sept.15
La Fontaine: un moraliste ? Quelle est la morale des animaux malades de la peste ?
dans la catégorie Première
La fable à étudier racontait une histoire édifiante car, comme se plaisait à le répéter La Fontaine, "le conte fait passer le précepte avec lui". Autrement dit, on doit d'abord intéresser les lecteurs grâce à une histoire amusante avant de pouvoir leur proposer une leçon de vie . Cette fable évoque tout d'abord une situation initiale dramatique : une épidémie de peste frappe les animaux et chacun craint pour sa vie. Le monde entier semble se paralyser sous l'effet de cette menace et le roi des animaux propose une solution. Il relie l'origine de la maladie à une cause divine et pour apaiser la colère des Dieux, envisage que chaque animal vienne publiquement confesser ses péchés . Le plus coupable servira ainsi de bouc-émissaire à la collectivité . Dans les faits, les animaux les plus puissants confessent leurs fautes mais on finit par sacrifier un âne qui a avoué, simplement avoir mangé de l'herbe dans un pré qui ne lui appartenait pas. Le lecteur comprend alors que cet animal n'est pas celui qui a commis la plus grosse faute (le lion a par exemple dévoré des bergers ) mais qu'il a été choisi comme une victime idéale.
A travers la morale de cette fable "selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs ", le fabuliste dénonce une injustice ; Les hommes ne sont pas condamnés de manière équitable pour leurs fautes: la justice se montre ainsi corrompue parfois et inévitablement plus sévère avec les hommes de condition sociale modeste . A l'époque de Louis XIV, La Fontaine dénonce le fait qu'elle tend à absoudre les crimes des plus puissants . Le renard joue dans cette fable le rôle de l'avocat qui prend la défense du lion et le loup est celui qui parvient à influencer la foule. L'âne, quant à lui, est la victime sacrifiée : l'idée du bouc- émissaire est liée au récit biblique; le bouc est l'animal dans lequel les prêtres déposaient les péchés des hommes ; Ils envoyaient ensuite le bouc dans le désert pour que les péchés s'éloignent et que les fautes soient pardonnées. On appelle donc bouc émissaire la personne à qui l'on attribue toutes les fautes d'une communauté et qu'on se prépare à sacrifier au nom d'une collectivité. L'illustration montre bien l'animal sacrifié qui s'avance face aux autres tête baissée .
A travers cette fable, pour mieux ne dénoncer les dysfonctionnements , La Fontaine imite justement le fonctionnement d'une cour de justice : le lion réunit son conseil ( v 15 ) et expose les faits ainsi que l'idée de sacrifice individuel pour obtenir une guérison commune (v20 ) . Il invoque donc le bien collectif et prétend agir non pas dans son propre intérêt mais dans celui de la communauté toute entière . La confession est donc publique : La Fontaine reprend une idée importante au dix-septième siècle, celui des aveux publics; On obligeait notamment les hérétiques à reconnaître publiquement leurs fautes . On a bien ici une parodie d'un tribunal religieux comparable à l'inquisition. et le lion avoue ses fautes mais il est défendu avec brio par le Renard qui démontre que les moutons et bien sûr les bergers, ont mérité d' être mangés et qu'il ne s'agit aucunement d'une faute; On retrouve ici des arguments déjà utilisés par le loup pour justifier qu'il puisse dévorer l'agneau . Le méchant ou l'agresseur fait passer la victime pour un criminel et ainsi se place, aux yeux de l'opinion publique du côté du droit . Le Tigre, l'Ours et même les chiens confessent leurs péchés mais "on n'osa trop approfondir " ; La Fontaine montre ici que la foule craint ces animaux et préfère retourner sa colère vers un animal inoffensif . Les Courtisans sont donc, une fois de plus, présentés comme, à travers ce regard satirique ,comme hypocrites et serviles : ils s'empressent de flatter le pouvoir en place et n'osent jamais contredire les puissants de peur d'être mis à l'écart ou punis . C'est alors qu'arrive le tour de l'âne au sein de cette parodie de justice. Placé au bas de la hiérarchie animale, il prend la parole en dernier , après les Puissants et confesse une faute minime avec beaucoup sincérité. Il a tout simplement mangé de l'herbe : le fabuliste s'est amusé ici, à mettre en parallèle, les méfaits du lion et ceux de l'âne afin que les lecteurs mesurent la disproportion : la décision finale de la foule paraît d'autant plus injuste d'autant que l'âne est brocardé, insulté et pendu comme un malfaiteur. Sa fin pathétique touche d'autant plus le lecteur qu'il est dépeint comme un animal fort sympathique et innocent . Son martyr fait ressortir la cruauté de la foule et des puissants
La Fontaine montre ainsi que la justice ne juge pas équitablement les prévenus et que les puissants ne sont pas condamnés pour leurs crimes ; la société désignera des boucs-émissaires parmi les personnes les plus plus faibles qui ne pourront pas exercer de représailles sur la collectivité . Sous ce récit plaisant se dissimule une satire de la cruauté du monde en général et de la justice en particulier à l'époque du roi Louis XIV. Cette fausse justice qui protège les Grands en dépit des crimes commis et exécute les plus faibles à tort a-t-elle totalement disparu de nos jours ?
A titre d'exemple pour vous aider dans la construction de la lecture linéaire, voici un extrait du commentaire littéraire de cette fable sur le site commentairecompose.fr ...
https://commentairecompose.fr/les-animaux-malades-de-la-peste-commentaire/