Dans le cadre du PACTE "Danbé", les élèves de 2nde 5 ont découvert le récit autobiographique d'Aya Cissoko et de Marie Desplechin. Chacun a mis en lumière un texte, extrait de l'oeuvre. Vous trouverez dans ce billet et les suivants leurs coups de coeur !

Le choix de Gaétan (pp. 38-38) :

« Il doit être trois heures. L'immeuble retentit de cris aigus et rauques. Mon père sort du lit. Il enfile sa robe. Il dit qu'on se bat dans l'immeuble, un couple se dispute. Il va intervenir, calmer tout ça. Il ouvre la porte. Il me semble que suit un silence. Nous sommes tous réveillés. Puis sa voix : « Mon Dieu, le feu... ». A ce moment-là, l'incendie a gagné le couloir. Il ne faut plus espérer sortir de la chambre. Nous sommes pris au piège.

Ma mère m'attrape, elle attrape Issa, puis mon petit frère. Elle tire le lit pliant vers elle et elle nous flanque dedans. Elle se penche sur nous, elle nous protège de ses bras. Massou lui a échappé. La petite s'est précipitée en hurlant dans les jambes de Sagui. Plus aucune lampe ne fonctionne dans l'immeuble. On ne voit dans la nuit que la lumière effrayante des flammes qui dansent dans le couloir. Du lit où Massiré nous a enfermés, je regarde. Je reste parfaitement immobile. Je me suis scindée en deux. Une partie de moi se débat et sanglote en dedans. L'autre garde les yeux fixes, grands ouverts. Elle enregistre. Les flammes avancent, elles approchent. Une fumée épaisse les précède, faite de tout ce qui brûle dans le couloir, de tout ce qui brûle sur cinq étages au-dessous de nous. Il devient de plus en plus difficile de respirer. Les yeux me piquent, je tousse. Je lutte pour rester éveillée.

Maintenant, je vois mon père s'écrouler devant l'embrasure de la porte. Son corps obstrue le passage. Je devine la forme inerte. Massou a cessé de crier, elle a disparu dans la fumée. Massiré est toujours couchée sur nous. Je perds conscience. »

L'analyse de Gaétan :

Ce passage m’a touché car je l’ai trouvé très sobre. Il est le reflet, dès le début du livre, du danbé d’Aya et de ses proches. On ne trouve aucun champ lexical de la plainte, ni des sentiments d’ailleurs. La scène est racontée de manière assez neutre : les faits s’enchaînent, un peu comme dans un compte-rendu. C’est sans doute pour ça qu’elle dit qu’elle est « scindée en deux ». Elle doit vouloir lutter le plus possible contre la peur et le chagrin. Et on se dit qu’elle résiste encore quand, des années après, elle le raconte à Marie Desplechin, qui l’aide à écrire ce témoignage.