Lettre du père de la Belle, par Henri

A Lille, lundi 3 mai 1695

 

Cher  Cousin,

 

        Tu ne me croiras jamais si je te raconte ce qui vient de m’arriver (ou plutôt, à ma fille), mais c’était incroyable. Un jour, j’avais prévu de partir en voyage pour mes affaires. Je prévoyais d’en profiter aussi pour prendre des souvenirs pour mes trois filles. Je leur demandai donc ce qu’elles aimeraient, en commençant par les deux aînées : celles-ci ne me demandèrent que des accessoires de mode, puis je posai la même question à la cadette, elle ne souhaita qu’une rose. Je partis à l’heure même.

        Tout mon voyage se passa sans encombre. Heureusement, je pus trouver ce que mes deux premières filles m’avaient demandé, en revanche, nulle part je ne vis de rose qui me parût digne de ma cadette, la « Belle ». Sur le chemin du retour, en voulant prendre un raccourci pour éviter de passer la nuit dans les bois, je me perdis et me retrouvai dans le jardin d’un château. Je ne rencontrai  personne mais les portes  s’ouvraient devant moi, et j’y passai la nuit. Le lendemain toujours personne, mais je vis dans le parc une rose qui n’avait pas sa pareille au monde, je la cueillis, quand tout à coup…une bête sortit d’un fourré.

        Cette bête était richement vêtue, et dit d’une voix grave et sourde : «Que fais tu ici ? Tu as été nourri, logé, et c’est comme ça que tu me remercies, en volant une rose ! Pour la peine tu me donneras une de tes filles.»

        Je fus désemparé. Pourquoi  m’avait-il demandé quelque chose d’aussi cruel ? Mais je dus m’y résigner. Quand je revins à la maison, je racontai ce qui était arrivé à mes filles. Celles-ci refusèrent d’épouser la Bête, sauf la cadette qui ne voulait pas que j’y retourne pour me sacrifier.

        Donc elle partit et arriva là-bas. Ce château était terrifiant, mais elle y entra tout de même. Comme elle avait faim, elle se mit à table et se fit servir par des mains. Vers la fin du repas, elle vit une porte qui s’ouvrait d’elle-même et la Bête entra, ce qui l’effraya. La Bête  fit visiter le château à ma fille. Elle lui montra sa chambre, ainsi qu’un miroir magique qui permettait de voir ce que son utilisateur désirait, et une paire de gants qui, quand on les enfilait, nous envoyait à  l’endroit voulu.

        Un jour, la Belle (ma fille) vit dans le miroir que j’étais malade. Alors elle demanda à la Bête la permission d’aller me voir. La Bête accepta, mais il fallait que ma fille revienne avant une semaine. La Belle  enfila donc ses gants et rentra à la maison. Quand je sus qu’elle était là, je fus guéri immédiatement. Elle resta longtemps auprès de moi (plus d’une semaine), mais se rappelant que la Bête l’attendait, elle repartit en hâte et arriva au château.

        La Bête était mourante, ma fille s’excusa beaucoup. La Bête dit : « Me promets-tu  de m’épouser ?». Ma fille acquiesça d’un signe de tête. Alors, subitement la Bête se transforma en un beau et jeune prince et ils se marièrent sur le champ.

        Voilà, mon histoire est terminée. A part ça, j’espère que tu vas bien.

        Avec toute mon affection,

Henri Mayeur de Pacotille (ton très cher cousin)

Commentaires

1. Le 26 avril 2020, 16:10 par ninon

Hé bien, ta rédaction, ce n'est pas que des pacotilles!
C'est très bien écrit. Moi aussi j'aime bien le film de Cocteau.

2. Le 08 mai 2020, 12:00 par Edouard Dumon

C'est super!