avr.04
L'ennemi de Baudelaire : la défaite de l'homme contre le Temps
dans la catégorie Première
Baudelaire reprend avec l'Ennemi la forme classique du sonnet au sein de laquelle il introduit
des variations : cette structure lui permet de donner libre cours à l'expression de son Spleen. A l'intérieur des Fleurs du Mal, plusieurs pièces font référence à la fuite du temps et peuvent former une sorte de cycle; Ainsi Chant d'automne, l'Horloge et l'Ennemi ont en commun leur thème principal et partagent une tonalité élégiaque . Cependant chaque poème envisage une représentation différente du temps qui passe et de l'angoisse de l'homme, confronté à la certitude de sa mort prochaine .
Pour comprendre ce poème......
Voilà un exemple des observations qu'il est possible de faire à partir de ce poème; Ces repérages effectués pour des raisons de commodité , ligne par ligne, vers par vers, devront ensuite être ordonnés, associés et rangés à l'intérieur d'un plan détaillé : ce type de lecture porte soit le nom de lecture analytique soit de lecture linéaire. Elle sert de base au commentaire littéraire .
Tout d'abord le titre même l'Ennemi présente le Temps comme hostile, à combattre (idée de lutte , de défaite ? )
Quatrain 1
1 jeunesse /orage ténébreux :idée d'une jeunesse agitée et pas forcément d'une période heureuse ;
orage = perturbation, incident climatique , colère ?
2. traversé ça et là : le poète n'a pas été heureux souvent , rareté des moments de bonheur
brillants soleils = moments qui rayonnent , bonheurs de la vie, amour partagé , plaisir, satisfaction
3. tonnerre et pluie = éléments qui perturbent le temps, incidents dans une vie / ravage = gros dégâts occasionnés par ces perturbations, rime avec orage.
4. mon jardin = représente le poète, sa vie,son esprit ('lyrisme avec mon pronom personnel ) bien peu de = idée que les dégâts ont vraiment été très importants ; 3 expressions qui se renforcent mutuellement : tel ravage, bien peu de et ne fut que (tournures restrictives) ; par déduction, que représentent les fruits vermeils ? les idées ou les jours à vivre ? l'optimisme ? l'espoir ? vermeils = rouge vif donc métaphore du sang ,de la vigueur
Quatrain 2
Voilà que : idée d'être arrivé à un certain point , indique un état actualisé , récent / l'automne des idées : métaphore pour désigner la sensation de vieillesse ; Baudelaire reprend le symbolisme des âges de la vie avec la métaphore des saisons.
la pelle et les râteaux : ce sont les outils du jardinier; en automne, dans les jardins, on enlève les feuilles mortes pour que le jardin retrouve sa beauté / à rapprocher du jardin du vers 4; il faut que = nécessité d'agir
7. terres inondées = jardin a subi intempéries donc il est abîmé/ métaphore poète abîmé par le temps qui passe/ dégradation due à la vieillesse = topos poétique
8. image de l'eau qui creuse : attaque, agression subie par le jardin /comparaison introduit l'idée de la mort avec tombeaux ; hyperbole pour renforcer altérations subies, risquent de causer la mort , attaques mortelles
Un état très préoccupant pour le poète dont la santé est endommagée ;
Premier tercet
lueur d'espoir avec deux images positives: les fleurs nouvelles/ références aux poèmes du recueil dont le titre est Les Fleurs du Mal / verbe rêver avec construction particulière : rêver quelque chose.
trouveront = verbe au futur, référence à un avenir , promesse d'espoir / sol lavé comme une grève = idée d'une renaissance, sorte de baptême lustral, purification ; eau figure la mer et le jardin se transforme en plage où l'eau monte
le mystique aliment = se nourrir pour un poète revient à trouver de l'inspiration pour ses créations poétiques /terme vigueur connote vie, vitalité et rappelle par allitération en v la couleur vermeille des fruits / doute car mode conditionnel pour le verbe trouverait = poète n'est pas certain de cela va marcher et que le Spleen va favoriser son inspiration ; topos de l'angoisse de la page blanche, peur de ne plus trouver l'inspiration pour écrire
Dernier tercet :
Interjection lyrique et répétition du mot douleur = état angoissé et souffrance du poète /fort contraste avec tercet précédent , doux et baigné par l'espoir : le Temps = personnifié en monstre dévorateur (à rapprocher de l ' Horloge )
obscur ennemi : identifié clairement cette fois avec périphrase = le Temps / ronge : reprend métaphore dévorer avec action insidieuse ; un supplice car une mort lente et douloureuse /cumul douleur morale et souffrances physiques
vers final : la chute du poème avec paradoxe ; du sang que nous perdons = blessures dont il se nourrit ; vampirisme du Temps = une constante chez Baudelaire /verbes croître et se fortifier indiquent que cet ennemi devient de plus en plus puissant et n'aura aucun mal à vaincre le poète. Contraste important entre dégradations subies par jardin/poète et force de cet ennemi qui va en augmentant; Tragédie de l'issue finale et lien indéfectible entre les deux notions .
réseau de métaphore et de correspondances forme poème pathétique avec défaite finale de l'homme face à son ennemi qu'est le Temps;