Celui qui en parle le mieux est encore Daniel DEFOE (1660-1731). On lui attribue un texte de référence, la base de tous les récits sur la piraterie jusqu'à nos jours : Histoire générale des plus fameux pirates (1726), initialement publié sous le nom d'auteur de Charles JOHNSON. Les citations qui suivent, concernant les pirates authentiques, en sont tirées.
Les îles, et en particulier les Indes occidentales (ancien nom que les Européens donnaient aux Antilles), étaient pour les brigands des lieux indispensables pour se cacher, se ravitailler, s'armer ou dissimuler des trésors issus de l'espace caraïbe...
Dans l'Histoire générale des plus fameux pirates, le récit concernant de Bartholomew ROBERTS, rapporte cette étonnante charte des pirates (autrement appelée "chasse partie") composée d'au moins douze articles parmi lesquels les deux suivants :
"II. […] Mais s'il détourne, au détriment de la compagnie, plus d'un dollar […], il sera, par punition, abandonné sur une île déserte.
VII. La désertion ou l'abandon de poste pendant le combat est puni de mort ou de débarquement sur une côte déserte."
Ce magnifique tableau du peintre Howard PYLE (1853-1911), Marooned (1909), montre parfaitement le sort qui attend les malheureux. Une couleur triste et crépusculaire, un horizon monotone, un homme abandonné et isolé, la tête baissée en signe de désespoir.
Cette punition est souvent équivalente à une mort lente et met en évidence le rôle particulier de l'île dans la vie des pirates. Leur représentation artistique est bien connue : une jambe de bois, un crochet en guise de main, un bandeau sur l’œil, des balafres qui sont autant de signes victimaires des pirates, les symboles d'une vie violente. Pour rappeler leur environnement exotique, on les dépeint aussi parfois avec un perroquet sur l'épaule. En signe de reconnaissance, autant qu'en manière d'avertissement, ils hissent le fameux pavillon noir portant un crâne et deux tibias, voire deux épées croisées. D'un navire à l'autre les motifs peuvent varier mais sont assez bien identifiables. Ce drapeau porte même un nom le Jolly Roger. L'origine du terme demeure incertaine : pour certains, c'est une déformation de "joli rouge" qui renvoie au drapeau rouge indiquant pas de quartier, les vaincus seront tués. Pour d'autres, cela renvoie à un surnom du diable en anglais, "Roger". Toujours est-il qu'il fait craindre aux autorités officielles britanniques un autre Commonwealth c'est-à-dire une autre communauté des richesses rivale.
Mais qui se cache derrière ces marins peu fréquentables ?
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Les pirates, sont depuis l'Antiquité, des bandits qui attaquent les bateaux pour piller leurs richesses ;
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Les corsaires, eux pratiquent la course, c'est-à-dire la capture de vaisseaux marchands ennemis ils sont au service d'un roi ou d'une institution(1) ;
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Les flibustiers, étymologiquement, sont des bandits qui font "librement un butin", sur les côtes de l'Amérique ;
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Les boucaniers étaient à l'origine des aventuriers qui chassaient des bœufs en faisant boucaner (fumer) la viande ;
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Les frères de la côte, sont l'ensemble de ces hommes qui s'associent pour amasser ensemble des richesses ;
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Les gentilshommes de fortune est un surnom que l'on trouve parfois pour qualifier ces aventuriers qui vont où le vent les pousse.
Comment devient-on pirate ?
Les raisons qui poussent les uns et les autres à faire des choses interdites sont laissées à la discrétion de chacun. Mais à une époque où de grandes richesses sont véhiculées en mer, où des guerres incomprises tuent sans distinction, où les coupables de crimes sont condamnés à mort, où les ordres de certains capitaines entraînent la révolte, la fameuse mutinerie(2), certains hommes font le choix de la piraterie. Une vie aventureuse, incertaine, libre et qui amènera peut-être la gloire et la fortune.
Quelques fameux pirates
Personnages réels, ils sont mentionnés dans le texte de DEFOE et tous les supports artistiques s'en sont emparés :
Edward TEACH surnommé "Barbe-Noire" était une "brute courageuse qui aurait pu être un héros s'il s'était employé à une bonne cause". Il serait né vers 1680. Avide de richesses, il devient pirate. Il s'empare d'un navire français à destination de la Martinique et le rebaptise La vengeance de la Reine Anne (Queen Ann's Revenge). Son second se nomme Israel HANDS et on le retrouve dans le roman L'Île au trésor. Ses actions l'amènent à piller les colonies américaines, en particulier la Virginie. Ils parcourent aussi les îles des Caraïbes. On raconte que sa barbe effrayante lui monte jusqu'aux yeux et qu'il s'y attache des mèches enflammées. Poursuivi par les autorités, sa tête est mise à prix, il finit par mourir, au terme d'une lutte acharnée, après avoir reçu vingt-cinq blessures, dont cinq d'arme à feu. Sa tête sera tranchée puis exposée en guise d'exemple.
"John RACKHAM, alias Calico Jack - car sa veste et sa culotte étaient toujours faites de cette étoffe" (le calicot est un tissu grossier à base de coton) agit surtout près des îles : les Bahamas, les Bermudes, Saint-Domingue, la Jamaïque... et c'est près de l'une d'elles qu'il est capturé avant d'être pendu. Dans son sillage, on peut mentionner Mary READ, une des rares femmes pirates. Orpheline élevée comme un garçon, puis veuve sans argent, elle finit par rejoindre l'île de Providence (au large du Honduras) pour se faire corsaire et lutter contres les Espagnols. Plus tard, elle rejoint le navire de RACKHAM et se lie d'amitié avec son épouse Ann BONNY, pirate elle aussi. Arrêtée, elle meurt suite à une forte fièvre. Ann BONNY enceinte pour la deuxième fois échappe à l'exécution. L'ombre de Rackham continuera de planer dans la bande dessinée Canoë Bay (2009) de Patrick PRUGNE et Tiburce OGER. Ce récit, magnifiquement mis en couleurs, nous fait suivre les traces du fils du célèbre pirate entre les îles et les côtes de l'Amérique, à la recherche d'un trésor caché.
C'est aussi pourquoi BRREMAUD (1973-) et LEMATOU reprennent sous forme de bande dessinée l'histoire des plus fameux pirates avec Capitaine Kidd (2009), Barbe-Noire (2010). Ils s'amusent à représenter Daniel DEFOE, allant maladroitement de taverne en taverne pour recueillir les histoires des bandits célèbres. Ces derniers abordent toutes sortes d'îles pour leurs divers besoins.
Dans leur lignée vont s'inscrire bien d'autre noms, fictifs cette fois :
La Ballade de la mer salée (1975) est le premier recueil en bande dessinée des aventures de Corto Maltese, le célèbre marin créé par Hugo PRATT (1927-1995). Le protagoniste (personnage principal) Corto Maltese et son compagnon Raspoutine(3) sont à la recherche d'un trésor et parcourent des îles de l'Océan Pacifique. Ils font la connaissance de riches et jeunes héritiers Caïn et Pandora Groosvenore(4).
Les deux marins sont présentés comme des pirates ainsi qu'en témoigne l'échange entre Raspoutine et le capitaine d'un navire hollandais (p. 46) :
- Je suis le capitaine Raspoutine, breveté de la Marine Impériale. Je prends possession de votre bateau et tout ce qu'il transporte.
- Excusez-moi. Je crains ne pas vous avoir compris.
- Vous transportez un chargement de charbon. Mon gouvernement le saisit ainsi que le bateau et tout ce qu'il transporte.
- Mais vous êtes fou !... La guerre n'a pas été déclarée et vous n'avez aucun droit... Et puis vous n'avez pas l'uniforme et le drapeau anglais... Par conséquent ceci est un acte de piraterie. Voilà ce que vous êtes : des pirates !
De quoi est constitué le butin des pirates ?
Les pirates pillent les navires en mer et s'attaquent parfois à des comptoirs. Ce sont des ports prévus pour le commerce maritime, regorgeant de biens en tous genres.
Dans le vocabulaire des pirates - et surtout dans les coffres qu'ils sont supposés posséder - on trouve souvent des doublons : monnaie d'or espagnole, ils valent 4 pièces de huit réaux. A l'époque de la grandeur espagnole, la monnaie d'Espagne, le réal, est la plus courante.
Les chansons de pirates
Pas de pirates sans chansons où l'on parle des voiles, d'alcool, de pillages, de morts. Victor HUGO (1802-1885) a rédigé un poème intitulé "Chanson de Pirates" dans son recueil les Orientales (1829), dont voici un extrait :
On signale un couvent à terre
Nous jetons l'ancre près du bord
A nos yeux s'offre tout d'abord
Une fille du monastère
Près des flots, sourde à leurs rumeurs,
Elle dormait sous un platane...
Dans la galère capitane
Nous étions quatre-vingt rameurs
Pour connaître le sort de cette jeune fille, retrouvez l'intégralité du poème en suivant ce lien : "Chanson de Pirates", poème de Victor HUGO. Claude NOUGARO (1929-2004) en a fait une reprise, "Chanson de Pirates", qui apparaît sur son album Assez (1980).
Connaissez-vous les navires de l'époque ?
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Le sloop est un petit navire à 1 mât,
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la goélette possède 2 mâts,
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le schooner a 3 mâts au moins,
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le brigantin est un navire à un pont et 2 mâts.
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la frégate est un bâtiment de guerre rapide, de 3 mâts,
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le galion est grand navire espagnol pour le transport des richesses.
Ainsi préparés, vous pouvez voguer à la découverte des îles et des trésors.
Le mois prochain vous lirez LES AMANTS ÉTERNELS.
N. THIMON
NOTES :
1 : Deux exemples célèbres avec Jean BART (1650-1702), Flamand au service de Louis XIV et Robert SURCOUF (1773-1827), marin de Saint-Malo.
2 : Un exemple avec Les révoltés de la Bounty (1879) de Jules VERNE. S'inspirant d'un fait réel, le romancier raconte comment en 1789, le capitaine BLIGH, jugé trop sévère par son équipage, est débarqué. Les mutins ne deviennent pas des pirates mais se sont livrés à un acte qui doit être puni. Certains d'entre eux parviennent jusqu'à Tahiti où ils mèneront la belle vie.
3 : Il s'inspire physiquement d'un personnage historique de l'entourage du Tsar de Russie Nicolas II.
4 : Sur le nom Pandora, voir l'article AU MATIN DU MONDE 1/3 : La Paradis sur Terre c. Eve et Pandore, la fin des jours heureux.