontée soudaine me fit oublier mon manque d’air. Je ne craignais plus d’expirer car je n’y pensais plus. J’allais survivre !
Tout à coup, cette chose, indescriptible de là où je me tenais, me heurta de nouveau, plus fort que la première fois, si fort qu’elle me compressa, et me compressa tant que mes poumons se vidèrent sans que je ne puisse rien faire : ce que j’appréhendais tant tout à l’heure arriva ! Je vis au dessus de moi ces bulles d’air monter et disparaitre, alors qu’elles étaient pour moi ma seule chance de survivre car je ne sais combien de temps je pourrais retenir ma respiration sans inspirer et me noyer.
Cette dernière attaque était différente de la première car il ne s’agissait pas réellement d’un coup mais plutôt d’une touche : cette chose ignoble et meurtrière, m’ayant vu remonter, m’entrainait vers le font de mon terrain de jeu. Elle avait la volonté certaine de me noyer. Elle semblait même m’attraper, comme le fait Elsa lorsqu’elle joue avec moi, pour être sure qu’il n’y ait pour moi aucune échappatoire et que je ne puisse pas m’enfuir. Si cette chose m’attrapait à la façon d’Elsa, était-elle humaine ? Était-ce Elsa qui jouerait ? Etait-ce un simple jeu ? Je ne le savais pas encore.
Soudain, cette main, car il s’agissait bel et bien d’une main me serra plus fort et m’extirpa de l’eau, puis, Elsa ! C’était donc elle ! Elle me reposa alors à la surface, me laissant reprendre de l’air et flotter à ma guise.
Elsa recommença plusieurs fois cette « plaisanterie » qui la faisait tant rire. Voilà ma vie : la vie d’un canard de salle de bain.