La guerre en Ukraine s’inscrit dans un vaste projet de repositionnement de la Russie dans le monde ; projet qui est associé à une « Grande stratégie ». Cette ambition implique une reconstitution de l’espace de l’ex-URSS et donc l’absorption de ce que la Douma appelle depuis 1992 « l’étranger proche ».

Originellement, ce projet est pacifique et passe par la signature d’accords divers dans une sorte d’eurasisme coopératif (J.S Mongrenier, F.Thom), mais il est un projet de puissance en réalité. Le projet du clan de Poutine, tous ou presque d’anciens membres du KGB (les siloviki), n’est donc pas que régionale, mais bien mondial : constituer une alternative musclée à l’Occident jugé décadent et faible. Dans une interview de 2019 au Financial Times, Poutine déclarait naturellement que les valeurs libérales, les droits de l’Homme, l’indépendance de la Justice n’étaient pas compatibles avec l’esprit et les traditions russes comme le comte Ouvarov au XIXe siècle et le philosophe Nicolas Berdiaev au XXe siècle l’avaient déjà affirmé.

Le 21 février 2022, Vladimir Poutine fait une déclaration historiquement fausse mais justifiant l’agression de l’Ukraine : « L’Ukraine contemporaine a été entièrement et complètement créée par la Russie, plus exactement par la Russie communiste, bolchevique. Ce processus a commencé presque immédiatement après la révolution de 1917, et Lénine et ses camarades ont agi de façon vraiment peu délicate avec la Russie : ils ont pris à celle-ci, lui ont arraché, une partie de ses territoires historiques. ». Cette vision est conforme à son révisionnisme géopolitique et historique. Ivan Krastev, politologue bulgare, évoquait en 2014 un « isolationnisme culturel et psychologique » russe, qui, au lieu de décider d’un enfermement du pays, observerait la façon dont la Russie est progressivement encerclée par des voisins hostiles. Le mépris que Poutine voue aux Occidentaux, son programme militariste et la contraction des échanges a poussé la Russie à se tourner vers l’Asie. Bloquée à l’ouest, il lui faut s’extirper d’un possible encerclement par ceux que l’autocrate russe considère comme des alliés serviles des Etats-Unis. Pourtant la Russie a regagné la scène internationale en intégrant le G7 en 1997 et en étant reçu en grande pompe à Versailles par E.Macron en mai 2017.

Mais ces signes de reconnaissance ne sont que façade. En effet, la Russie n’a jamais été aussi éloignée de l’Occident ; quand au « pivot » chinois de Poutine; après le « pivot asiatique » d’Obama, il n’a guère de sens tant les deux puissances russe et chinoise divergent économiquement et militairement. La seule différence entre les deux bords est que Poutine pense à tort que la Russie y est l’avant-garde de l’Occident en Asie.

Pourquoi l’Ukraine a-t-elle une dimension symbolique forte auprès des Russes ? L’Ukraine, existe avant la Russie, quand fut créée la Rus - le premier État slave - dans cet espace allant de la mer Baltique à la mer Noire, et compris entre le Dniepr et le Dniestr, avec pour capitale Kiev - alors que Saint-Pétersbourg et Moscou étaient encore dans les limbes.  La Russie du Moyen Âge s’appelle donc la Rus de Kiev, c’est là que la chrétienté orthodoxe est née. Parallèlement naît en 1721 la Russie, originellement surtout peuplée de Varègues venus du Nord de l’Europe (le terme Moscovie est abandonnée par Pierre le Grand) tandis que l’Ukraine est rattachée de force à l’empire tsariste à la fin du XVIIIe siècle. Elle n’émerge comme entité propre au milieu du XIXe siècle ; elle est brièvement indépendante de 1917 à 1920.

Cette date de 1721 est importante : elle correspond à la célébration du Traité de Nystad qui a mis fin à la grande guerre du Nord avec la victoire décisive de la Russie. Selon ce traité, la Suède a reconnu le transfert de l'Estonie, de la Livonie, de l'Ingrie et du Sud-Est de la Finlande à la Russie. Pour les Russes, il s'agissait d'une victoire d'une importance considérable, car juste avant la guerre, la Suède était considérée comme la première puissance militaire d'Europe. Désormais, ce titre appartenait à la Russie.

A nouveau rattachée de force à l’URSS, l’Ukraine subit ensuite la politique répressive de Staline entre 1931 et 1933 et qui fit 5 à 6 millions de morts (l’Holodomor, l’élimination par la faim). Après le pacte germano-soviétique, elle gère certains territoires (Galicie, Bucovine, Transcarpatie etc.). Elle obtient ensuite un siège à l’ONU en 1945 (bizarrerie juridique) et reçoit la Crimée en 1954, toujours dans le cadre de l’URSS (on rappelle de N.Khrouchtchev est ukrainien). Après la chute du bloc communiste, l’indépendance est proclamée en 1991 et Kiev opère alors une « décommunisation » : à Kiev par exemple, la place principale de la ville, la place de la révolution d'Octobre (ex-place Kalinine, premier président du Soviet suprême) est rebaptisée place de l'Indépendance (Maïdan Nézalejnosti). La grande statue de Lénine, qui la dominait depuis 1977, est démontée dès septembre 1991, dans les premiers jours de l'indépendance. A Odessa, beaucoup de rues retrouvent le nom qu'elles portaient avant la révolution d’Octobre. La question des rapports de l'Ukraine avec la Russie ne se pose jamais frontalement, même si des tensions peuvent surgir. Ainsi, en 2007, la restauration à Odessa du monument inauguré en 1900 en l'honneur de Catherine II et des fondateurs d'Odessa, voilé après la révolution de février 1917 et démonté par les bolcheviks en 1920, provoque la fureur de certains nationalistes ukrainiens, qui y voient un hommage rendu à la domination russe. C'est bien la « révolution de la dignité » et les tensions qui s'exacerbent avec la Russie début 2014, qui posent de nouveau avec force la question de la décommunisation. Cette dernière se poursuit : 965 statues de Lénine sont déboulonnées entre 2013 et 2016 : on parle de leninopad, la « chute des Lénine » ; 52 000 rues sont débaptisées ; 986 localités et 32 villes changent de nom, à l'image de Dnipropetrovsk qui devient Dnipro, abandonnant le nom de Grigori Petrovski, dirigeant bolchevique originaire de la ville.

L’annexion de la Crimée en 2014 n’est qu’une première étape vers une russification du pays et fait dire à Vladimir Jirinovski (ex-KGB, chef du parti d’extrême droite russe appelé « libéral-démocrate ») que la Russie est enfin redevenue une grande puissance.

Historique de l’impérialisme russe :

La représentation du pays comme une sorte de « heartland » (MacKinder, Spykman) est étayée par un néo-eurasisme dont la principauté de Kiev est l’un des noyaux. Cet Etat kiévien s’est constitué à partir de la seconde moitié du IXe siècle sous le prince Vladimir. Il se morcèle ensuite en raison des conquêtes du khan, tandis que s’affirme la principauté de Moscou.  Sous la protection des princes de Moscou, Basile II (1425-1462) appuie la Horde d’or. L’Eglise russe devient alors autocéphale ; ceci permet à Moscou de s’affirmer comme une « troisième Rome » après 1453 (date de la prise de Constantinople par les Turcs). Ivan IV (le titre de tsar s’impose alors) poursuit l’extension du royaume. En Moscovie (car telle est l’appellation alors consacrée), les nobles sont propriétaires de leurs terres et de leurs paysans. Il n’y a alors pas de cour, ni de métropoles de commandement autorisant une forme de centralisation. Les tsars conquièrent des terres et se contentent de les exploiter. L’impératrice Catherine II (1762-1796) s’inscrit dans cet héritage : « Nous n’avons point trouvé d’autres moyens de garantir nos frontières que de les étendre ». L’empire serait donc une dynamique nationale naturelle pour les Russes. Preuve en est l’extension de l’empire en Asie centrale (Kazan Astrakan et l’Ukraine au XVIIe siècle, puis la Livonie, Estonie puis Pologne au XVIIIe siècle). Pierre le Grand rêva même de conquérir l’Inde, Constantinople, les Dardanelles etc. Cet esprit de conquête justifie l’établissement d’un service militaire de 25 ans en 1736, réduit en 1874 à 15 ans (dont 6 années d’active).

Au XIXe siècle, une nouvelle étape est franchie ; pour le tsar Nicolas Ier, « là où le drapeau russe est planté une fois, jamais il ne doit retomber ». L’Etat russe se construit ainsi simultanément avec l’empire. Comme le souligne Anatole Leroy Beaulieu, « la Russie est une colonie et toute son histoire n’est que l’histoire de sa colonisation ». C’est surtout au XIXe siècle qu’une littérature hostile à l’Occident « décadent » s’épanouit. Comme le souligne Chantal Delsol (Le Figaro, 1er avril 2022), le soviétisme ne rompt pas avec ces auteurs conservateurs et Poutine incarne ce courant aujourd’hui.

Revenons aux thèses eurasiennes : au XXe siècle, les thèses eurasiennes sont portées par l’historien et ethnographe Lev Goumilev, puis plus récemment par Alexandre Douguine, néo-nationaliste, hostile au « monde anglo-saxon mercantile ». Ces défenseurs d’une Grande Russie sont nostalgiques du souvenir de l’URSS dont la fin constitue pour Poutine « la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ». Pour lui, la Guerre froide est loin d’être achevée et devrait même être relancée. Deux thèses s’affrontent alors : celle qui considère que les Occidentaux ont humilié les Russes après 1991 en ouvrant l’OTAN (1999) puis l’UE (2004) aux anciens territoires soviétiques et aux anciens alliés de l’est de l’Europe, celle qui estime que l’URSS est définitivement morte et que la Russie doit emprunter la voie du libéralisme. La politique de Poutine, qui relève de la première thèse, se présente alors comme une réaction naturelle à l’enlargement de l’Occident. La mainmise sur l’Abkhazie, l’Ingouchie, l’Ossétie du sud, la Crimée et le Donbass vise à signifier que la Russie n’est pas morte mais au contraire qu’elle est une puissance incontournable dans le cadre d’une nouvelle organisation de l’Europe.

Poutine ne cesse de mystifier la « Russie Soviétie », celle qui correspond aux anciennes frontières de l’URSS. Sa représentation géopolitique est finalement cohérente, voire logique, même si elle repose sur une reconstruction (donc une déformation) de l’histoire. Pourtant, Poutine n’innove pas : en mars 1993 déjà, Boris Eltsine en avait appeler à l’ONU pour avoir un droit de regard sur cet « étranger proche ». Le discours prit une teinte nationaliste encore plus forte avec Primakov en 1996. Poutine s'inscrit donc lui aussi dans cet héritage national-russo-soviétique.

Face à lui, les Occidentaux ont fait preuve de légèreté, ou du moins d’aveuglement ou de naïveté (?), en pensant que Poutine ne mettrait jamais en actes son ambition. Malgré l’agression contre la Géorgie en 2008, les Occidentaux (Obama au premier chef) n’ont pas réviser leur politique étrangère et ne lui en tiennent pas rigueur- probablement en raison du poids de la Russie sur le marché des matières premières et de son rôle dans la lutte contre le terrorisme. Après quelques semaines de fâcherie, les relations se normalisent avec la Russie. Le conflit ukrainien n’a d’ailleurs pas empêché la poursuite de projets gaziers, en dépit des sanctions internationales comme le montrent les partenariats (par ex avec Total).

Paraît, à cette époque, un texte fondateur que les diplomates et militaires russes connaissent par cœur, c’est Le Grand Échiquier, de Zbigniew Brzezinski. Cet Américain d’origine polonaise, a travaillé pour Jimmy Carter. Il reste très influent auprès du Secrétariat d’Etat.  Dans Le Grand Échiquier, il explique que, pour que la paix règne dans le monde, il faut que les États-Unis continuent à dominer le monde. Pour cela, il faut gagner la partie sur le grand échiquier qu’est l’Eurasie et, sur « ce grand échiquier », l’autre joueur important, c’est la Russie. La question est celle de la gestion de la question ukrainienne depuis 2014. Les Occidentaux ne sont-ils pas allés trop loin dans les promesses ou les insinuations quant à une adhésion possible à l’UE et à l’OTAN ?

Il faut dire ici que la position de Poutine a évolué entre 2001 et l’annexion de la Crimée en 2014. Le 25 septembre 2001, il défendait au Bundestag une Russie européenne, dans une sorte d’analyse kantienne des rapports entre Etats (en échange de quoi les Occidentaux ne condamnent pas l’intervention en Tchétchénie). En 2007, il élabore au contraire un discours anti-occidental à Munich lors de la Conférence sur la sécurité en Europe : « Il me semble évident que l’élargissement de l’Otan n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé. ». Vladimir Poutine pose ainsi les principes qui guident depuis la diplomatie russe ; un discours balayé d’un revers de main par les Occidentaux. En 2009, il fait adopter la doctrine russe de sécurité nationale avec l’énergie comme arme après avoir par deux fois lancé un embargo sur le gaz contre l’Ukraine en 2006 et 2009. Une « bataille des tubes » (gazoducs) s’engage puisque 80 % des exportations russes passaient alors par l’Ukraine. Nord Stream entre en oeuvre en 2010 : il achemine du gaz depuis la Russie jusqu’en RFA à travers la Baltique et permet d’éviter ce « pont énergétique » que constitue l’Ukraine, pays clé dans la perspective d’une « Union eurasienne ».

Exprimant son hostilité à un monde unipolaire, il se rapproche des BRICS dont il organise un sommet en 2015 à Moscou. Les sanctions à la suite de l’annexion de la Crimée l’isolent de plus en plus tandis qu’à l’intérieur un système constitué de potentats locaux (souvent issus du KGB) organise une « polyarchie chaotique » (J.S Mongrenier, F.Thom) dont Poutine est la tête. La verticale du pouvoir se renforce (les gouverneurs ne sont plus élus mais nommés) tandis qu’il met au pas les oligarques, les journalistes, les ONG, les opposants (assassinat de Nemtsov en 2015). Il mobilise une propagande éhontée contre les « complotistes » ukrainiens et géorgiens. Un double système de gouvernement est en place ; un « système étatico-militaire » (où le FSB et le GRU ont tous les pouvoirs) et un appareil économique, sorte « d’énergocratie » centrée sur les grands opérateurs (Gazprom, Rosneft entre autres). On rappelle que la Russie représente 5 à 10 % des réserves mondiales de pétrole et 25 % des réserves de gaz (dont 90 % viennent de la Russie) et fournit 40 % des importations européennes. En même temps, la Russie ne peut rompre avec l’Occident car pétrole, gaz et charbon contribuent pour 70 % des exportations et la moitié des ressources fiscales de l’Etat. Parmi les régions riches en ressources, il y a le Donbass, majoritairement russophone. Le soutien russe aux séparatistes du Donbass (Louhansk, Donetsk) déclenche les foudres de Kiev qui réprime durement la révolte ; la guerre du Donbass a déjà fait plus de 13 000 morts dans les deux camps, dont 3500 civils). Le soutien armé de Moscou aux séparatistes se termine le 21 février 2022 avec la reconnaissance de leur indépendance par V.Poutine.

La perte des marchés européens pourrait être compensée par un surplus de vente à la Chine, pilier de l’OCS (Organisation de la coopération de Shanghai fondée en 2001). La Chine a d’ailleurs signé avec la Russie en 2011 un traité d’amitié et de coopération, élément d’un nouvelle diplomatie triangulaire. En 1996 déjà, les deux pays avaient déjà signé un partenariat stratégique puis en 2002 une « déclaration conjointe sur le monde multipolaire ». Mais la Chine ne reconnut pas l’annexion de la Crimée en 2014. Schématiquement, chacune des deux puissances se méfie de l’autre ; mais le conflit entre la Russie et l’Occident a permis à la Chine de mieux négocier ses contrats (dont 400 MM $ en 2014). L’OCS sert à la Chine pour renforcer son influence à l’est et à Moscou avoir du poids sur la donne énergétique. Elle donne lieu à des manoeuvres militaires mutuelles mais pas de clause d’assistance mutuelle comme pour l’article 5 du Pacte de l’OTAN. Mais attention, la Russie n’a jamais soutenu les revendications chinoises sur l’archipel des Senkaku et elle a même signé avec le gouvernement très conservateur de Shinzo Abe un accord d’investissement. Dans un futur proche, un duel opposant une Russie militariste, avide revanche sur l’Occident à une Chine, qui a besoin de l’Occident comme débouché et qui estime devoir faire preuve de patience stratégique. Première partenaire de la Russie, la Chine n’a pas à gagner grand chose à rejoindre la Russie contre l’Occident d’autant qu’elle est en position de force face à Moscou qui doit préserver une cliente qui a signé un contrat gigantesque de fourniture de gaz (400 MM $)  et de construction d’un gazoduc (Force de Sibérie) en 2014. Le débouché chinois est indispensable pour compenser l’embargo à l’ouest.

Parallèlement, la Russie signait aussi un traité avec la Corée du Nord en 2000 tandis que le litige des Kouriles (russes) se poursuit avec le Japon. Au sud, elle a noué un partenariat stratégique avec l’Inde également. L’armée indienne est équipée à 70 % par un armement soviéto-russe. La Russie est aussi observatrice au sein de l’Organisation de coopération islamique, grâce au soutien de l’Iran, de l’Egypte et de l’Arabie Saoudite.

L’armée russe et l’OTAN :

Le budget de la défense russe a considérablement augmenté depuis 2008 mais son armée est réduite à 1 million de soldats. Depuis 2001, ce budget a doublé (plus de 100 MM en PPA en réalité). Si la Géorgie a révélé des failles dans le système de défense russe, la Russie est aujourd’hui capable de mobiliser 200 000 hommes en 48 heures. En 2010, pour prouver sa détermination, Poutine a lancé un vaste programme d’équipement (600 MM $ pour la période de 2011 à 2020) ; mais le faible niveau des candidats et le piètre niveau de la R&D (sauf pour les missiles hypersoniques et quelques éléments d’artillerie) ne fait pas de l’armée russe une armée capable de rivaliser avec celle des Etats-Unis. C’est la raison pour laquelle, dans la doctrine russe, les capacités nucléaires sont envisagées pour compenser la dissymétrie des capacités conventionnelles. Dans ce cadre, la Crimée est considérée comme un bastion stratégique qui permet de projeter cette même puissance.

Face à ce défi, en 2014, l’OTAN reconsidère sa stratégie et renforce son prépositionnement d’armements à l’est de l’Europe. Ces décisions sont présentées comme purement défensives par le secrétaire de l’OTAN en 2016. Elle développe également sa capacité de défense anti-missiles. Les tensions qui découlent de cette politique de réarmement expliquent que le partenariat Russie-OTAN (1997, « Partenariat pour la paix » en 1994) est abandonné en 2014.

Sur les écarts de puissance militaire très favorables à l’OTAN :

https://www.lemonde.fr/international/article/2018/07/11/otan-versus-russie-en-chiffres_5329866_3210.html

Chronologie de la mise au pas des Etats voisins

Après 1991, 25 millions de Soviétiques se trouvent en dehors de la Russie. La CEI regroupent alors 11 Etats post-soviétiques.

1988 à 1994 ; soutien au soulèvement du Haut Karabakh (peuplé d’Arméniens) contre l’Azerbaïdjan.

1991 : proclamation de l’indépendance de la Tchétchénie (deux guerres en 1994 et 1996) - soutien russe à la « République du Dniestr » (en Moldavie) contre la Roumanie et la Transnistrie est érigée en quasi Etat indépendant vassal de la Russie. Soulèvement de la Gagouazie soutenu par les Russes.

1992 : signature d’un traité de sécurité collective entre membres de la CEI signé à Tachkent (Asie centrale puis Géorgie, Azerbaïdjan et Belarus)- l’organisation se dote ensuite d’une Force d’action rapide dont le siège est à Kant au Kirghizstan.

1993 : signature d’un accord économique entre ces Etats, mais progressivement l’échec de la CEI - guerres entre Géorgiens et Abkhazes, appuyés par les Russes en 1992-1993 = la Géorgie est contrainte d’adhérer à la CEI.

1994 : mémorandum de Budapest (respect de l’intégrité territoriale et non-prolifération nucléaire).

1995 : rejet par la CEI d’une « union eurasiatique »

1996 : constitution d’un front anti-russe regroupant la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, la Moldavie

1er décembre 1999 : la Douma vote une loi sur le redécoupage des « sujets »  et envisage l’inclusion (donc l’annexion) d’éventuels Etats étrangers.

La Russie s’achemine vers une sorte de système néo-impérial.

2001 : création de la Communauté économique eurasienne

2002 : organisation du traité de sécurité collective qui donne à la Russie un droit de regard sur les forces armées des Etats signataires.

2003 : « révolution des roses » en Géorgie qui chasse Chevarnadzé

2004 : « révolution orange » en Ukraine (le pro-russe Ianoukovitch perd les élections)

Après 2005, Poutine mobilise un atout majeur pour soumettre les ex-républiques soviétiques : l’énergie. Il fait un chantage au gaz (avec Gazprom) et lance la « bataille des tubes » avec l’Ukraine.

2008 ; la Russie attise les revendications d’indépendance de l’Ossétie du sud et de l’Abkhazie contre la Géorgie avant d’engager la guerre contre elle. La Géorgie quitte la CEI.

2010 : Union douanière entre le Belarus, le Kazakhstan et la Russie

2013 : Ianoukovitch suspend les négociations avec l’UE

2014 : manifestations contre Ianoukovitch à Maïdan ; mouvement soutenu par les Occidentaux. Des éléments du FSB sont à Kiev pour aider à la répression du « mouvement Maïdan ».

2014 : établissement d’un gouvernement pro-russe à Simféropol en Crimée puis le 6 mars le Parlement de Crimée demande son rattachement à la Russie- discours de Poutine sur la protection des minorités russes - référendum en Crimée (96 % de oui)- annexion de la Crimée -Porotchenko signe le protocole de Minsk avec la Russie et les représentants du Donbass- l’Ukraine quitte la CEI - accord d’association avec l’UE.

2015 : accord de Minsk II piloté par Moscou et qui affaiblit encore l’Ukraine

2018 : loi martiale en Ukraine, élévation du budget militaire

L’annexion de la Crimée inquiète les autres républiques qui abritent elles aussi des minorités russophones.