Pouvez-vous définir précisément votre métier ?

Je suis gérant des studios Belliard Productions. Mon métier consiste à faire de la salle de répétitions, du studio d'enregistrements, une école de musique (guitare, basse, batterie et chant), de l'accompagnement et de la création artistique, exclusivement musicale.

Quelles sont les études ou la formation requises pour y parvenir ?

J'ai fait une école de commerce(1), ce qui me permet d'assurer ma principale fonction de gérant de la société.

Pour tout ce qui concerne la partie artistique, j'ai fait des études musicales uniquement. Je suis premier prix de conservatoire classique, ensuite, j'ai fait quatre ans de flamenco et trois semaines de jazz. J'ai des diplômes en solfège et en musique, à part ça je n'ai aucun autre diplôme spécifique à ma profession.

Tout ce qui est technique, je l'ai appris sur le tas en tant que stagiaire avec quelqu’un que je respecte beaucoup qui s'appelle Gérard COUSIN, qui m'a appris tout le métier de sonorisateur, d'ingénieur du son et « dans une ancienne vie » de producteur de spectacles.

Il existe des formations d'ingénieur du son qui se font généralement après une bac scientifique, parce qu'après, dans une école d'ingénieur du son, on fait de la physique, de l'électronique, etc. C'est un métier qui a changé, qui s'apprenait sur le tas, avec la vie, jusqu'à il y a encore une vingtaine d'années. Il n'y avait aucune école de formation aux métiers du son. C’est un métier qui ne s'apprenait qu'en tirant des câbles et en regardant les autres faire.

Aujourd'hui, il y a des formations pour ça. A savoir que la plupart des gens qui sont en activité aujourd'hui n'ont pas fait de formation et peut-être que dans vingt ans, quand ils se seront fait remplacer, qu'ils auront pris leur retraite, on n'aura que des gens sur-diplômés. Ça, je ne peux pas imaginer ce qui va se passer dans l'avenir. Mais aujourd'hui, dans ces métiers-là on cherche plus des gens avec un CV(2)  pour aller faire de la prestation que ce soit en enregistrement ou en sonorisation que des gens avec des diplômes.

Combien de temps y consacrez-vous ? / Quels sont les horaires ?

Je suis gérant et pas salarié. Je suis « artisan du spectacle » à la chambre des métiers(3), comme tous les artisans, je fais 75 heures par semaine à peu près. Je me couche le soir en pensant à ma société, je me réveille en pensant à ma société... comme tout le monde ! Quand on est gérant, les heures c'est toute sa vie. Quelqu'un qui se met à son compte passe toute sa vie à faire ça. On peut imaginer que c’est contraignant mais en général, dans un domaine qui nous passionne, ce n'est pas si contraignant que ça. Je n'ai pas d'horaires fixes, c'est tout le temps.

Quelles sont les principales contraintes selon vous ?

En sachant que j'ai ouvert des studios dans mon domicile, la contrainte de l'éloignement du domicile, je ne l'ai pas. Pour quelqu'un qui ferait ça dans un autre cadre, par exemple dans un hangar industriel, qui irait faire musicien professionnel en tant que musicien de session ou sonorisateur (chose que j'ai faite avant), la grosse contrainte, ce sont les horaires : la vie et le travail la nuit.

Par exemple, quand j'étais sonorisateur de spectacles, je partais à 14 heures et je rentrais à 4 heures du matin, la contrainte, c'est qu'on travaille quand les autres ne travaillent pas : le week end. Quelqu'un qui veut se lancer dans les métiers artistiques ne doit pas avoir peur de travailler le dimanche. On travaille le samedi, c'est sûr, le dimanche de temps en temps (quand on est sonorisateur, on travaille tout le temps le dimanche). Quand on est dans le spectacle pur, on travaille quand les autres ne travaillent pas.

Ça coûte beaucoup de la vie de famille, que ce soit parce qu'on est marié avec des enfants, que ce soit pour faire un repas de famille le week end ou encore pour aller faire la fête avec des amis, c'est impossible parce qu'on travaille. Ça coupe vraiment la vie sociale. La vie sociale est interne à son métier. On vit avec les gens avec qui on travaille. Comme on fait un métier amusant, on le supporte parce qu'on est dans le spectacle tout le temps. Et aussi fou que ça puisse paraître, quand on travaille dans le spectacle, lorsqu'on nous propose d'aller voir un spectacle le soir où on ne travaille pas, on préfère rester chez soi ! On ne dort pas beaucoup, c’est un métier qui est plutôt contraignant.

C'est vrai, ce sont des métiers qui font rêver ; personnellement, je ne sais pas pourquoi, parce que c'est assez contraignant, d'un point de vue physique. Pour expliquer la journée d'un ingénieur du son en studio, par exemple, quand le groupe arrive, il faut que tout soit prêt. J'ai tout câblé, mis en place, c'est assez répétitif : mettre les micros devant les amplis, devant les batteries, etc, respecter la fiche technique, c'est toujours le même principe... Il faut arriver, il faut attendre derrière sa console que l'artiste fasse la bonne prise (et parfois, ça peut être long!). Pour l'ingénieur du son « live » (4), c'est pire, parce qu'il faut charger le camion, aller à la salle de spectacle, décharger le camion, il n'y a rien qui pèse moins de 40 kg. On arrive en avance, les portes sont fermées ; en retard, on se fait disputer ; à l'heure, ça va, mais il faut se dépêcher. On a tous des vêtements de rechange à cause des efforts.

La journée type d'un ingénieur du son : tu arrives avant tout le monde, tu installes tout le plateau, on te dit que le groupe va arriver en retard, tu passes du temps à attendre. Le groupe arrive enfin et il te reste 25 minutes pour faire la balance(5), tu finis en retard à cause du groupe, mais c'est toi qu'on dispute. Le concert commence, tu fais le son, tout le monde s'amuse. Le groupe a fini, prend son matériel et part, et toi, tu ranges. Tu finis deux heures et demie plus tard que tout le monde, tu ranges, tu charges le camion et tu rentres à cinq heures du matin. Dit comme ça, ça fait beaucoup moins rêver !

Quels sont les plaisirs ?

Le vrai plaisir, c'est qu'on fait ce qu'on aime, c'est ce qu'il y a de plus important. Aujourd'hui je ne fais plus de « live » mais uniquement de l'enregistrement de groupe. Je travaille en ce moment sur un album de zouk avec des gens qui jouent bien, sympathiques, qui sont contents d'être là, qui te donnent le sourire... je passe des journées entières avec eux, j'ai l'impression d'avoir passé un quart d'heure. On a de vrais moments de plaisir parce qu'on crée de la musique, on crée des choses. La créativité est liée à l'accompagnement artistique que je peux faire aujourd'hui, au cours de musique, qu'on fait dans l'école avec les élèves qui progressent, qui sont contents de venir toutes les semaines. Quand c'est toi qui a crées, cela tu es content de toi. Il y a énormément de plaisir à faire ça.

Le travail en lui-même est un plaisir, sauf que toute la technique autour impose des contraintes. Dans un monde où le câble n'existerait pas et où tout serait « wireless »(6), où les amplis pèseraient le poids d'un boîte d’œufs, évidemment, ce serait un métier formidable ! Le plaisir, c'est évidemment la musique avant tout.

Quels sont les principaux métiers associés à votre profession ?

Je les ai un peu tous faits avant de faire ce métier aujourd'hui. Rien que dans ma profession aujourd'hui, j'ai déjà plusieurs métiers :

  • je suis professeur de musique,

  • je suis gérant d'une société (ce qui n'a rien à voir avec la musique),

  • je suis ingénieur du son

  • et je suis producteur, voire directeur artistique(7). Ce sont les différents métiers que je fais aujourd'hui. Après la partie sonorisation, il y a la partie musicien de session. Quand on fait ce métier, c'est très important, il faut être musicien. Il y a des gens qui essaient de se lancer là-dedans sans être musiciens, c'est foncer dans le mur, directement, il faut être musicien, c'est une base. Quelqu'un qui n'est pas musicien, qui n'est pas artiste, qui n'a pas la conscience des contraintes que peut avoir un musicien sur scène ou en studio ou un musicien apprenti en cours... il ne faut pas qu'il fasse ça. On peut faire une école de son, aussi fou que ça puisse paraître, on admet des élèves en école de son qui ne sont pas musiciens. Je trouve ça complètement aberrant. Quelqu'un qui n'est pas musicien ne doit pas faire ça. C'est quelqu'un qui va faire n'importe quoi, qui n'a aucune conscience de ce que peut être la vie d'un musicien, le travail qu'il y a eu en amont.

Pour en revenir aux métiers à côté, on peut faire :

  • musicien de session, chose que je fais assez rarement, à condition que le projet me plaise. Tu joues en live ou en studio de la guitare, de la batterie, etc. pour un artiste et on va te payer pour ça.

  • artiste, celui qui arrive encore à vendre des disques au XXIe siècle. C’est un peu « hors concours ». C'est de la chance, il faut connaître des gens.

Vous pouvez trouver ici un aperçu du travail des Studios BELLIARD

JMA - Ma Rage :

 



JMA - Ma Rage par jmaxizi

 

Et plus d'informations sur le site officiel :

http://bprod.perso.sfr.fr/Belliard_Productions/Accueil.html



 

Je remercie M. BELLIARD d'avoir consacré du temps pour répondre à toutes ces questions.

 

N. THIMON
 

1 : Établissement offrant une formation à la comptabilité, au marketing et au commerce

2 : CV document présenté à l'employeur pour faire connaître vos expériences et compétences.

3 : La Chambre de métiers et de l'artisanat a pour mission de représenter, aider et défendre les intérêts généraux de l'artisanat et d'aider le développement des entreprises.

4 : Pas en studio, mais en concert.

5 : Suite de réglages pour équilibrer tous les sons avant de jouer.

6 : Wireless = sans fil.

7 : Personne chargée de l'aspect global de l’œuvre et de l'accompagnement de l'artiste.