C'est d'ailleurs dans la traduction faite par DUMAS que seront prélevées les citations suivantes.
L'action se déroule au XIIe siècle, le narrateur explique précisément la situation conflictuelle dans les campagnes anglaises. Depuis la bataille d'Hastings racontée sur les tapisseries de Bayeux, les seigneurs locaux, descendants des Normands de Guillaume le Conquérant, tyrannisent les Saxons qui sont pourtant natifs des lieux. Contrairement aux romans arthuriens, les Saxons ne sont plus des envahisseurs mais des victimes. Toutes sortes de lois viennent tuer leurs libertés et l'un des instruments du pouvoir est le langage (à ce sujet, la lecture de Franglais ou Frenglish ? vous est chaudement recommandée).
Le jeune Wilfrid Invahoé, un valeureux chevalier, revient discrètement de Palestine où il participait à la Croisade. Le narrateur commence par nous cacher son identité, comme souvent dans les récits de chevalerie. On apprend ensuite qu'il est en froid avec son père Cedric. Il est donc privé des ses biens et des ses droits. Il aime la belle Lady Rowena, compagne d'enfance, que l'on destine à un autre noble saxon. C'est donc en solitaire qu'il parcourt l'Angleterre prêtant assistance à ceux qui en besoin. On le voit notamment secourir Rebecca et son père Isaac de York. Le chapitre VII nous apprend que Richard Ier (surnommé Cœur-de-Lion) qui s'est absenté pour les Croisades est retenu prisonnier par le "cruel duc d'Autriche". Pendant ce temps, son frère le prince Jean Sans Terre, ligué avec le Roi de France, tente de s'emparer du trône.
Malgré les misères d'un peuple qui attend le retour du roi, chacun apprécie les tournois.
Celui qui se déroule à Ashby-de-la-Zouche constitue un des grands moments du roman et un hommage appuyé aux récits de chevalerie. Le narrateur livre un description détaillée du terrain, de la lice, des pavillons, des noms des participants, des jeunes filles, des bannières, des chevaliers. Le prince Jean lui-même apparaît avec son "arrogance libertine mêlée de hauteur et d'indifférence" (chapitre VII). On distribue de l'argent et les spectateurs accueillent les chevaliers aux cris de "Amour aux dames ! Mort aux champions ! Honneur aux généraux ! Gloire aux braves !" Après plusieurs combats, arrive alors un chevalier inconnu "son armure d'acier était richement incrustée d'or, et la devise visible de son bouclier était un jeune chêne déraciné avec le mot espagnol desdichado, qui signifie déshérité. [C'est le titre d'un très beau poème à lire en suivant ici : Poème "El Desdichado" de G. de NERVAL.]. Comme c'est la coutume, le nouveau venu touche de sa lance le bouclier de son adversaire, Bois-Guilbert le Templier, pour le défier. Le public craint pour la vie de l'inconnu. Voici un extrait de leur combat : Extrait d'Ivanhoé de W. SCOTT : la joute du Déshérité. Vainqueur, l'inconnu enchaîne successivement trois autres victoires. Le chevalier solitaire a accompli un exploit, acclamé par la foule. Il dépose la couronne de beauté à Lady Rowena, montrant ainsi que ses victoires lui appartiennent. Le lecteur aura bien sûr reconnu qui se cache sous le heaume de ce chevalier. En revanche, un mystère planera longtemps sur l'identité d'un mystérieux chevalier noir, d'une vaillance sans pareille, qui vient au secours du Déshérité à partir du chapitre XII.
Il y a deux autres bonnes raisons de lire ce récit d'aventures extraordinaires :
Premièrement, le récit épique de l'assaut du château de Torquilstone, que mène Ivanhoé pour délivrer Rebecca et son père.
Deuxièmement, un personnage secondaire s'avère être l'un des plus célèbres hors-la-loi : Robin Hood de Locksley accompagné de ses archers, de Petit Jean, de Frère Tuck (qui fait penser à Turpin de la Chanson de Roland ; voir Le meilleur chevalier du monde). C'est ainsi que le public français a découvert Robin des Bois. Alexandre DUMAS a d'ailleurs lui aussi publié son adaptation l'histoire de l'archer dans son roman Le Prince des voleurs (1872).
Un opéra en trois actes, intitulé Invahoé (1826), de Gioachino ROSSINI (1792-1868) reprend une partie de l'histoire, d'après un livret en français de Émile DESCHAMPS (1791-1871). En 1952, c'est au cinéma que l'histoire est adaptée avec Ivanhoé de Richard THORPE (1896-1991). Le film rencontre à l'époque un certain succès, grâce au talent de la reconstitution historique et à la performance des acteurs comme Robert TAYLOR et Elizabeth TAYLOR. On pourra voir jusque dans les années 80, grâce aux rediffusions, une série télévisée Ivanhoé (1958) avec Roger MOORE. On peut signaler une adaptation en bande dessinée Ivanhoé (2009-2012), en trois tomes, de YANN et Elias SANCHEZ. Le récit est dense, les dessins sont très précis, la colorisation est agréable. Enfin, encore aujourd'hui, des éditeurs proposent des versions abrégées pour rendre accessible ce qui est tout de même un chef d’œuvre très influent.
Pour en finir avec les chevaliers errants, laissons la place à un autre poème de Victor HUGO
"Les chevaliers errants" issus de La légende des siècles : Extrait des "chevaliers errants" de Victor HUGO
La fin de la thématique vous montrera le point commun entre lui et Batman dans SOUS LE HEAUME DES CHEVALIERS 4/4 : Chevaliers des temps modernes.
Le mois prochain, vous lirez BAS LES MASQUES, l'art de la dissimulation...