Le XVIIe siècle français, la période classique, avait établi des règles très strictes concernant le théâtre, inspirées par ARISTOTE pour le théâtre antique.

La règle des trois unités :

  1. unité d'action : une seule intrigue, pour rester compréhensible

  2. unité de temps : l'histoire racontée ne doit pas excéder une journée, pour rester vraisemblable

  3. unité de lieu : l'action se déroule dans un même lieu

La règle de bienséance : on ne montre rien de choquant, de violent ou de contraire aux usages respectables.

CORNEILLE transgresse toutes ces règles, provoquant ainsi la colère d'une partie du public et des autorités théâtrales. Le Cid, adoré par les uns, détesté par les autres, a causé ce qu'on nomme la Querelle du Cid. On fait appel à RICHELIEU, principal ministre de Louis XIII et créateur de l'Académie française [le rôle de l'Académie est de codifier la langue française et de faire la promotion des auteurs français]. On retiendra de la pièce malgré ses "défauts" met en avant un héros aux valeurs exemplaires. Après avoir subi les modifications demandées, en 1648, 1660 et 1682, elle sera rebaptisée tragédie. C'est la version remaniée que nous proposons ci-dessous.

 

L'histoire s'appuie sur un personnage historique : Rodrigo Díaz (XIe s.), surnommé Campeador suite à des victoires. Il épouse Doña Ximena (Chimène) la fille du roi Alphonse VI. Il connaît l'exil, se fait mercenaire. Ses adversaires maures vaincus lui donnent le surnom de Sidi, "seigneur", traduit par Cid. Il termine sa vie en régnant sur la ville de Valence.

 

Voir aussi SOUS LE HEAUME DES CHEVALIERS 1/4 :  Des héros de légende, b. Le meilleur chevalier du monde.

Le lignes qui suivent reprennent les principales citations scène par scène dans chaque acte.

 

ACTE I :

 

Chimène est promise à Rodrigue. L'Infante Doña Urraque, fille du roi est aussi amoureuse du jeune homme et espère voir ses sentiments s'apaiser. Le compte Gomes, père de Chimène, est jaloux de Don Diègue et l'humilie. Trop vieux pour se défendre, Don Diègue demande à son fils de le venger. Rodrigue accepte, mais une fois seul, il expose son dilemme.

Scène 1 : Elvire, Chimène

Elvire « Il estime Rodrigue autant que vous l’aimez »

Scène 2 : L’Infante, Léonor, le Page

L’infante : « Je mis, au lieu de moi, Chimène en ses liens,/Et j’allumai leurs feux pour éteindre les miens. »

Scène 3 : Le comte, Don Diègue

Le Comte : « Enfin vous l’emportez, et la faveur du Roi/ Vous élève en un rang qui n’était dû qu’à moi : /Il vous fait gouverneur du prince de Castille » (v.151-153)

Don Diègue : « Joignons d’un sacré nom ma maison et la vôtre:/Vous n’avez qu’une fille, et moi je n’ai qu’un fils » (v.166-167)

Le comte : « Si vous fûtes vaillant, je le suis aujourd’hui » ( v.195) ; « il [le Prince, fils du Roi] apprendrait à vaincre en me regardant faire » (v. 205)

Don Diègue : « Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus » (v.211)

Dans cette scène les deux hommes se répondent vers à vers, c'est une stichomythie. Leurs paroles sont rapides et cinglantes, comme des coups d'épée, jusqu'au soufflet [= la gifle] donnée par le comte Gomès. L'emploi du présent met en valeur un état, en cours de déroulement, alors que le passé simple renvoie à une action achevée, qui n'est plus d'actualité. Gomès accuse Don Diègue d'être un homme du passé, démodé, fini.

Scène 4 : Don Diègue

« Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! » (v. 237)

Le célèbre monologue de Don Diègue qui n'a pas su se défendre

Scène 5 : Don Diègue, Don Rodrigue

Don Diègue : «Rodrigue, as-tu du cœur ? » (v.258), « Meurs ou tue » (v. 275) ; « Va, cours, vole et nous venge » (v. 290)

Don Diègue emploie tous les types de phrases, en particulier l'injonction. Il est un père qui joue de son autorité et qui commande à son fils. Rodrigue, en digne fils, ne conteste rien.

Scène 6 : Don Rodrigue

Ce sont les stances de Rodrigue. Le rythme des vers est différent, des octosyllabes et des hexasyllabes s'ajoutent aux alexandrins. Rodrigue expose clairement ses doutes, c'est le dilemme cornélien : une alternative et deux options insatisfaisantes qui rendent son choix impossible

« Il faut venger un père, et perdre une maîtresse » (v. 303)

ACTE II

Rodrigue malgré son manque d'expérience, tue le comte. Le royaume est déstabilisé. On annonce la venue des Maures. Chimène vient réclamer vengeance. 

Scène 1 : Don Arias, Le Comte

Le comte : « Et l’on peut me réduire à vivre sans bonheur,/Mais non pas à me résoudre à vivre sans honneur » (v. 396)

Scène 2 : Le Comte, Don Rodrigue.

Don Rodrigue : « À moi, Comte, deux mots. » (v.397) « À quatre pas d’ici je te le fais savoir. (v.403) ; « La valeur n’attend pas le nombre des années » (v. 406) ; « À qui venge son père il n’est rien impossible./Ton bras est invaincu mais non pas invincible. » (v. 417-418). Les deux chevaliers se défient et montrent qu'ils ne se craignent pas. La dérivation ( "invaincu/invincible") est une figure de style qui montre que Rodrigue peut vaincre le comte.

Le Comte : «À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » (p. 45, v.434).

Scène 3 : L’Infante, Chimène, Léonor

Chimène : « Le passé me tourmente et je crains l’avenir » (v. 480).

L’Infante : « Mais si jusques au jour de l’accommodement/Je fais mon prisonnier de ce parfait amant,/Et que j’empêche ainsi l’effet de son courage/Ton esprit amoureux n’aura-t-il point d’ombrage ?

Chimène : « Ah ! Madame, en ce cas je n’ai plus de souci » (v. 496-499).

Scène 4 : L’Infante, Chimène, Léonor, le Page

Chimène : « Sans doute, ils sont aux mains, il n’en faut plus parler » (v.504)

Scène 5 : L’Infante, Léonor

L’Infante « Ce qui va séparer Rodrigue de Chimène/Fait renaître à la fois mon espoir et ma peine » (v.510-511).

Scène 6 : Don Fernand, Don Arias, Don Sanche

Don Fernand : « Il offense don Diègue, et méprise son roi ! » (v. 563). « N’en parlons plus. Au reste, on a vu dix vaisseaux/De nos vieux ennemis arborer les drapeaux. » (v. 607-608).

Scène 7 : Don Fernand, Don Sanche, Don Alonse

Don Alonse : « Sire, le Comte est mort :/Don Diègue, par son fils, a vengé son offense. » (v. 632-633). « Chimène à vos genoux apporte sa douleur ;/Elle vient tout en pleurs vous demander justice » (v. 636-637).

Scène 8 : Don Fernand, Don Diègue, Chimène, Don Sanche, Don Arias, Don Alonse

Chimène : « Ce sang qui tant de fois garantit vos murailles,/Ce sang qui tant de fois vous gagna des batailles,/Ce sang qui tout sorti fume encor de courroux » (v. 661-663)

Don Diègue : « Qu’on nomme crime, ou non, ce qui fait nos débats,/Sire, j’en suis la tête, il n’en est que le bras. » (v. 723-724).

ACTE III

Rodrigue veut retrouver Chimène. Celle-ci fait appel à Don Sanche très empressé de la venger. Toutefois, Chimène ne peut rejeter Rodrigue lorsqu'elle le voit. Don Diègue félicite son fils et l'envoie combattre les Maures.

Scène 1 : Don Rodrigue, Elvire

Don Rodrigue : « Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène :/Je mérite la mort de mériter sa haine,/Et j’en viens recevoir, comme un bien souverain,/Et l’arrêt de sa bouche, et le coup souverain » (v.753-756).

Scène 2 : Don Sanche, Chimène, Elvire

Don Sanche : « Employez mon amour à venger cette mort » (v. 780)

Scène 3 : Chimène, Elvire

Chimène : « La moitié de ma vie a mis l’autre au tombeau » (v. 800) ; « Et que dois-je espérer qu’un tourment éternel,/Si je poursuis un crime, aimant le criminel ! » (v. 807-808). « Dedans mon ennemi, je trouve mon amant » (v. 812) ; « Je demande sa tête et crains de l’obtenir » (v. 827).

Scène 4 : Don Rodrigue, Chimène, Elvire

Don Rodrigue : « Attendre après mon crime une lente justice,/C’est reculer ta gloire autant que mon supplice. :Je mourrai trop heureux, mourant d’un coup si beau. » (v. 937-939). « Ton malheureux amant aura bien moins de peine/À mourir de ta main qu’à vivre avec ta haine » (v. 961-962). Chimène : « Va, je ne te hais point » (v. 963). C'est la célèbre litote qui emploie une forme négative pour dire un sentiment très fort de façon détournée.

Scène 5 : Don Diègue

« Rodrigue ne vit plus, ou respire en prison » (v. 1020).

Scène 6 : Don Diègue, Don Rodrigue

Don Diègue : « Ton premier coup d’épée égale tous les miens » (v. 1032). « Nous n’avons qu’un honneur, et tant de maîtresses ! » (v. 1058). « Viens, suis-moi, va combattre et montrer à ton roi/Que ce qu’il perd au Comte il le recouvre en toi. » ( v.1100).

ACTE IV

Rodrigue revient victorieux et fait le fameux récit de ses combats. Chimène prétend toujours vouloir sa mort. Elle accepte de prendre pour époux le vainqueur du duel.

Scène 1 : Chimène, Elvire

Elvire : « Les Mores devant lui n’ont paru qu’à leur honte ;/Leur abord fut bien prompt, leur fuite encor plus prompte » (v.1105-1106).

Scène 2 : L’Infante, Chimène, Léonor, Elvire

Chimène : « Je vois ce que je perds quand je vois ce qu’il vaut » (v. 1164).

Scène 3 : Don Fernand, Don Diègue, Don Arias, Don Rodrigue, Don Sanche

Don Fernand : « Mais deux rois tes captifs feront ta récompense./Ils t’ont nommé tous deux leur Cid en ma présence » (v. 1221-1222)

Don Rodrigue : « Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort,/Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port » (v. 1259-1260) ; « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles/Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles » (v. 1273-1274) C'est ici que se trouve l'oxymore, l'association impossible de deux termes contraires dans un même groupe grammatical ; « Et le combat cessa, faute de combattants » (v. 1328). Ceci une autre dérivation qui fait se suivre des mots de la même famille.

Scène 4 : Don Fernand, Don Diègue, Don Rodrigue, Don Arias, Don Alonse, Don Sanche

Don Fernand : « On m’a dit qu’elle l’aime, et je vais l’éprouver. » (v. 1336).

Scène 5 : Don Fernand, Don Diègue, Don Arias, Don Alonse, Don Sanche, Chimène, Elvire,

Don Fernand : « Tu veux qu’en ta faveur, nous croyions l’impossible ?/ Chimène ta douleur a paru trop visible. » (v. 1353-1354).

Chimène : « Qu’ils le combattent, Sire ; et le combat fini,/J’épouse le vainqueur, si Rodrigue est puni. » (v. 1403-1404)

Don Sanche : « Faites ouvrir le champ : vous voyez l’assaillant ;/Je suis ce téméraire, ou plutôt ce vaillant » (v. 1439-1440)

ACTE V

Chimène en privé confirme son amour à Rodrigue mais le renie en public. L'Infante se lamente de ne pas être aimée. Rodrigue affronte Don Sanche hors scène. Voyant revenir Don Sanche avec l'épée de Rodrigue, Chimène le croit mort. On la détrompe et on consent à leur mariage. Pour satisfaire son honneur, Rodrigue partira un an combattre les Maures.

Scène 1 : Don Rodrigue, Chimène

Chimène : « Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix » (v. 1556).

Scène 2 : L’Infante

Stances de l’Infante : « Il est digne de moi, mais il est à Chimène » (v. 1589). Comme pour Rodrigue, elle a droit à un monologue dans lequel elle expose sa peine. Le rythme change avec des octosyllabes.

Scène 3 : L’Infante, Léonor

L’Infante : « Puisqu’en un tel combat sa victoire est certaine,/Allons encore un coup le donner à Chimène » (v. 1641-1642)

Scène 4 : Chimène, Elvire

Elvire : « Ou vous avez Rodrigue, ou vous êtes vengée » (v. 154).

Scène 5 : Don Sanche, Chimène, Elvire

Chimène : « En croyant me venger , tu m’as ôté la vie » (v. 1718).

Scène 6 : Don Fernand, Don Diègue, Don Arias, Don Sanche, Don Alonse, Chimène, Elvire

Don Fernand : « Ne sois point rebelle à mon commandement,/Qui te donne un époux aimé si chèrement » (v. 1771-1772).

Scène 7 : Don Fernand, Don Diègue, Don Arias, Don Sanche, Don Alonse, L’Infante, Chimène, Léonor, Elvire

Don Fernand : « Et par tes grands exploits fais-toi si bien priser/Qu’il lui soit alors glorieux de t’épouser. » (v. 1831-1832).



Cette œuvre majeure a depuis été adaptée de nombreuses fois : une version du Cid en bande dessinées est disponible, à l'initiative de l'éditeur Olivier PETIT. N'hésitez pas à lire l'entretien accordé sur le blog en suivant ce lien ; au cinéma dans Le Cid (1961), d'Anthony MANN, un film d'aventures avec Charlton HESTON et Sophia LOREN ;  Le Cid (1985), au théâtre  mis en scène par  Francis HUSTER  ; dans une série animée pour enfants  : Rody le petit Cid, où l'histoire est transformée, faisant du héros un garçon de 11 ans qui veut devenir chevalier et tellement d'autres... Elle reste d'une telle richesse qu'elle peut être étudiée aussi bien au collège qu'au lycée ou encore en faculté.


N. THIMON