Je suis traductrice littéraire. Autrement dit, je traduis en français des livres écrits en espagnol (d'Espagne ou d'Amérique latine). Je traduis essentiellement de la littérature et de la bande dessinée.
Quelles sont les études ou la formation requises pour y parvenir ?
Il est recommandé de faire des études de lettres et de langues pour commencer. Soit hypokhâgne, khâgne(1) puis une double licence, soit directement une double licence à l'université. Ensuite, plusieurs universités françaises proposent des masters. Il y a aussi l'ISTI(2) et le CETL(3), à Bruxelles (formations payantes) et l'université de Lausanne.
On trouvera toutes les informations nécessaires sur le site de l'Association des traducteurs littéraires :
http://www.atlf.org/Formation-a-la-traduction.html
Mais il faut ajouter à la formation spécifique en traduction l'acquisition d'une bonne culture générale, une pratique assidue de la lecture et de l'écriture.
Combien de temps y consacrez-vous ? / Quels sont les horaires ?
La traduction littéraire est relativement mal payée par rapport à la traduction technique. Pourtant, elle demande à mon avis des compétences supérieures et plus de temps. Mais cela est un autre débat… En tout cas, pour pouvoir dégager des revenus suffisants pour vivre correctement, je dois m'y consacrer à plein temps, une quarantaine d'heures par semaine en moyenne. L'avantage, c'est que j'organise mon temps comme je veux. Il m'arrive de prendre des journées en semaine pour faire autre chose et de compenser en travaillant le soir ou le week-end. Il m'arrive aussi de travailler douze heures par jour pendant un mois, puis six-heures ou moins le mois suivant.
Quelles sont les principales contraintes selon vous ?
Principalement, l'incertitude financière. Je n'ai pas un salaire qui tombe tous les mois, je dois constamment aller à la pêche aux contrats. Ne sachant jamais ce que l'avenir me réserve, je suis parfois contrainte d'accepter plusieurs contrats en même temps.
Quels sont les plaisirs ?
Le plaisir d'écrire, de jouer avec la langue, de relever des défis et de les réussir (certains livres sont bourrés d'expressions qui n'ont pas leur équivalent en français, de véritables casse-tête…).
Le plaisir de lire un livre à fond, à la loupe, d'en capter les moindres détails, y compris parfois les défauts.
Le plaisir aussi de faire découvrir des livres aux lecteurs.
Quels sont les principaux métiers associés à votre profession ?
Le métier d'écrivain.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui voudrait faire ce métier ?
Je lui conseillerais de bien réfléchir avant et de s'assurer :
1° qu'il choisit ce métier par passion ;
2° qu'il a un certain talent pour l'écriture.
Ensuite, de se former et de s'exercer ; d'être attentif au langage en toute circonstance, de "collectionner" les mots, les expressions, les tournures.
Pouvez-vous raconter un bon souvenir ?
L'avantage de mon travail, c'est que je peux le faire à peu près n'importe où, sauf peut-être sous la douche, et encore… Dans le bain, en tout cas, c'est possible. Il m'arrive de traduire couchée dans mon lit ou sur ma terrasse, au soleil. Pas plus tard qu'il y a un mois, alors que j'étais en vacances au Chili, j'étais au bord d'un lac, au pied d'un volcan, et je me réveillais tous les matins à 7 heures et je m'installais dehors pour traduire pendant deux heures avant que les humains ne se réveillent. C'était magnifique et ce roman sera à jamais associé dans mon esprit à ce moment de contemplation de la nature.
Un mauvais souvenir ?
Je traduis de la littérature contemporaine. La plupart des auteurs que je traduis sont donc en vie et je peux m'adresser à eux lorsque, malgré tous mes efforts, je ne comprends pas une phrase ou un mot. Généralement, cela se passe très bien et ils sont ravis de pouvoir collaborer, d'autant plus ravis qu'ils ont souvent l'angoisse d'être mal interprétés et donc mal traduits. Exception à la règle, une auteure espagnole excessivement prétentieuse et désagréable qui a refusé tout net de répondre à mes questions en disant qu'il n'était pas question qu'elle fasse mon travail et que je n'avais qu'à me débrouiller. Autrement, même si on travaille parfois dans la douleur, on finit par l'oublier pour ne garder que la satisfaction du résultat. Un peu comme un accouchement…
Observez ici un exemple du travail réalisé par Mme CARRASCO-RAHAL, L'Art conversations imaginaires avec ma mère de Juanjo SAEZ, éditions Rakham (cliquez sur le images pour obtenir un agrandissement) :
Je remercie Mme CARRASCO-RAHAL d'avoir pris le temps de répondre à toutes ces questions.
1 : Classes préparatoires aux grandes écoles.
2 : ISTI : Institut Supérieur des traducteurs et interprètes.
3 : CETL : Centre européen de traduction littéraire.