Pour étudier ces trois dénouements, celui de Zadig, d'Aventure Indienne et de l'Ingénu, nous nous intéresserons d'abord au destin des héros avant d'évoquer la morale du conte. Remarquons tout d'abord que nos trois héros sont de grands voyageurs : Zadig doit fuir Babylone avant d'y revenir pour y régner, Pythagore "voyage à travers le monde pour y apprendre et y enseigner la sagesse" ; Quant à l'Ingénu, il découvre la Basse Bretagne après avoir grandi en Huronien, pays dont il a conservé les enseignements. Ces trois personnages ont donc fait l'expérience de la diversité des moeurs et ont  chacun , été confrontés à l'injustice ou au malheur. Zadig a été accusé injustement et a du s'enfuir pour ne pas être emprisonné; Pytahgore a assisté à un simulacre de procès et a réussi, grâce à ses dons d'orateur, à éviter l'exécution d'Indiens qu'un tribunal souhaitait faire brûler pour les motifs suivants : " pour avoir dit que la substance de Xaca n'est pas la même que celle de Brama" et " pour avoir soupçonné qu'on pouvait plaire à l'être suprême par la vertu" ; On voit bien ici que ces sont des prétextes ridicules et qu'il s'agit, à travers cette situation imaginaire, de dénoncer l'intolérance religieuse et les méthodes de l'Inquisition. Cette condamnation des deux Indiens paraît totalement injuste et absurde; L'Ingénu, quant à lui, a été confronté à de nombreuse injustices : emprisonné à tort, il découvre que Gordon est lui aussi emprisonné parce qu'il est janséniste et, sa fiancée pour le libérer sacrifie son honneur et finit par en mourir. Cependant leur destin individuel est fort contrasté car Zadig devient un roi aimé de tous "l'empire jouit de la paix, de la gloire et de l'abondance" ; Il assure la prospérité de son royaume et sur le plan personnel, il est heureux avec celle qu'il aime : la reine Astarté; L'ingénu lui perd la femme qu'il aime et demeure inconsolable mais il a  trouvé un refuge dans l'amitié de Gordon et il devient une figure admirée : "excellent officier" "guerrier et philosophe intrépide" .La réussite de Pythagore n'est que de courte durée car il connaît une fin tragique; L'ironie du sort veut qu'il soit brûlé par des intolérants : "il alla prêcher la tolérance à Crotone; mais un intolérant mit le feu à sa maison" ; C'est le dénouement le plus sombre des trois car il signe à la fois la perte du héros sage et vertueux et le triomphe du Mal.

Après avoir examiné l'évolution des personnages , il faut regarder la morale proposée: Zadig , roi magnanime, récompense tout le monde autour de lui et s'entoure de gens compétents non sans les menacer de se montrer impitoyable s'ils le déçoivent. Il récompense même ceux qui l'on trahi parce qu'il pense ainsi adoucir "leurs douleurs par des présents" ; Pythagore  réussit l'exploit avant de mourir de faire changer d'avis des juges et  des dévotes et l'ironie de Voltaire souligne cet exploit : "et c'est ce qui n'est arrivé qu'une seule fois"; L'ironie avait de même, dans Zadig, souligné la sagesse du pêcheur qui renonce à récupérer sa femme, trait d'humour de Voltaire : "le pêcheur devenu sage ne prit que l'argent ": cela laisse entendre que les femmes font devenir les hommes fous et qu'il est plus sage d'y renoncer. C'est par la force des choses que l'ingénu doit renoncer à celle qu'il aime et le conteur a choisi de montrer , autour du héros, le repentir sincère de celui a fait son malheur, le ministre Saint-Pouange. Ce dernier va s'employer à réparer les tort qu'il a causés, notamment en dédommageant les victimes : c'est ainsi que le frère de Mademoiselle de Saint Yves a droit a un "bon bénéfice"; Plus étonnant, le pète Tout-à -Tous est récompensé par des cadeaux et la dévote , terme ici ironique, garde les boucles en diamant offertes en présent à  la jeune femme pour avoir offert ses faveurs ; cette partie des rétributions paraît donc fort injuste et la morale est ambiguë  : Malheur est bon à quelque chose signifie qu'on peut tirer des effets bénéfiques d'un malheur mais on conserve quand même l'idée de la présence incontournable des malheurs; Sauve qui peut peut également être interprétée comme un cri de panique généralisé ou là encore rappeler qu'on n peut sauver tout le monde et que les justes sont parfois victimes de l'injustice la plus meurtrière. Nous sommes désormais bien loin de l'enthousiasme qui suit le triomphe de Zadig: " On bénissait Zadig et Zadig bénissait le ciel "  Le chiasme reflète ici l'accord parfait entre l'homme et la divinité : cet accord sera brisé dans les deux autres contes et le Ciel ne sera d'aucun secours à Pythagore ; Quant à l'Ingénu, c'est le temps qui apaisera sa douleur.