La valeur économique de l’art - introduction au thème

Introduction

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Fondation Le Corbusier

            La notion de valeur peut avoir différents sens : c’est à la fois le caractère mesurable (d’un objet notamment) en tant que  susceptible d’être échange, d’être désiré ; c’est aussi le caractère de ce qui répond aux normes reconnues de son espèce, qui a de la qualité et qui est objectivement digne d’estime ; et c’est aussi la qualité estimée d’un jugement. L’art a-t-il donc une valeur ? assurément, mais en fonction de la compréhension du mot valeur celle-ci peut prendre différentes formes.

            Tout d’abord une œuvre, un objet d’art a une valeur subjective c'est-à-dire une valeur qui est fonction de l’intérêt sensible que porte un public et/ou un spectateur. Tout le monde n’accorde pas la même valeur sensible, sentimentale à un immeuble, une lithographie, un fauteuil, une chanson…

            Mais à côté de cette valeur personnelle en résonance avec la sensibilité du public, il existe aussi des valeurs plus objectives qui font plus ou moins consensus car ne relevant pas du regard d’individus subjectifs, mais du regard collectif d’une société qui, à une époque donnée, attribue des qualités patrimoniales à une oeuvre en fonction d’un contexte politique, intellectuel, moral, esthétique : par exemple, il ne doit pas exister beaucoup d’individus pour penser que Notre-Dame de Paris n’a pas une valeur patrimoniale suffisante pour entreprendre sa restauration après l’incendie de 2019 ; les destructions de monuments par les groupes islamistes terroristes au Mali, en Afghanistan ou en Syrie (Palmyre par exemple) a suscité l’indignation du monde entier. Nul ne conteste aujourd’hui la valeur intrinsèque d’un tableau de Van Gogh ou d’une sculpture de Rodin.

            Les œuvres ont donc bien une valeur objective qui repose sur des considérations patrimoniales, historiques, scientifiques. Cette valeur peut alors être l’objet de débats qui peuvent parfois être de nature économique : pourquoi dépenser de l’argent pour restaurer tel monument plutôt qu’un autre ? Pourquoi un musée décide-t-il d’acheter une œuvre dans une vente aux enchères pour enrichir ses collections ? Pourquoi des financements sont-ils accordés à tel site archéologique plutôt qu’un autre ?

Les considérations sur la valeur d’une œuvre peuvent aussi relever d’une politique culturelle : pourquoi telle mairie décide-t-elle de financer tel lieu de création artistique ? Pourquoi un spectacle d’art vivant reçoit-il des subventions ? Pourquoi tel mécène décide-t-il de soutenir financièrement un artiste ?

            Mais dans la thématique abordée nous traiterons plus particulièrement de la valeur économique de l’art, c'est-à-dire que la plupart des œuvres ont un prix marchand (sauf bien entendu les œuvres qui appartiennent au patrimoine commun, Notre-Dame de Paris n’a pas de « prix ») car elles sont insérées dans des circuits économiques. Ainsi le prix d’une œuvre (un tableau, un billet pour un concert, une lampe de designer, une maison d’architecte,…) est fonction d’un marché où se rencontrent l’offre et la demande. Chaque domaine artistique a son marché et ses acteurs : le monde de l’édition pour les écrivains, le monde su spectacle pour les musiciens, le monde du cinéma pour les réalisateurs et les comédiens… Mais de manière générale il existe un marché de l’art qui se définit comme un marché sur lequel s’échangent les oeuvres d’art ; ce marché englobe « le commerce des objets d’art entre différents acteurs : les artistes, les intermédiaires qui sont les galeristes, les courtiers d’œuvres d’art ou les conseillers en gestion de patrimoine, et les acheteurs, amateurs d’art ou collectionneurs. Ce marché est segmenté : art ancien, art contemporain, art classique, art primitif » (définition du marché de l’art selon l’école internationale des métiers de la culture et du marché de l’art, iesa.fr). Il suffit par exemple de se rendre sur le site Web d’un hôtel de vente comme Drouot à Paris (https://www.drouot.com/) pour se rendre compte de la diversité du marché de l’art.

            L’art a donc une valeur économique : une œuvre a donc un prix et un artiste (qui n’est autre qu’un artisan exalté d’après W. Gropius) a besoin d’être rémunéré. Mais ce prix – la valeur économique – peut varier avec le temps et une fois l’œuvre créée elle finit par échapper à son auteur pour « appartenir » ensuite à la collectivité qui en fixe sa valeur qui est fonction d’un marché et de normes objectives mais qui relève aussi souvent d’une certaine subjectivité car l’art ne peut se définir comme un objet objectif…

           Pour étudier cette question nous étudierons l’œuvre de Charlotte Perriand (1903-1999), célèbre designer du XXe siècle pour étudier la valeur économique de l’art. Dans un premier temps nous verrons quelle est aujourd’hui la valeur économique de l’œuvre de Charlotte Perriand à travers la réalisation fictive d’un catalogue de vente de ses œuvres puis dans un deuxième temps nous nous pencherons sur le contexte de réalisation des œuvres de Perriand et de la valeur économique de ses œuvres au moment où celles-ci ont été créées.