fév.15
La passion dans la princesse de Clèves: un thème central
dans la catégorie Première
Madame de Lafayette, à partir d'une toile de fond historique, s'attache essentiellement, dans son roman, à tracer une sorte de cartographie des passions. Le mot passion, y est le plus souvent utilisé comme synonyme de douleur physique et morale , attachée aux sentiments, plus particulièrement amoureux; dans la lignée des moralistes, l'autrice révèle davantage les dangers et les conséquences funestes des passions sur les individus ; elle n'accorde que très peu de place à l'expression des plaisirs . Elle reprend d'ailleurs pour désigner le sentiment amoureux , les distinctions de la philosophie grecque : la philia est proche d'une amitié, l'éros fait référence au désir sexuel que Platon décrit comme une "divine folie" , l'agapé c'est l'amour de son prochain, l'altruisme et la storgé, l'amour d'un parent pour son enfant. C'est donc dans ce sens d'amour associé à une forme de désir que le mot passion peut être compris dans l'intrigue; Il touche différents personnages ..à vous de les identifier ...
Voilà une série de citations : à quels moments de l'intrigue du roman sont associées ces phrases et par quels personnages sont -elles prononcées ?
- " Je suis vaincue et surmontée par une inclination qui m'entraîne malgré moi " : à quelle occasion la Princesse fait-elle ce constat ? Elle ajoute : "je fais aujourd'hui tout le contraire de ce que je résolus hier " et "elle était honteuse de paraître si peu digne d'estime aux yeux même de son amant ; enfin " elle trompait le mari du monde qui méritait le moins d'être trompé"
Indices : ce passage introspectif prépare à la fois l'aveu et le renoncement final; La passion y est décrite comme une force invincible qui défie la volonté et s'associe , pour celle qui l'éprouve, à la honte, à la souffrance et à la trahison .
Si elle ne peut totalement maitriser sa passion, elle reste néanmoins maîtresse de sa conduite : ce qui n'est pas toujours facile te ce qui sera impossible pour certains personnages .
- La passion peut également avoir des effets destructeurs comme nous le constatons ici " je vous adore, je vous aime je vous offense, je vous demande pardon, je vous admire, j'ai honte de vous admirer ; Enfin il n'y a plus en moi ni de calme, ni de raison. " : quel est le personnage qui fait cette déclaration et à quelle occasion ?
Indice : il est sans doute celui qui sera le plus fortement atteint par les conséquences de sa passion
- "il sentait tout ce que la passion peut faire sentir de plus agréable" et à cette occasion, il éprouva "le plus sensible plaisir qu'il eut jamais eût"; Il éprouve, pendant un court instant "une joie sensible "...avant d'être "très affligé "
Il se jeta alors à ses pieds et "s'abandonna à tous les divers mouvements dont il était agité; il lui fit voir, et par se paroles, et par ses pleurs, la plus vive et la plus tendre passion dont un coeur ait jamais été touché."
Indice : on le voit pleurer à plusieurs reprises dans le roman . De qui s'agit -il ?
- " je vous avoue que vous m'avez inspiré des sentiments qui m'étaient inconnus avant de vous avoir vu" et "ayez cependant le plaisir de vous être fait aimer d'une personne qui n'aurait rien aimé, si elle ne vous avait jamais vu" : ces paroles de consolation s'adressent à quel personnage ?
- "je ne touche ni votre inclination, ni votre coeur, et ma présence ne vous donne ni de plaisir, ni de trouble " : qui se plaint et à quelle occasion ?
A la fin du récit, La princesse qui a failli mourir, parvient à se détacher de son désir : "il se passa un assez grand combat en elle-même "; à l'issue de cette lutte, elle parvient à une forme d'amour spirituel et se rapproche de Dieu. Son parcours peut alors se lire comme une illustration de la fragilité de l'homme confronté à la toute-puissance de la passion qui l'agite et le fait souffrir; au terme de son histoire, la princesse a renoncé à une forme de bonheur individuel ; elle est parvenue à vaincre son désir et c'est ce qui fait sa grandeur d'âme.
Adoptant une dimension didactique (enseigner aux jeunes femmes les dangers de se laisser conduire par leurs passions ) , Madame de Lafayette consolide la vision de l'amour passion destructeur ; les âmes sont agitées, la souffrance est généralisée. La passion prend les formes d'une force souvent incontrôlable, presque invincible qui est un défi pour la volonté et la morale. Le paradoxe de la passion c'est qu'elle est à la fois violente et tendre et "ces larmes n'étaient pas de celles que la douleur seule fait répandre; elles étaient mêlées de douceur et de ce charme qui ne se trouve que dans l'amour" . Le roman laisse des questions sans réponse : la princesse a réussi à résister à cette passion certes mais n'aurait-elle pu être heureuse avec Nemours qui semblait l'aimer sincèrement ? Ce sujet fit longtemps débat à la Cour.