ECG Géopolitique 1ère année, lycée Carnot

Les sujets des concours 2025

Ecricome sujet 1 : L’eau douce, enjeu de développement durable et de paix ? 

Ecricome sujet 2 : Construire une Europe de la défense depuis les années 1950 

ESSEC : Les arcs de crise dans le monde depuis le début de la guerre froide

La République à la lumière de la république romaine

Les partis politiques s’échinent à se parer des vertus de la République dont ils ne comprennent pas toujours l’origine et le sens. De manière métaphorique, certains en vinrent même à parler « d’arc républicain », soit l’image d’une arme  (synonyme de défense, voire de combat) ou bien d’une demi-auréole (synonyme de sacre et de glorification) qui surplomberait le peuple français. C’est en faisant en détour par la Rome antique qu’on se propose ici de définir ce mot de République. Si ce dernier est opérationnel à d’autres moments que lors de son établissement, l’histoire peut ici aider à s’affranchir quelque peu des usages qu’en font les responsables politiques, dans les démocraties dites libérales comme dans les régimes autoritaires. 

République est issu de l’expression latine res publica qui ne renvoie pas à un type de régime politique, mais signifie plutôt chose publique, terme vague s’il en est, voire mystérieux. L’historienne Claudia Moatti associe le mot à l’idée de partage, de litige ; c’est en somme le produit d’une interaction entre les citoyens et les institutions. Mais attention à ne pas avoir qu’une approche institutionnelle (assez propre aux libéraux d’ailleurs) et finalement assez théorique. En effet, Rome, contrairement à l’image que l’on s’en fait pour la période républicaine, n’a pas véritablement instituer de droit public, et encore moins une constitution. Aucun texte n’a défini la République ; il faut donc s’en remettre à une forme d’empirisme pratique des Romains. Plus encore, la polysémie de l’expression est en effet liée à l’indétermination du mot res, la chose tandis que publica vient de publicus, parfois traduit par populus, populi, soit l’équivalent de peuple politisé, non le peuple dans son entièreté (comme pour le demos athénien d’ailleurs ou encore le peuple de Lincoln. Res publica désigne l’ensemble des affaires que les citoyens ont en commun, pas nécessairement un consensus. On souligne également que publicus dérive de pubes, puber, qui désigne le jeune en âge de porter les armes et donc, si l’on suit une démarche anthropologique, le jeune en âge de procréer. Plus compliqué encore :  Publicus désigne également les biens publics, la communauté politique, l’État, comme il peut signifier la république, la patrie, à l’égal du koinon grec. La res publica peut être également  associée à la masculinité, dans un espace public réservé aux hommes. Mais dans le même temps, un travers serait d’en avoir une lecture purement aristotélicienne (La Politique), une vison modélisante, insistant sur un contrat qui lierait éternellement ses membres, surestimant la force d’un consensus implicite fondé sur le partage des fonctions et sur l’échange neutre. 

Finalement on en déduit que la res publica est davantage définie comme un processus, une construction perpétuelle, et même un outil de socialisation. Au coeur de la res publica se trouve la libertas (définie comme limite imposée à l’exercice du pouvoir) jusqu’à la crise du IIe siècle av-JC. Un changement de sens s’opère alors. La res publica désigne alors la puissance publique et s’institutionnalise verticalement grâce à l’élaboration de normes et l’instauration d’institutions pérennes. Auguste prétend ainsi restaurer la res publica, or elle n’a plus grande chose à voir avec sa dimension première, mais devient pratiquement un régime peu à peu vidé de sa substance sociale. L’empire, soucieux de taire tout conflit (conflit pourtant consubstantiel à la res publica) qui suit ne s’y trompe pas, qui utilise toujours le terme res publica, tout en neutralisant sa dimension processuelle. Une évolution analogue aurait-elle également touché la démocratie athénienne ? 

Claudia Moatti, Res publica : Histoire romaine de la chose publique, Fayard, 2018. 

 

 

 

 

Vous avez dit "le mur de Trump" ?

Les poncifs ont la vie dure. Quatre années après la défaite de Donald Trump face à Joe Biden, la question du contrôle de la frontière mexicano-américaine et du caractère immoral de la politique migratoire trumpienne nourrit toujours les copies des candidats aux concours. En 2023, sous Joe Biden, 5.6 millions de migrants ont pourtant été expulsés tandis qu’environ 1.6 million ont pu entrer dans le territoire américain, et ce, malgré l’arrêt la construction de ce fameux mur en 2021. Un rappel historique doit permettre de comprendre ce que représente l’enjeu de la question dans un pays où la frontière est nimbée d’une sacralité constitutive de la nation et du territoire américain. 

  • Jeunesse et porosité de la frontière entre Mexique et Etats-Unis

Cette frontière s’est constituée au XIXe siècle. Le Texas et les « patriotes » américains ont eu recours à la violence pour établir cette frontière dans les années 1830 et 1840. La victoire contre le Mexique s’est soldée par l’annexion  de la Californie et du Texas, ainsi que tout le sud-ouest américain. Le traité de Guadalupe-Hidalgo (1848) permit en effet la mainmise sur le Colorado, l’Arizona, le Nevada et le Nouveau Mexique trois ans après l’annexion d’un Texas acquis à Washington après la fondation de l’éphémère république du Texas par des Blancs américains (1845). Dès lors, la frontière est de plus en plus surveillée, notamment par les Texas Rangers, également connus sous le nom de Frontier Battalion (bataillon de la frontière). Il ne s’agissait pas seulement de contrôler les flux de Mexicains potentiellement hostiles mais aussi d’interdire la fuite des esclaves vers le Mexique et de mieux contrôler les populations indiennes encore réfractaires à l’autorité de Washington. La première loi visant à réguler les migrations clandestines date de 1882. Elle concerne des immigré chinois qui ont commencé à entrer principalement par le Mexique, après que le Canada ait adopté une taxe sur l'immigration chinoise. Mais l’essor agricole de la Californie et la croissance de l’économie pétrolière au Texas facilitent l’arrivée de travailleurs saisonniers mexicains (braceros ou manoeuvre) avant qu’un programme officiel ne soit scellé avec le Mexique en 1942. Une tolérance relative s’installe dans un vide juridique apparent qui satisfait les entreprises américaines friandes de cette main d’oeuvre bon marché. Les braceros vont et viennent assez librement de part et d’autre de la frontière. En 1924 est pourtant créée la Border Patrol, une force armée fédérale chargée de surveiller la frontière tout au long de l'année. Initialement, ces fonctionnaires s'occupaient davantage des trafiquants d'alcool de l'époque de la Prohibition que des immigrants mexicains. 

  • La question de la frontière devient une question de politique intérieure

Longue de plus de 3000 kms, c’est la frontière la plus traversée au monde : plus de 300 millions de passages chaque année. La coût annuel de sa gestion est estimé à 4 milliards de dollars (on rappelle ici que le budget de Frontex pour l’UE ne dépasse pas 1 milliard d’euros). Matériellement constituée de cours d’eau (le fleuve -canal le Rio Grande jusqu’à El Paso), de désert ou fondue dans l’étalement urbain de villes-jumelles (twin-cities), elle est soumise depuis 1965 à une législation américaine qui a mis fin au système des quotas qui prévalait depuis les années 1920. En 1969 sous Richard Nixon, un plan anti-drogue (« Intercept ») provoque la quasi fermeture de la frontière, sans résultat. Dans les années 1980, la montée du chômage motive l’Etat fédéral a mieux contrôler les flux, quitte à légaliser les migrants illégaux installés depuis longtemps. Les flux se résorbent quelque peu mais les entreprises américaines sont friandes de cette main d’oeuvre peu chère. Avant même la signature de l’ALENA (1992), G.Bush avait fait voter une loi autorisant 500 000 puis 700 000 entrées annuelles (1990). En février 1994, l'administration du démocrate Bill Clinton élabore un nouveau plan d'immigration qui donne la priorité à la sécurité, à l'expulsion et à la réécriture du droit d’asile, poussant les immigrants légaux à demander la citoyenneté. Des pouvoirs accrus sont accordés aux forces de l'ordre locales dans les États frontaliers (Texas, Arizona, Nouveau-Mexique, Californie) dans le but de bloquer les immigrants sur les itinéraires de contrebande, ce qui a involontairement entraîné une augmentation du nombre de décès de migrants dans les régions éloignées. Puis, les attentats du 11 septembre 2001 débouchent sur un renforcement de la sécurisation de la frontière et la création de 10 000 postes de patrouilleurs, à quoi s’ajoute le Minutemen Project (milice privée en charge de la surveillance et de l’interception des migrants). En 2006, avec la ratification de la Secure Fence Act de G.Bush, les États-Unis ont entrepris la construction de 1000 kilomètres de clôtures. La crise de 2008 et la montée de la violence liée aux trafics de drogue participent à la réduction du nombre de passages. Dès 2012, les arrestations augmentent (plus de 300 000) grâce aux opérations "Safeguard" en Arizona et l'initiative "Arizona Border Control Initiative" (ABCI) le long de la frontière de l’État. L’administration démocrate n’est donc pas plus tolérante à l’égard des migrants que l’administration républicaine. 

  • Une militarisation croissante de la frontière 

Donald Trump inscrit son action dans une histoire plus longue, celle de la militarisation de la frontière depuis le XIXe siècle. Si des centaines de kilomètres de « mur » ont été construits sous son mandat (sans arriver au bout du projet, puisque moins de 460 miles de barrière ont été construits, souvent en remplacement de clôtures délabrées.), l’arrivée de D.Trump au pouvoir en 2016 ne rompt pourtant pas fondamentalement avec les politiques antérieures et ses décisions se prolongent d’une certaine manière après lui. Il y avait déjà en 2017 près de 1052 kms de clôtures sécurisées. Entre 2016 et 2017, il propose la construction de 1400 kms à 1600 kms de « mur », le reste de la frontière étant protégée par des obstacles naturels. Elu sur ce programme très protectionniste et isolationniste (slogan America First), un décret de janvier 2017 vise à accélérer la construction de la clôture et à bannir les migrants venus des pays accusés de soutenir le terrorisme (pays arabes pour l’essentiel, d’où l’expression Arab Ban).  

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Nombre d’arrestations à la frontière entre janvier 2016 et novembre 2020

Non content de l’application de la mesure qui voit se dresser contre elle des obstacles administratifs, il parvient pourtant à décréter une mesure qui vise à séparer les parents de leurs enfants à la frontière mexicaine en janvier 2018 avant qu’un juge n’abroge la mesure. C’est en mars 2019 que Donald Trump menace de fermer totalement la frontière. Le résultat fut effectivement une chute du nombre de migrants traversant la frontière et du nombre de ceux appréhendés par la Border Patrol ; 400 000 en 2020 (contre près de 900 000 en 2019), mais les mailles du filet frontalier peinent à se resserrer en raison de discontinuités liées à la présence de propriétés privées. Finalement, le «  mur de Trump » n’a fait que compléter des dispositifs déjà en place, et ce, sur une longueur modeste : environ 750 kilomètres (458 miles, dont 226 en Arizona, 100 au Nouveau Mexique, 77 en Californie, 55 au Texas). L’arrivée de Joe Biden se traduit par une hausse vertigineuse du nombre de migrants illégaux : plus de 2,2 millions en 2021. En 2023, les Etats-Unis ont supprimé le Titre 42, un décret  qui facilitait les expulsions pour des raisons sanitaires. Datant du XIXe siècle, utilisée une fois en 1929, elle a été reprise par Donald Trump en 2020 et prolongée par l'administration Biden. Si cette décision prouve une plus grande tolérance de Biden à l’égard des clandestins, la possibilité de rester sur le territoire américain et de légaliser sa situation est plus difficile et plus longue (5 ans). Le temps que la véracité des informations communiquées électroniquement sur l’application CBP One (Customs and Border Protection) lancée en 2020 soit vérifiée décourage nombre de migrants. Dès leur arrivée au pouvoir, les démocrates soutiennent qu’un mur est inefficace et constitue un gaspillage financier et pourtant en juin 2024 l'administration démocrate a annoncé la signature d'un décret visant à fermer en partie la frontière avec le Mexique. L’on sait aussi que Biden a connu des difficultés sur l’immigration depuis 2022, les Républicains en faisant un levier d’influence pour voter les crédits en faveur de l’Ukraine. Le « mur de Trump » est finalement le mur de beaucoup de présidents américains. 

 

Notes

L’expression provient d’une phrase prononcée par D.Trump lui-même le 21 avril 2016 à Harrisburg en Pennsylvanie, « Un jour, quand je ne serai plus là, ils l'appelleront le mur Trump". 

En 1942 est voté le Mexican Farm Labor Program, 1942

En 1965 est voté l'Immigration and Nationality Act

Préparer sa rentrée en ECG à Carnot

1. Quels acquis ? 

Les cours de lycée et les manuels du secondaire sont toujours très utiles pour reprendre les bases, mais la classe préparatoire exige une veille documentaire de tous les instants. Ces connaissances s’appuient sur une bonne culture générale (savoir dater la crise de Cuba, définir une montagne, connaître un auteur, calculer un % etc.), ainsi qu’un bon niveau d’expression orale et écrite. 

Une bonne connaissance de la chronologie du XXe siècle et du début du XXIe siècle est attendue à quoi s’ajoute la maîtrise des repères spatiaux (planisphère des Etats, des métropoles, des mers et océans, des formes de relief etc.).

En attendant la rentrée, voici quelques conseils de lecture : 

Les deux volumes de Nathan constituent le socle à partir duquel vous pourrez mieux vous repérer et enrichir le cours (Vol.1 ; approche historique (semestre 1) - Vol.2 ; mondialisation (semestre 2). 

Les éditeurs Bréal et Ellipses offrent également de bons supports pour suivre les programmes. 

Les collections Géostratégix et Economix en BD offrent une première approche du programme. 

Géostratégix - La géopolitique mondiale de 1945 à nos jours 

Géostratégix 2-  Les grands enjeux du monde contemporain

Economix - la première histoire de l'économie 

Enfin, pour une approche globale des enjeux actuels, nous conseillons la lecture de L'accélération de l'histoire: Les nœuds géostratégiques d'un monde hors de contrôle de Thomas GOMART

2. Quels outils ? 

Julian FERNANDEZ, Relations internationales, Dalloz, 2ème édition, 2019 

Pierre GROSSER, Histoire mondiale des relations internationales, Bouquins, 2023

Olivier NAY, Lexique de science politique, 4ème édition, 2017

Vers la fin d’année civile des publications paraissent qui résument l’actualité et font dans la prospective : Diplomatie, Carto, Conflits. 

La presse écrite est un outil indispensable pour se tenir au courant de l’actualité ; Le Figaro, Les Echos, La Tribune, Le Parisien, Le Monde, Ouest-France, Le Point ainsi que la presse internationale.  Evitez les « réseaux sociaux » dont les informations ne sont pas toutes vérifiées, suivre des émissions radio (Cultures Monde, Enjeux internationaux, Entendez-vous l’éco, Répliques sur France Culture), TV (Arte Info, Arte Reportage, Dessous des cartes.), le podcast est ici très pratique ainsi que les fils Rss (logiciel Vienna par ex), les lettres d’actualité (newsletters). 

>Les sujets des concours 2024

ESCP/HEC : Le changement climatique, un facteur de recomposition de la mondialisation 

Le sujet en Pdf ;https://www.concours-bce.com/sites/default/files/2024-04/266.pdf

ESSEC ; globalisation et multiplication des frontières depuis les années 1990 : un paradoxe ? 

Le sujet en Pdf ; https://www.concours-bce.com/sites/default/files/2024-04/265.pdf

EM Grenoble : quelle place pour l’Union Européenne dans l’espace méditerranéen ?Le sujet en Ecricome : 

Sujet 1 ; l’Afrique au XXIe siècle : de nouvelles dépendances post-coloniales ? 

Sujet 2 ; sommes-nous entrés dans l’ère de la démondialisation ? 

Les sujets en Pdf ; https://www.ecricome.org/wp-content/uploads/2024/04/SUJET-HGGMC-2024.pdf

 

Les coefficients https://www.concours-bce.com/sites/default/files/2021-11/Concours_BCE_2023_ECG_261121.pdf

Le "jour du dépassement" dépassé ?

Voici plusieurs années que des mouvements militants alertent sur le "dépassement des ressources" de la planète, expliquant par ce biais que l'humanité vivrait désormais à crédit. Les alertes du 22 août 2020 (« jour du dépassement ») étonnent et n'échappent pas à la règle. Comme en écho à l’article de Tim Lenton paru en novembre 2019 dans la revue Nature, l’agitation du 22 août montrerait une nouvelle fois que l’irréparable est franchi. Preuve de l'ineptie du concept, un nouveau jour du dépassement a été annoncé le 28 juillet 2022. 

Le problème, au delà de la répétitivité qui interroge la pertinence du concept de « dépassement », est la base sur laquelle ces groupes très peu nombreux s'appuient pour calculer de manière "scientifique" la date de ce jour... qui tombe chaque année au mois d'août. Les données utilisées par l'ONG Global Footprint Network, relayé par le WWF, font abstraction des évolutions technologiques, des mutations de la consommation et de la découverte continuelle de nouvelles ressources, y compris celles du recyclage. Il est non prouvé que la Terre ait un capital fixe, qui nous obligerait à limiter ou interdire certaines activités au nom d’une préservation ou d’une protection d’une « nature » réifiée qui n’existe quasiment plus depuis des lustres. Les partisans d’une durabilité faible et beaucoup de scientifiques défendent eux une substituabilité du capital terrestre - après la force hydraulique des moulins a été remplacée progressivement par le charbon et les hydrocarbures, puis le nucléaire et les énergies dites « renouvelables ». Demain d’autres energies, s’appuyant sur d’autres ressources seront mises en oeuvre. Or, le cherry-picking des collapsologues tronque toute conclusion sérieuse car il balaye d’un revers de main les données contradictoires et surtout ignore la perspective historique. Le calcul du ratio entre la "biocapacité" et "l'empreinte écologique" (dernier critère toujours très très approximatif puisqu'un humain peut consommer 3 hectares ... mais 3 hectares de quoi ???) sur lequel se fondent leurs analyses, est donc très aléatoire. Par ailleurs, il est dommage que des journaux "sérieux" n'exercent pas davantage leur esprit critique car ces alertes reflètent non seulement une vision conservationniste de la planète (or la conservation peut faire plus de dégâts que la transformation) mais aussi une approche quasi darwinienne de l'humanité, rappelant le catastrophisme culpabilisateur de Ehrlich et de sa Bombe P, voire des épisodes plus cruelles d’éradication de populations non désirées – fort heureusement on en reste aux Ginks . Mais qui demain nous garantit la limite de la « démographie responsable » ? Un autre risque, plus grave peut-être, est celui de supprimer des libertés (circuler, voyager, chasser, pêcher, manger de la viande etc.), au nom de cette conservation et d'ériger l'humanité en ennemie de la biodiversité (l’homme est inscrit dans cette biodiversité d’ailleurs) et d’opposer à des Etats stigmatisés (et pauvres) nos modèles actualisés. Il se trouve que la plupart des politiques publiques ambitieuses qui vont justement dans le sens de la préservation relèvent en général des pays les plus riches (donc ceux émettant beaucoup de carbone). L’angle d’attaque en réalité est moins écologique qu’économique, social et même sociétal.  La question n’est pas de savoir si demain nous connaîtrons d’autres « jours de dépassement », mais de savoir comment changer de voie tout en continuant à exploiter des ressources qui permettent objectivement le progrès: l’humanité se porte mieux en 2020 qu’en 1900; vaccins et antibiotiques, et tant d’autres médicaments très précieux aujourd’hui sont aussi les produits d'une industrialisation séculaire. L’humanité n’a-t-elle pas pour caractéristique principale d’agir contre-nature  pour progresser ?  

 

Le dôme de chaleur, Stephen King réinventé

Depuis quelques temps, le « dôme de chaleur » a remplacé la vague de chaleur ou même la canicule. La vague, on la voit venir de loin, puis elle s’éloigne tandis que le dôme assomme et paralyse. C'est une chape de plomb. Il enferme et il effraie. Les médias, inspirés certainement par quelques météorologistes novlangues et relayés par les thuriféraires de « l’urgence climatique », imposent désormais cette rhétorique d’inspiration religieuse. L’expression signifie pourtant très simplement la permanence de températures élevées au-dessus de certaines portions de l’espace terrestre - ici la France et même plus encore parfois. Le dôme enferme  ainsi le citoyen dans la peur et le confronte à l’impossibilité matérielle de briser la paroi qui le sépare d’un monde où les saisons alterneraient de manière harmonieuse et conformément à un supposé équilibre naturel. « Episode de chaleur » ou « vague de chaleur » qui rendent compte d’un caractère plus anodin et plus furtif sont désormais bannis et laissent place à une lecture quasi eschatologique du fait climatique. Il ne s’agit ici pas de nier le réchauffement climatique, d’en minorer les effets dramatiques sur les récoltes, sur les glaciers, sur la pollution etc., faut-il encore expliquer en quoi ce « dôme » est très différent des phases caniculaires. Pourquoi ne pas revenir à « anticyclone » ou « zone de haute pression » accompagnée d’une forte chaleur ? Peut-être trop technique ou passéiste ? Du 1er au 16 juillet 1976, les températures à Monsouris ne sont jamais descendues sous la barre de 25°C ; pas de « dôme » alors, mais un jean-François Saglio, surnommé « Monsieur Sécheresse », futur président d’Airparif, qui pouvait attendre que les prières de cette paroisse de Saint Siméon dans l’Orne amènent la pluie et rafraîchir ce coin de campagne normande. Plus que cela enfin, le « dôme » autorise tous les désordres dans le roman éponyme de Stephen King jusqu’à ce qu’une brèche s’ouvre grâce à l’empathie d’un extraterrrestre. La morale est que la peur ne peut guider tous les nouveaux paradigmes de nos sociétés et…qu’il ne faut jamais désespérer.

Quelques éléments sur la géopolitique de la Russie de Poutine

 

La guerre en Ukraine s’inscrit dans un vaste projet de repositionnement de la Russie dans le monde ; projet qui est associé à une « Grande stratégie ». Cette ambition implique une reconstitution de l’espace de l’ex-URSS et donc l’absorption de ce que la Douma appelle depuis 1992 « l’étranger proche ».

Originellement, ce projet est pacifique et passe par la signature d’accords divers dans une sorte d’eurasisme coopératif (J.S Mongrenier, F.Thom), mais il est un projet de puissance en réalité. Le projet du clan de Poutine, tous ou presque d’anciens membres du KGB (les siloviki), n’est donc pas que régionale, mais bien mondial : constituer une alternative musclée à l’Occident jugé décadent et faible. Dans une interview de 2019 au Financial Times, Poutine déclarait naturellement que les valeurs libérales, les droits de l’Homme, l’indépendance de la Justice n’étaient pas compatibles avec l’esprit et les traditions russes comme le comte Ouvarov au XIXe siècle et le philosophe Nicolas Berdiaev au XXe siècle l’avaient déjà affirmé.

Le 21 février 2022, Vladimir Poutine fait une déclaration historiquement fausse mais justifiant l’agression de l’Ukraine : « L’Ukraine contemporaine a été entièrement et complètement créée par la Russie, plus exactement par la Russie communiste, bolchevique. Ce processus a commencé presque immédiatement après la révolution de 1917, et Lénine et ses camarades ont agi de façon vraiment peu délicate avec la Russie : ils ont pris à celle-ci, lui ont arraché, une partie de ses territoires historiques. ». Cette vision est conforme à son révisionnisme géopolitique et historique. Ivan Krastev, politologue bulgare, évoquait en 2014 un « isolationnisme culturel et psychologique » russe, qui, au lieu de décider d’un enfermement du pays, observerait la façon dont la Russie est progressivement encerclée par des voisins hostiles. Le mépris que Poutine voue aux Occidentaux, son programme militariste et la contraction des échanges a poussé la Russie à se tourner vers l’Asie. Bloquée à l’ouest, il lui faut s’extirper d’un possible encerclement par ceux que l’autocrate russe considère comme des alliés serviles des Etats-Unis. Pourtant la Russie a regagné la scène internationale en intégrant le G7 en 1997 et en étant reçu en grande pompe à Versailles par E.Macron en mai 2017.

Mais ces signes de reconnaissance ne sont que façade. En effet, la Russie n’a jamais été aussi éloignée de l’Occident ; quand au « pivot » chinois de Poutine; après le « pivot asiatique » d’Obama, il n’a guère de sens tant les deux puissances russe et chinoise divergent économiquement et militairement. La seule différence entre les deux bords est que Poutine pense à tort que la Russie y est l’avant-garde de l’Occident en Asie.

Pourquoi l’Ukraine a-t-elle une dimension symbolique forte auprès des Russes ? L’Ukraine, existe avant la Russie, quand fut créée la Rus - le premier État slave - dans cet espace allant de la mer Baltique à la mer Noire, et compris entre le Dniepr et le Dniestr, avec pour capitale Kiev - alors que Saint-Pétersbourg et Moscou étaient encore dans les limbes.  La Russie du Moyen Âge s’appelle donc la Rus de Kiev, c’est là que la chrétienté orthodoxe est née. Parallèlement naît en 1721 la Russie, originellement surtout peuplée de Varègues venus du Nord de l’Europe (le terme Moscovie est abandonnée par Pierre le Grand) tandis que l’Ukraine est rattachée de force à l’empire tsariste à la fin du XVIIIe siècle. Elle n’émerge comme entité propre au milieu du XIXe siècle ; elle est brièvement indépendante de 1917 à 1920.

Cette date de 1721 est importante : elle correspond à la célébration du Traité de Nystad qui a mis fin à la grande guerre du Nord avec la victoire décisive de la Russie. Selon ce traité, la Suède a reconnu le transfert de l'Estonie, de la Livonie, de l'Ingrie et du Sud-Est de la Finlande à la Russie. Pour les Russes, il s'agissait d'une victoire d'une importance considérable, car juste avant la guerre, la Suède était considérée comme la première puissance militaire d'Europe. Désormais, ce titre appartenait à la Russie.

A nouveau rattachée de force à l’URSS, l’Ukraine subit ensuite la politique répressive de Staline entre 1931 et 1933 et qui fit 5 à 6 millions de morts (l’Holodomor, l’élimination par la faim). Après le pacte germano-soviétique, elle gère certains territoires (Galicie, Bucovine, Transcarpatie etc.). Elle obtient ensuite un siège à l’ONU en 1945 (bizarrerie juridique) et reçoit la Crimée en 1954, toujours dans le cadre de l’URSS (on rappelle de N.Khrouchtchev est ukrainien). Après la chute du bloc communiste, l’indépendance est proclamée en 1991 et Kiev opère alors une « décommunisation » : à Kiev par exemple, la place principale de la ville, la place de la révolution d'Octobre (ex-place Kalinine, premier président du Soviet suprême) est rebaptisée place de l'Indépendance (Maïdan Nézalejnosti). La grande statue de Lénine, qui la dominait depuis 1977, est démontée dès septembre 1991, dans les premiers jours de l'indépendance. A Odessa, beaucoup de rues retrouvent le nom qu'elles portaient avant la révolution d’Octobre. La question des rapports de l'Ukraine avec la Russie ne se pose jamais frontalement, même si des tensions peuvent surgir. Ainsi, en 2007, la restauration à Odessa du monument inauguré en 1900 en l'honneur de Catherine II et des fondateurs d'Odessa, voilé après la révolution de février 1917 et démonté par les bolcheviks en 1920, provoque la fureur de certains nationalistes ukrainiens, qui y voient un hommage rendu à la domination russe. C'est bien la « révolution de la dignité » et les tensions qui s'exacerbent avec la Russie début 2014, qui posent de nouveau avec force la question de la décommunisation. Cette dernière se poursuit : 965 statues de Lénine sont déboulonnées entre 2013 et 2016 : on parle de leninopad, la « chute des Lénine » ; 52 000 rues sont débaptisées ; 986 localités et 32 villes changent de nom, à l'image de Dnipropetrovsk qui devient Dnipro, abandonnant le nom de Grigori Petrovski, dirigeant bolchevique originaire de la ville.

L’annexion de la Crimée en 2014 n’est qu’une première étape vers une russification du pays et fait dire à Vladimir Jirinovski (ex-KGB, chef du parti d’extrême droite russe appelé « libéral-démocrate ») que la Russie est enfin redevenue une grande puissance.

Historique de l’impérialisme russe :

La représentation du pays comme une sorte de « heartland » (MacKinder, Spykman) est étayée par un néo-eurasisme dont la principauté de Kiev est l’un des noyaux. Cet Etat kiévien s’est constitué à partir de la seconde moitié du IXe siècle sous le prince Vladimir. Il se morcèle ensuite en raison des conquêtes du khan, tandis que s’affirme la principauté de Moscou.  Sous la protection des princes de Moscou, Basile II (1425-1462) appuie la Horde d’or. L’Eglise russe devient alors autocéphale ; ceci permet à Moscou de s’affirmer comme une « troisième Rome » après 1453 (date de la prise de Constantinople par les Turcs). Ivan IV (le titre de tsar s’impose alors) poursuit l’extension du royaume. En Moscovie (car telle est l’appellation alors consacrée), les nobles sont propriétaires de leurs terres et de leurs paysans. Il n’y a alors pas de cour, ni de métropoles de commandement autorisant une forme de centralisation. Les tsars conquièrent des terres et se contentent de les exploiter. L’impératrice Catherine II (1762-1796) s’inscrit dans cet héritage : « Nous n’avons point trouvé d’autres moyens de garantir nos frontières que de les étendre ». L’empire serait donc une dynamique nationale naturelle pour les Russes. Preuve en est l’extension de l’empire en Asie centrale (Kazan Astrakan et l’Ukraine au XVIIe siècle, puis la Livonie, Estonie puis Pologne au XVIIIe siècle). Pierre le Grand rêva même de conquérir l’Inde, Constantinople, les Dardanelles etc. Cet esprit de conquête justifie l’établissement d’un service militaire de 25 ans en 1736, réduit en 1874 à 15 ans (dont 6 années d’active).

Au XIXe siècle, une nouvelle étape est franchie ; pour le tsar Nicolas Ier, « là où le drapeau russe est planté une fois, jamais il ne doit retomber ». L’Etat russe se construit ainsi simultanément avec l’empire. Comme le souligne Anatole Leroy Beaulieu, « la Russie est une colonie et toute son histoire n’est que l’histoire de sa colonisation ». C’est surtout au XIXe siècle qu’une littérature hostile à l’Occident « décadent » s’épanouit. Comme le souligne Chantal Delsol (Le Figaro, 1er avril 2022), le soviétisme ne rompt pas avec ces auteurs conservateurs et Poutine incarne ce courant aujourd’hui.

Revenons aux thèses eurasiennes : au XXe siècle, les thèses eurasiennes sont portées par l’historien et ethnographe Lev Goumilev, puis plus récemment par Alexandre Douguine, néo-nationaliste, hostile au « monde anglo-saxon mercantile ». Ces défenseurs d’une Grande Russie sont nostalgiques du souvenir de l’URSS dont la fin constitue pour Poutine « la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ». Pour lui, la Guerre froide est loin d’être achevée et devrait même être relancée. Deux thèses s’affrontent alors : celle qui considère que les Occidentaux ont humilié les Russes après 1991 en ouvrant l’OTAN (1999) puis l’UE (2004) aux anciens territoires soviétiques et aux anciens alliés de l’est de l’Europe, celle qui estime que l’URSS est définitivement morte et que la Russie doit emprunter la voie du libéralisme. La politique de Poutine, qui relève de la première thèse, se présente alors comme une réaction naturelle à l’enlargement de l’Occident. La mainmise sur l’Abkhazie, l’Ingouchie, l’Ossétie du sud, la Crimée et le Donbass vise à signifier que la Russie n’est pas morte mais au contraire qu’elle est une puissance incontournable dans le cadre d’une nouvelle organisation de l’Europe.

Poutine ne cesse de mystifier la « Russie Soviétie », celle qui correspond aux anciennes frontières de l’URSS. Sa représentation géopolitique est finalement cohérente, voire logique, même si elle repose sur une reconstruction (donc une déformation) de l’histoire. Pourtant, Poutine n’innove pas : en mars 1993 déjà, Boris Eltsine en avait appeler à l’ONU pour avoir un droit de regard sur cet « étranger proche ». Le discours prit une teinte nationaliste encore plus forte avec Primakov en 1996. Poutine s'inscrit donc lui aussi dans cet héritage national-russo-soviétique.

Face à lui, les Occidentaux ont fait preuve de légèreté, ou du moins d’aveuglement ou de naïveté (?), en pensant que Poutine ne mettrait jamais en actes son ambition. Malgré l’agression contre la Géorgie en 2008, les Occidentaux (Obama au premier chef) n’ont pas réviser leur politique étrangère et ne lui en tiennent pas rigueur- probablement en raison du poids de la Russie sur le marché des matières premières et de son rôle dans la lutte contre le terrorisme. Après quelques semaines de fâcherie, les relations se normalisent avec la Russie. Le conflit ukrainien n’a d’ailleurs pas empêché la poursuite de projets gaziers, en dépit des sanctions internationales comme le montrent les partenariats (par ex avec Total).

Paraît, à cette époque, un texte fondateur que les diplomates et militaires russes connaissent par cœur, c’est Le Grand Échiquier, de Zbigniew Brzezinski. Cet Américain d’origine polonaise, a travaillé pour Jimmy Carter. Il reste très influent auprès du Secrétariat d’Etat.  Dans Le Grand Échiquier, il explique que, pour que la paix règne dans le monde, il faut que les États-Unis continuent à dominer le monde. Pour cela, il faut gagner la partie sur le grand échiquier qu’est l’Eurasie et, sur « ce grand échiquier », l’autre joueur important, c’est la Russie. La question est celle de la gestion de la question ukrainienne depuis 2014. Les Occidentaux ne sont-ils pas allés trop loin dans les promesses ou les insinuations quant à une adhésion possible à l’UE et à l’OTAN ?

Il faut dire ici que la position de Poutine a évolué entre 2001 et l’annexion de la Crimée en 2014. Le 25 septembre 2001, il défendait au Bundestag une Russie européenne, dans une sorte d’analyse kantienne des rapports entre Etats (en échange de quoi les Occidentaux ne condamnent pas l’intervention en Tchétchénie). En 2007, il élabore au contraire un discours anti-occidental à Munich lors de la Conférence sur la sécurité en Europe : « Il me semble évident que l’élargissement de l’Otan n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé. ». Vladimir Poutine pose ainsi les principes qui guident depuis la diplomatie russe ; un discours balayé d’un revers de main par les Occidentaux. En 2009, il fait adopter la doctrine russe de sécurité nationale avec l’énergie comme arme après avoir par deux fois lancé un embargo sur le gaz contre l’Ukraine en 2006 et 2009. Une « bataille des tubes » (gazoducs) s’engage puisque 80 % des exportations russes passaient alors par l’Ukraine. Nord Stream entre en oeuvre en 2010 : il achemine du gaz depuis la Russie jusqu’en RFA à travers la Baltique et permet d’éviter ce « pont énergétique » que constitue l’Ukraine, pays clé dans la perspective d’une « Union eurasienne ».

Exprimant son hostilité à un monde unipolaire, il se rapproche des BRICS dont il organise un sommet en 2015 à Moscou. Les sanctions à la suite de l’annexion de la Crimée l’isolent de plus en plus tandis qu’à l’intérieur un système constitué de potentats locaux (souvent issus du KGB) organise une « polyarchie chaotique » (J.S Mongrenier, F.Thom) dont Poutine est la tête. La verticale du pouvoir se renforce (les gouverneurs ne sont plus élus mais nommés) tandis qu’il met au pas les oligarques, les journalistes, les ONG, les opposants (assassinat de Nemtsov en 2015). Il mobilise une propagande éhontée contre les « complotistes » ukrainiens et géorgiens. Un double système de gouvernement est en place ; un « système étatico-militaire » (où le FSB et le GRU ont tous les pouvoirs) et un appareil économique, sorte « d’énergocratie » centrée sur les grands opérateurs (Gazprom, Rosneft entre autres). On rappelle que la Russie représente 5 à 10 % des réserves mondiales de pétrole et 25 % des réserves de gaz (dont 90 % viennent de la Russie) et fournit 40 % des importations européennes. En même temps, la Russie ne peut rompre avec l’Occident car pétrole, gaz et charbon contribuent pour 70 % des exportations et la moitié des ressources fiscales de l’Etat. Parmi les régions riches en ressources, il y a le Donbass, majoritairement russophone. Le soutien russe aux séparatistes du Donbass (Louhansk, Donetsk) déclenche les foudres de Kiev qui réprime durement la révolte ; la guerre du Donbass a déjà fait plus de 13 000 morts dans les deux camps, dont 3500 civils). Le soutien armé de Moscou aux séparatistes se termine le 21 février 2022 avec la reconnaissance de leur indépendance par V.Poutine.

La perte des marchés européens pourrait être compensée par un surplus de vente à la Chine, pilier de l’OCS (Organisation de la coopération de Shanghai fondée en 2001). La Chine a d’ailleurs signé avec la Russie en 2011 un traité d’amitié et de coopération, élément d’un nouvelle diplomatie triangulaire. En 1996 déjà, les deux pays avaient déjà signé un partenariat stratégique puis en 2002 une « déclaration conjointe sur le monde multipolaire ». Mais la Chine ne reconnut pas l’annexion de la Crimée en 2014. Schématiquement, chacune des deux puissances se méfie de l’autre ; mais le conflit entre la Russie et l’Occident a permis à la Chine de mieux négocier ses contrats (dont 400 MM $ en 2014). L’OCS sert à la Chine pour renforcer son influence à l’est et à Moscou avoir du poids sur la donne énergétique. Elle donne lieu à des manoeuvres militaires mutuelles mais pas de clause d’assistance mutuelle comme pour l’article 5 du Pacte de l’OTAN. Mais attention, la Russie n’a jamais soutenu les revendications chinoises sur l’archipel des Senkaku et elle a même signé avec le gouvernement très conservateur de Shinzo Abe un accord d’investissement. Dans un futur proche, un duel opposant une Russie militariste, avide revanche sur l’Occident à une Chine, qui a besoin de l’Occident comme débouché et qui estime devoir faire preuve de patience stratégique. Première partenaire de la Russie, la Chine n’a pas à gagner grand chose à rejoindre la Russie contre l’Occident d’autant qu’elle est en position de force face à Moscou qui doit préserver une cliente qui a signé un contrat gigantesque de fourniture de gaz (400 MM $)  et de construction d’un gazoduc (Force de Sibérie) en 2014. Le débouché chinois est indispensable pour compenser l’embargo à l’ouest.

Parallèlement, la Russie signait aussi un traité avec la Corée du Nord en 2000 tandis que le litige des Kouriles (russes) se poursuit avec le Japon. Au sud, elle a noué un partenariat stratégique avec l’Inde également. L’armée indienne est équipée à 70 % par un armement soviéto-russe. La Russie est aussi observatrice au sein de l’Organisation de coopération islamique, grâce au soutien de l’Iran, de l’Egypte et de l’Arabie Saoudite.

L’armée russe et l’OTAN :

Le budget de la défense russe a considérablement augmenté depuis 2008 mais son armée est réduite à 1 million de soldats. Depuis 2001, ce budget a doublé (plus de 100 MM en PPA en réalité). Si la Géorgie a révélé des failles dans le système de défense russe, la Russie est aujourd’hui capable de mobiliser 200 000 hommes en 48 heures. En 2010, pour prouver sa détermination, Poutine a lancé un vaste programme d’équipement (600 MM $ pour la période de 2011 à 2020) ; mais le faible niveau des candidats et le piètre niveau de la R&D (sauf pour les missiles hypersoniques et quelques éléments d’artillerie) ne fait pas de l’armée russe une armée capable de rivaliser avec celle des Etats-Unis. C’est la raison pour laquelle, dans la doctrine russe, les capacités nucléaires sont envisagées pour compenser la dissymétrie des capacités conventionnelles. Dans ce cadre, la Crimée est considérée comme un bastion stratégique qui permet de projeter cette même puissance.

Face à ce défi, en 2014, l’OTAN reconsidère sa stratégie et renforce son prépositionnement d’armements à l’est de l’Europe. Ces décisions sont présentées comme purement défensives par le secrétaire de l’OTAN en 2016. Elle développe également sa capacité de défense anti-missiles. Les tensions qui découlent de cette politique de réarmement expliquent que le partenariat Russie-OTAN (1997, « Partenariat pour la paix » en 1994) est abandonné en 2014.

Sur les écarts de puissance militaire très favorables à l’OTAN :

https://www.lemonde.fr/international/article/2018/07/11/otan-versus-russie-en-chiffres_5329866_3210.html

Chronologie de la mise au pas des Etats voisins

Après 1991, 25 millions de Soviétiques se trouvent en dehors de la Russie. La CEI regroupent alors 11 Etats post-soviétiques.

1988 à 1994 ; soutien au soulèvement du Haut Karabakh (peuplé d’Arméniens) contre l’Azerbaïdjan.

1991 : proclamation de l’indépendance de la Tchétchénie (deux guerres en 1994 et 1996) - soutien russe à la « République du Dniestr » (en Moldavie) contre la Roumanie et la Transnistrie est érigée en quasi Etat indépendant vassal de la Russie. Soulèvement de la Gagouazie soutenu par les Russes.

1992 : signature d’un traité de sécurité collective entre membres de la CEI signé à Tachkent (Asie centrale puis Géorgie, Azerbaïdjan et Belarus)- l’organisation se dote ensuite d’une Force d’action rapide dont le siège est à Kant au Kirghizstan.

1993 : signature d’un accord économique entre ces Etats, mais progressivement l’échec de la CEI - guerres entre Géorgiens et Abkhazes, appuyés par les Russes en 1992-1993 = la Géorgie est contrainte d’adhérer à la CEI.

1994 : mémorandum de Budapest (respect de l’intégrité territoriale et non-prolifération nucléaire).

1995 : rejet par la CEI d’une « union eurasiatique »

1996 : constitution d’un front anti-russe regroupant la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, la Moldavie

1er décembre 1999 : la Douma vote une loi sur le redécoupage des « sujets »  et envisage l’inclusion (donc l’annexion) d’éventuels Etats étrangers.

La Russie s’achemine vers une sorte de système néo-impérial.

2001 : création de la Communauté économique eurasienne

2002 : organisation du traité de sécurité collective qui donne à la Russie un droit de regard sur les forces armées des Etats signataires.

2003 : « révolution des roses » en Géorgie qui chasse Chevarnadzé

2004 : « révolution orange » en Ukraine (le pro-russe Ianoukovitch perd les élections)

Après 2005, Poutine mobilise un atout majeur pour soumettre les ex-républiques soviétiques : l’énergie. Il fait un chantage au gaz (avec Gazprom) et lance la « bataille des tubes » avec l’Ukraine.

2008 ; la Russie attise les revendications d’indépendance de l’Ossétie du sud et de l’Abkhazie contre la Géorgie avant d’engager la guerre contre elle. La Géorgie quitte la CEI.

2010 : Union douanière entre le Belarus, le Kazakhstan et la Russie

2013 : Ianoukovitch suspend les négociations avec l’UE

2014 : manifestations contre Ianoukovitch à Maïdan ; mouvement soutenu par les Occidentaux. Des éléments du FSB sont à Kiev pour aider à la répression du « mouvement Maïdan ».

2014 : établissement d’un gouvernement pro-russe à Simféropol en Crimée puis le 6 mars le Parlement de Crimée demande son rattachement à la Russie- discours de Poutine sur la protection des minorités russes - référendum en Crimée (96 % de oui)- annexion de la Crimée -Porotchenko signe le protocole de Minsk avec la Russie et les représentants du Donbass- l’Ukraine quitte la CEI - accord d’association avec l’UE.

2015 : accord de Minsk II piloté par Moscou et qui affaiblit encore l’Ukraine

2018 : loi martiale en Ukraine, élévation du budget militaire

L’annexion de la Crimée inquiète les autres républiques qui abritent elles aussi des minorités russophones.

Le "Concert européen"

  1. Comment se définissait le « Concert européen » ?

C’est un principe énoncé par G.H Soutou selon lequel les Etats européens souverains devaient traiter ensemble les grandes questions européennes. Il reposait sur la concertation permanente par l’intermédiaire des chancelleries diplomatiques, des rencontres ou congrès internationaux, quelles que soient les régimes politiques. Le pragmatisme, sans aucun jugement moral, guidait les discussions. Le congrès de Vienne (1814-1815) qui devait régler le sort des conquêtes napoléoniennes après la défaite de Waterloo en marque le début.

  1. Pourquoi le « concert européen » était-il en crise au début du XXe siècle ?

En 1914, le concert européen ne pouvait plus fonctionner. La montée des nationalismes, le pangermanisme et le panslavisme remettaient en cause la souveraineté des Etats. Si les échanges économiques étaient encore importants entre futurs ennemis, aucune négociation n’avait précédé le déclenchement du conflit.

  1. Comment la guerre remettait-elle en cause le concert européen ?

Durant le conflit l’ennemi était déshumanisé et chaque camp espèrait la destruction de l’autre. La dimension idéologique du conflit poussait l’Entente à envisager une démocratisation de l’Allemagne en cas de victoire tandis que pour les Français la défense du territoire équivalait à défendre la République. Les revendications ne sont donc plus seulement territoriales. L’Allemagne en attendait un contrôle sur les riches régions industrielles de la Belgique et de la France.

  1. Pourquoi la « sortie de guerre » n’avait pas permis la renaissance du concert européen ?

La guerre se prolongeait bien au delà de 1918. Les traités ne suffisaient donc pas à y mettre fin d’autant que ces traités n’étaient pas négociés entre vainqueurs et vaincus, mais imposés par les premiers. L’après-guerre voit naître des réactions ambivalentes – pacifisme, fascination pour la violence, délégitimation ou exaltation de la guerre. Par ailleurs, les traités ne rétablissaient pas un équilibre entre les puissances mais imposaient une nouvelle conception des relations internationales telle qu’exposée dans les Quatorze Points de W.Wilson. Ce « droit des peuples » n’était d’ailleurs pas nouveau (Cf. unités italienne et allemande, ou l’indépendance de la Grèce en 1830) et n’était pas non plus inscrit comme tels dans le texte du président démocrate.

  1. Quels étaient les risques de sa disparition ?

La « sécurité collective », qui devait remplacer les alliances militaires d’avant 1914, victorieuse à Locarno en 1925, ne pouvait fonctionner avec la nouvelle carte de l’Europe. Si la forme « Etat-nation » s’imposa, les entorses aux « principes des nationalités » suscitèrent dès 1918 des tensions très importantes. La SDN garantissait également dans son article 10 de son pacte la souveraineté des Etats (« intégrité territoriale et indépendance politique ») or les accords de Munich bafouaient allègrement ce principe clé. C’est de cette manière que les Sudètes ont pu se prévaloir de leur identité historique, même si l’on sait que le pro-nazi Konrad Henlein a tout fait pour transformer les Sudètes en martyrs. L’ambition des vainqueurs de 1918 (démocratiser les Etats vaincus, au nom des Lumières) échoua comme fut mise en échec la volonté d’instaurer un système économique libéral à l’échelle mondiale. Le nouveau système international s’avèra donc inefficace pour barrer la route aux régimes dits totalitaires d’autant que les nouveaux Etats étaient trop faibles pour leur résister quand ils n’en partageaient pas les valeurs (Cf. tableau des régimes de l’Europe orientale) tandis que les démocraties étaient paralysées par la « religion de la sécurité collective ».

Nom de noms

Copies de concours...trop, c'est trop... on écrit : 

Tiers Monde et pas Tiers-Monde ! 

Bretton Woods sans tiret

Moyen Orient sans tiret

Moyen Âge sans tiret

Les siècles en chiffres romains

Les Américains avec une majuscule

 

 

 

 

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