On retiendra l'image d'Héraclès qui, parmi ses douze travaux, doit capturer Cerbère, le chien à trois têtes qui garde l'entrée, de Charon, le batelier qui fait traverser le fleuve, etc.
A travers divers récits, on voit que c'est un lieu dangereux dont une partie est réservée aux méchants. Ils y subissent toutes sortes de supplices sans fin : Ixion sur sa roue, les Danaïdes qui remplissent des tonneaux percés, Tantale affamé et assoiffé qui ne peut ni boire ni manger car la nourriture lui échappe continuellement1, Sisyphe qui roule son rocher au sommet d'une montagne et qui le voit retomber près du but à chaque fois... Les anciens ne manquaient pas d'imagination pour voir punir les méchants2.
Chez les Grecs d'abord, HOMÈRE (IXe s. av J.C.) dans l'Odyssée raconte comment le héros éponyme3, Ulysse, descend aux enfers afin de retrouver le devin Tirésias, seul capable de lui indiquer le chemin du retour à Ithaque (chant XI). Il lui faudra traverser un bois, puis s'arrêter au confluent4 des quatre fleuves des enfers : l'Achéron, le Styx, le Cocyte et le Pyriphlégéton. Il lui faut ensuite accomplir des sacrifices afin que le sang attire les morts parmi lesquels se trouve le devin.
Ensuite, HÉSIODE (VIIIe – VIIe s. av J.C.) dans la Théogonie, décrit le Tartare comme le lieu souterrain, loin du ciel, où sont rejetés les ennemis de dieux : les Titans ou les Géants. C'est une sorte de récipient avec un col resserré, correspondant aux « racines du monde ». Il précise qu'une enclume qui tomberait de la terre mettrait neuf jours et neuf nuits à atteindre le Tartare.
Puis, chez les Latins, OVIDE (43 av. J.C.-17ap. J.C.) dans son recueil poétique les Métamorphoses relate au chant X l'histoire d'Orphée, en se fondant sur une très ancienne tradition. Le poète mythique, celui dont la lyre pouvait attendrir les fauves et faire danser les pierres, a dû lui aussi accomplir le terrible voyage. La femme qu'il aimait, Eurydice, a été piquée par une vipère (le peintre français Nicolas POUSSIN (1594-1665) en a donné une vision célèbre dans Orphée et Eurydice (1650-1653)).
Il se rend donc dans le royaume souterrain pour la retrouver. Ses talents musicaux lui permettent d'arriver jusqu'à Hadès, le dieu des enfers et de le convaincre de reprendre sa fiancée. Il ne pourra la garder avec lui que s'il parvient à remonter sans jamais se retourner pour vérifier qu'elle le suit bien. Beaucoup de récits anciens et contemporains racontent la fin de l'histoire.
Pour en avoir une idée, vous pouvez écouter Orphée aux enfers (1874), l'opéra-bouffe (version humoristique sur fond de French cancan) de Jacques OFFENBACH (1819-1880) ; admirer les tableaux de Gustave MOREAU (1826-1898) au Musée d'Orsay (voir aussi l'analyse sur Moreau) ; voir le film de Jean COCTEAU (1889-1963), Orphée (1950) ou celui de Marcel CAMUS (1912-1982) Orfeu negro (1959) transposé au Brésil.
En outre, s'inspirant d'HOMÈRE, VIRGILE (70 - 19 av. J.C.), un autre poète latin, fait un récit identique dans l'Enéide. Son héros, le Troyen Enée, ancêtre mythique des Romains, accomplit un voyage similaire à celui d'Ulysse. Le chant VI de l'Enéide est un des textes les plus connus à ce sujet. Le héros rejoint les bois de l'Averne où la Sibylle, une sorte de prophétesse, l'informe du rite pour entrer au royaume souterrain. Il lui faudra d'abord cueillir un rameau d'or, puis enterrer un ami mort récemment et enfin, faire un sacrifice. La sibylle lui sert de guide. L'entrée se fait dans une caverne sombre et hérissée de rocs. Il entre et découvre le royaume de Pluton5. Le lieu est divisé en plusieurs parties, dans lesquelles les morts sont répartis en fonction des actions accomplies de leur vivant. Certains attendent encore leur jugement. Les héros et les justes sont quant à eux dans une partie agréable nommée les Champs Elysées6. C'est là que se trouve Orphée. Enée, avant de ressortir, devra passer d'abord par la porte du Sommeil. Mort et Sommeil restent très proches en apparence et dans la mythologie.
La vision mythologique des enfers évoque avant tout le séjour des morts, un lieu aux formes multiples, aussi bien fait pour la récompense que pour la punition. C'est un lieu surnaturel, au-delà du monde normal qui exige un rituel pour autoriser son accès.
La suite dans une semaine avec "Descentes aux enfers III : L'Enfer de Dante".
Et le mois prochain vous lirez : "Cœur d'homme, peau de bête", quand l'humain devient animal...
1 Un "supplice de Tantale" désigne le fait d'être soumis à une tentation impossible à contenter.
2 Pour plus de détails vous pourrez vous reporter en bibliothèque au Dictionnaire de la mythologie de Pierre GRIMAL.
3 Dont le nom apparaît dans le titre.
4 Point de rencontre.
5 Nom latin du dieu des enfers.
6 C'est en référence en à ce lieu que l'on a nommé ainsi la plus célèbre avenue de Paris.
N. THIMON