PEGASE : Arts et culture au lycée M. Yourcenar

PACTE : "Danbe : le combat d'une vie"

Au fil de la lecture de l'oeuvre de Marie Desplechin (grand prix de l'héroine Madame Figaro), les élèves vont retracer quelques "fragments" de la vie d'Aya Cissoko. C'est à travers la lecture mais également la pratique de(s) boxe(s) (Française et Anglaise), l'immersion dans le monde du théâtre et de la littérature contemporaine qu'ils pourront ressentir la force qui émane de ce parcours. Le travail sera clôturé par une restitution public au sein de l’établissement scolaire.

En partenariat avec : Théâtre de l'agora. Scène nationale de l'Essonne.

 

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Une oeuvre, un texte ! (7)

Le choix de Mélina :

« L’arbitre arrête alors le combat à la vue du score, tant la domination de l’un des adversaires est nette. Trop consciente de mon avance, je fais une erreur de débutante. Je cours après la touche. J’oublie de construire le point qui me manque. C’est alors qu’arrive le vrai problème. Je perds mes jambes. J’ai eu l’idée judicieuse de préférer les baskets aux chaussures de boxe. Elles sont beaucoup trop lourdes. Je m’enfonce dans le tapis de sol. Je fléchis, mon adversaire reprend confiance et remonte au score. A moi cette fois de ne pas céder à la panique. Je change de tactique. Je vais à l’affrontement physique et je finis par gagner un combat inutilement laborieux. L’entraîneur néo-zélandais vient me voir à la descente du ring. Il est intrigué. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ? « Un problème technique… » 

L'analyse de Mélina :

C'est ici le combat des huitièmes de finale qui oppose Aya Cissoko à une boxeuse néo-zélandaise contre qui elle s'était déjà battue auparavant.

Je trouve cette scène vraiment motivante, c'est une belle leçon de morale qui montre que l'on peut tous faire des erreurs, même les plus grands champions, mais que l'important est de savoir se relever malgré tout.

Une oeuvre, un texte ! (6)

Le choix d'Olivier :

« Je ne m’habituerai jamais à la déconvenue de la victoire, la même au long des années. Je n’arriverai pas à me réjouir. Je suis toujours allée au combat sans haine ni rage. Je n’ai jamais eu spécialement envie de dominer mon adversaire, et certainement aucune envie de le détruire ou de l’humilier. J’ai des scrupules à voir l’autre saigner, souffrir. Je n’aime pas faire mal.

Ce n’est pas de la grandeur d’âme. Ces victoires-là me sont indifférentes. Celle à laquelle j’aspire, c’est la victoire que j’emporte sur moi, et qui me consacre plus forte que je suis capable de l’être. Elle récompense les sacrifices, les efforts, les douleurs. Dans ce cas alors, oui, il y a de la volupté. Elle est parfaitement égoïste.

C’est au point que je préfère la défaite. Perdre est un piment. Perdre est une promesse. Le chemin sera plus long que prévu, plus ardu, le labeur plus constant. Je veux des défis qui soient plus durs à relever. Des adversaires intimidantes, capables d’insinuer en moi un doute plus sournois. Mon projet, c’est d’en baver. »

L'analyse d'Olivier :

Tout d'abord, j'ai choisi cet extrait car il reflète le caractère d'Aya [que je me suis représenté] comme une jeune fille combattante et travailleuse qui veut toujours se surpasser. Une fille qui aime les défis et qui ne veut pas prendre le chemin le plus facile. [...]

Ensuite, cet extrait nous donne une bonne leçon sur le sport. En effet, il nous parle de l'importance de l'importance de la défaite. Une défaite toujours instructive qui ne doit pas nous freiner mais plutôt nous pousser vers l'avant. [...]

Enfin, dans cet extrait, je peux ressentir toutes les convictions d'Aya. Dans sa victoire, je peux ressentir son envie de devenir plus forte. [...] En effet, ce n'est pas que dans le sport qu'il faut combattre. Pour elle, toute la vie est un combat.

Une oeuvre, un texte ! (5)

Le choix de Miangaly :

« Je m’applique à encaisser. On boxe à cette condition : l’autre ne doit jamais savoir que vous venez de prendre un coup. Quand je m’entraîne, surtout, j’arrête de penser. Je me bats l’esprit aux abonnés absents. Je n’entends plus que mon corps, le tressaillement des muscles. Je m’exerce à tolérer la douleur, à passer les seuils. Ce mal-là, j’en veux bien, je l’ai choisi. »

L'analyse de Miangaly :

J'ai choisi cet extrait car il représente selon moi une valeur forte dans le monde du sport : la persévérance mais également le fruit de toutes les épreuves de sa vie. [...] Aya aime le goût de l'effort et ne se plaint pas.

Une oeuvre, un texte ! (4)

Le choix de Nor Alden (pp. 66-67) :

« Dehors est glacé, dedans est écrasant. La santé de Massiré se dégrade. Elle ne se plaint jamais des dialyses, ni ne nous parle de ses bilans. Mais la maladie s’est aggravée et son avenir dépend maintenant d’une greffe de rein. Elle qui peut se montrer si dure avec elle-même, qui exige tellement des enfants qui lui restent, est submergée par des vagues de douleur. Elle se reprend vite. Mais il a fallu que ses enfants cherchent des mots qui la consolent, qu’ils écoutent celle qui leur apprend à se taire.

Et puis il y a ce qu’elle me dit, elle y revient plusieurs fois, ces mots d’Africaine qu’elle utilise quand elle s’adresse à moi. Elle m’appelle « un diable ». Elle n’a pas pour habitude de parler à la légère, et c’est un poids de plus en plus lourd que cette accusation dont je devine, sans la comprendre, la gravité. Je demande des explications, j’insiste. Je finis par savoir ce que j’aurais peut-être préféré ne pas entendre. « Tu as mangé les petits. » Les enfants qui meurent ont été tués par celui qui les précède. Massou puis Moussa partis, il faut bien que ce soit moi qui les aie mangés. Voilà ce dont elle m’accuse quand elle est hors d’elle. Je suis le démon coupable de la mort de ma petite sœur et de mon petit frère. Je quitte probablement l’enfance à ce moment-là, quand j’interdis à Massiré de jamais répéter ce qu’elle vient de dire. Je crie pour la faire taire. Je hurle et elle se tait. Je sais, moi, ce que leur absence me coûte, et combien j’ai voulu échanger mon sort contre le leur. Mourir m’irait. Mourir est un sommeil. C’est ce qu’ils disent, n’est-ce pas ? « Ils dorment en paix. » Vivre ou mourir, personne ne m’a demandé de choisir. Je vis. Tant pis peut-être, mais c’est comme ça. J’ai neuf ans et je suis dans une solitude désespérée. »

 

L'analyse de Nor Alden :

J'ai choisi ce passage parce qu'on peut lire et ressentir la souffrance familiale et individuelle, surtout celle de Massiré. [...] Aya allume les projecteurs sur elle et accentue le désespoir qu'elle ressent. [...] Il y aussi autre chose qui m'a marqué,  c'est l'inversion des rôles. Massiré, qu'on a vue depuis le début du livre comme une mère protectrice qui veut à tout prix protéger ses enfants, tombe dans une sorte de dépression [...] : c'est au tour de ses enfants de l'aider.

Une oeuvre, un texte ! (3)

Le choix d'Adrien (p. 69) :

« J'ai 13 ans, je viens lui rendre visite dans la chambre où elle est hospitalisée. Sa voisine africaine lui demande joyeusement quand elle compte me marier. J'ai l'âge qu'on commence à y penser pour moi. La réponse de ma mère est immédiate et, dans mon souvenir, cinglante : elle est trop jeune, et de toute façon elle épousera qui elle veut. Elle qui a vécu, et qui ne reniera jamais son destin de femme et d’épouse malienne, me promet publiquement un destin de femme française. Ce n’est pas seulement ma liberté qu’elle déclare. Dans cette différence qu’elle établit entre nous deux, quand elle admet que je mène ma vie irrémédiablement différente de la sienne, ma mère me reconnaît pour femme. Elle accepte que je devienne une autre qu’elle. Celle qui fait ce qu’elle veut. »

L'analyse d'Adrien (p. 69) :

J'ai choisi ce passage pour son caractère révolutionnaire. L'auteur veut nous faire comprendre que, dans certains pays africains, les parents choisissent du destin amoureux de leurs filles et que Massiré laisse la liberté à sa fille de choisir. [...] J'ai également choisi ce passage pour la liberté qu'on y ressent.

Une oeuvre, un texte ! (2)

Le choix d'Amandine (p. 40) :

"L'incendie de la rue de Tlemcen ne doit rien au hasard ou à la maladresse. Il a été déclenché volontairement, de manière à faire le plus de dégâts possible. Les enquêteurs ont retrouvé des traces d'essence sur les marches qui mènent au premier étage. Des chiffons imbibés ont été entassés sur le palier, au pied du coffrage qui protège les canalisations de gaz. Il a suffi de jeter une allumette enflammée. Aspiré par le vide de la cage d'escalier, le feu a fait fondre le plomb des tuyaux. Libérés, les gaz chauds ont alimenté une colonne de flammes qui s'est instantanément élancée dans les puits. Dans les débris, on a récupéré la carcasse métallique d'un pneu. Sa combustion dégage une fumée noire et épaisse, qui empêche d'y voir et gêne les opérations de secours."

L'analyse d'Amandine :

J'ai choisi ce passage car il m'a touchée lorsque j'ai compris que des gens voulaient mettre le feu pour tuer.

Une oeuvre, un texte !

Dans le cadre du PACTE "Danbé", les élèves de 2nde 5 ont découvert le récit autobiographique d'Aya Cissoko et de Marie Desplechin. Chacun a mis en lumière un texte, extrait de l'oeuvre. Vous trouverez dans ce billet et les suivants leurs coups de coeur !

Le choix de Gaétan (pp. 38-38) :

« Il doit être trois heures. L'immeuble retentit de cris aigus et rauques. Mon père sort du lit. Il enfile sa robe. Il dit qu'on se bat dans l'immeuble, un couple se dispute. Il va intervenir, calmer tout ça. Il ouvre la porte. Il me semble que suit un silence. Nous sommes tous réveillés. Puis sa voix : « Mon Dieu, le feu... ». A ce moment-là, l'incendie a gagné le couloir. Il ne faut plus espérer sortir de la chambre. Nous sommes pris au piège.

Ma mère m'attrape, elle attrape Issa, puis mon petit frère. Elle tire le lit pliant vers elle et elle nous flanque dedans. Elle se penche sur nous, elle nous protège de ses bras. Massou lui a échappé. La petite s'est précipitée en hurlant dans les jambes de Sagui. Plus aucune lampe ne fonctionne dans l'immeuble. On ne voit dans la nuit que la lumière effrayante des flammes qui dansent dans le couloir. Du lit où Massiré nous a enfermés, je regarde. Je reste parfaitement immobile. Je me suis scindée en deux. Une partie de moi se débat et sanglote en dedans. L'autre garde les yeux fixes, grands ouverts. Elle enregistre. Les flammes avancent, elles approchent. Une fumée épaisse les précède, faite de tout ce qui brûle dans le couloir, de tout ce qui brûle sur cinq étages au-dessous de nous. Il devient de plus en plus difficile de respirer. Les yeux me piquent, je tousse. Je lutte pour rester éveillée.

Maintenant, je vois mon père s'écrouler devant l'embrasure de la porte. Son corps obstrue le passage. Je devine la forme inerte. Massou a cessé de crier, elle a disparu dans la fumée. Massiré est toujours couchée sur nous. Je perds conscience. »

L'analyse de Gaétan :

Ce passage m’a touché car je l’ai trouvé très sobre. Il est le reflet, dès le début du livre, du danbé d’Aya et de ses proches. On ne trouve aucun champ lexical de la plainte, ni des sentiments d’ailleurs. La scène est racontée de manière assez neutre : les faits s’enchaînent, un peu comme dans un compte-rendu. C’est sans doute pour ça qu’elle dit qu’elle est « scindée en deux ». Elle doit vouloir lutter le plus possible contre la peur et le chagrin. Et on se dit qu’elle résiste encore quand, des années après, elle le raconte à Marie Desplechin, qui l’aide à écrire ce témoignage.