Le 5 mai 1850, à Pékin
Très chère sœur,
Je t’écris car ma vie menace de s’éteindre à tout jamais. Te revoir une dernière fois rendrait ma fin plus douce.
Je vais te dévoiler la raison pour laquelle je souffre autant. Tout a commencé quand j’ai lu par hasard un livre parlant d’un oiseau à la voix enchanteresse. Cet oiseau était connu dans tout mon empire pour son don exceptionnel.
Je demandai alors qu’on me ramène ce rossignol à la voix mélodieuse. Je fis préparer un somptueux perchoir pour l’accueillir. Il ne tarda pas à arriver et il se mit à chanter. Quelle mélodie il faisait ! Il enivrait mon âme à mesure qu’il chantait, si bien qu’au bout de quelque temps, des larmes se mirent à couler le long de mes joues. J’étais si ému !
Je ne pouvais plus me passer de lui, je l’ai donc enfermé dans une belle cage d’or puis je m’endormis en pensant qu’il n’était pas malheureux. Le lendemain matin, ma première pensée fut de vérifier si l’oiseau était encore dans sa cage. Mais quelle ne fut pas ma surprise quand je constatai que la cage était vide. L’infâme s’était échappé ! J’étais dans une telle colère que je le bannis de mon empire.
Quelque temps après, l’empereur du Japon m’envoya un magnifique rossignol mécanique fait d’or, incrusté d’émeraudes et de rubis et dont la voix égalait celle de celui que j’avais banni. Quelle bonheur me dis-je, il est si merveilleux ! J’étais à l’apogée de mon bonheur.
Un soir, alors que j’allais le remonter à l’aide d’une petite clé d’or, il émit un bruit très singulier puis s’arrêta subitement. Je fis venir l’horloger le plus réputé de Chine. Il me dit que l’oiseau était très usé et que désormais je ne pourrais l’utiliser qu’une seule fois par an. J’en fus horrifié et je fus plongé dans un profond chagrin.
Ma santé se dégrade de jour en jour. Chaque nuit je plonge dans un sommeil agité sans être sûr de revoir le jour le lendemain. C’est pour cela que j’aimerais te revoir, avant que mon âme ne repose parmi les morts…
Ton frère bien dévoué
L’empereur de Chine