Mot-clé - Sénat

Fil des billets

22 janvier 2012

Itinéraire de la loi sur l’exécution des peines

Lors de notre visite à l’Assemblée Nationale, nous sommes arrivés tout à la fin du vote de la loi sur l’exécution des peines. Ninon, Marianne, Sidonie et Anaïs vous proposent d’en retracer l’itinéraire et d’en montrer les enjeux …

 

On associe ce projet de loi à l’affaire Agnès, qui s’est déroulée en novembre, et qui a vu l’assassinat d’une jeune lycéenne par un mineur récidiviste. On pourrait penser que ce projet de loi, qui a été soumis à une procédure accélérée, est une énième loi votée sous le coup de l'émotion. En réalité, le projet de loi a été déposé en septembre et fait l'objet d'une attention soutenue du Parlement depuis 2004, à la suite du rapport de Jean Luc Warsmann. 

L'affaire Agnès a quand même eu des conséquences sur le vote de cette loi : d'abord elle a été soumise en novembre à une procédure accélérée, Jean-Paul Garraud est alors nommé rapporteur par la commission des lois. De plus, le cas d'Agnès a été évoqué par le garde des sceaux Michel Mercier durant la séance parlementaire du mardi 10 janvier 2012 : "enfin, et toujours parce que la prévention de la récidive passe par une meilleure transmission de l'information, je présenterai un amendement qui tire les conséquences du drame du meurtre de la jeune Agnès et qui prévoit que, en cas de placement sous contrôle judiciaire pour des crimes ou délits violents ou de nature sexuelle; la justice informe systématiquement les responsables des établissements scolaires de cette mesure et de la nature des faits commis". La loi est finalement votée le 17 janvier lors de notre visite. L’UMP et le Nouveau Centre s'y sont déclarés favorables, le Front de Gauche et le Parti Socialiste y étaient opposés. En effet, pour la député socialiste, Mme Pau Langevin, il s'agit d'« une course poursuite sans arrêt ». Pour Marc Dolez (PCF), ce projet de loi, qui prévoit la construction de 24 000 places de prison d'ici 2017, correspond à « l’obsession d’accroître toujours plus le nombre de places de prison ». Sur 464 votants, 292 étaient pour et 172 contre. La loi a donc été adoptée. Elle sera examinée par le Sénat le 30 janvier.

Les 1ères ES2 étaient à l'Assemblée Nationale le 17 janvier !

Les 1ères ES2 étaient à l’Assemblée Nationale le 17 janvier, comme le prouve la photo ! Voici leur compte-rendu … ce qui est revenu le plus souvent, c’est leur étonnement de s’être retrouvés dans une Assemblée Nationale quasi-vide, avec des députés plutôt indisciplinés …

 

 

La description de la salle

Tout d’abord, en entrant dans la salle, la première chose que j’ai vu, c’est le siège du président de la séance, il est en hauteur et très imposant, devant, un peu plus bas, on trouve l’endroit où les députés sont appelés pour présenter leur projet de loi, ou tout simplement donner l’avis de son parti. La salle est, en fait, symétrique. De chaque coté du bureau du président on trouve une statue, en dessous, l’écran d’affichage des votes (nombre de votants, suffrages exprimés, majorité absolue, majorité requise, pour, contre) et encore en dessous une horloge et une caméra. La salle est en forme d’hémicycle, les sièges sont faits de velours rouge, la boiserie est le matériau le plus présent dans cette salle. On retrouve le drapeau français ainsi que le drapeau européen.

Emma

 

Voilà une photo de l'Assemblée prise par un journaliste de l'AFP ce jour-là ... nous on était dans les tribunes sur la partie gauche de la photo ...

source : http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20120117.OBS9029/le-projet-de-loi-sur-l-execution-des-peines-vote-a-l-assemblee.html

 

 

Le déroulement de la séance

C’est à l’Assemblée Nationale que nous avons fait notre visite, Mardi 17 Janvier 2012. Au programme, une loi sur l’exécution des peines (voir notre billet sur l'itinéraire de cette loi ici), une loi sur l’âge de la retraite des magistrats mais aussi un projet de loi qui a été présenté pour la première fois sur le statut pénal du Président de la République.

Tout d’abord, lorsque nous sommes arrivés, pendant que nous nous installions, une députée du Parti Socialiste, Georges Pau Langevin, prenait la parole, puis un homme du nouveau centre s’est exprimé. Leurs propos étaient un peu confus pour nous puisque nous sommes arrivés en cours de débats. Sur 577 députés, seuls 464 étaient présents. Nous avons compris qu’il s’agissait du projet de loi sur l’exécution des peines, qui prévoit d’ici  cinq ans, la création de nombreuses places de prison, ainsi que des mesures contre la récidive des mineurs. Puis une chose très rapide est arrivée ; le vote. Chaque député avait devant lui trois boutons (pour, contre, abstention). De nombreux  « CLAC, CLAC » ont été entendus, puis l’ensemble des députés se sont levés sans même attendre le verdict final, chose qui nous a particulièrement étonnés. Ainsi pour cette loi, 292 députés ont votés pour, contre seulement 172.

Après cinq minutes de pause, nous nous attendions à revoir les 464 députés or, seule une vingtaine est revenue, tous les uns après les autres. L’Assemblée semblait particulièrement vide. L’assemblée  était présidée par une femme qui remplaçait le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Bernard Accoyer  qui  était  présent lors du précédent vote mais qui n’est pas revenu, certainement en raison de l’importance moindre des textes à adopter. Un autre projet de loi a été abordé. Il s’agissait de la loi sur l’âge de la retraite des magistrats. La Commission Mixte paritaire, c'est-à-dire des membres de l’Assemblée Nationale et des membres du Sénat qui se retrouvent, ont adopté un texte que l’Assemblée N. avait voté. Cette Commission l’a ensuite renvoyé à l’Assemblée Nationale qui a voté «pour ». Puis différents députés de différents partis, en fonction de leur nombre de siège à l’Assemblée   (UMP, puis le parti socialiste, le nouveau centre et enfin le front de gauche) sont venus s’exprimer. Ils avaient tous la même manière d’introduire « leurs projets » et de s’exprimer selon le protocole en usage, sous le contrôle des huissiers présents en nombre.

Enfin, nous avons assisté à la première apparition du projet de loi du Garde des Sceaux (ministre de la justice), Michel Mercier qui a présenté un statut pénal du Président de la République.

Léna

 

Une véritable cour de récréation …

« Il est étrange, alors qu'on nous enseigne à respecter le temps de parole des uns et des autres, de voir des députés parler entre eux, regarder leur portable pendant le discours d'un des leurs. J'ai été surprise de voir qu'à chaque fois que la séance était momentanément suspendue, le nombre de députés diminuait : quand nous sommes arrivés, la salle était presque pleine; à notre départ, il ne restait plus qu'une quinzaine de députés. » Amandine

«Il règne, lors des débats, une atmosphère électrique. Les députés sont de grands enfants qui se coupent la parole mutuellement et qui montrent leur désaccord sans gêne. » Anne Zahra

« Le point encore plus surprenant, pour moi, que le faible nombre de députés, fut le fait que même avec un effectif aussi réduit, il régnait une certaine cacophonie, digne d'une cours de récréation dans la salle. Les députés apostrophaient celui qui avait la parole et intervenaient pendant son discours, ce qui avait pour effet de rendre le débat vivant et plutôt captivant. Thimothé

"On s'imagine que les débats politiques s'effectuent dans le respect de l'opinion personnelle de chacun, ce n'est pas le cas ! On assiste à un théâtre politique, dans lequel chacun n'hésite pas à intervenir, pour exprimer son désaccord ou son consentement. C'est tout ce qui fait l'intensité du débat, créé du dynamisme et qui rend l'Assemblée Nationale intéressante, car elle apparait sous une forme différente de l'idée qu'on se fait". Jean François

 

Une belle expérience …

« Je n’avais jamais regardé de séance à l’assemblée nationale, à chaque fois que je tombais sur les questions au gouvernement qui sont diffusées sur France 2, je zappais. L’avoir vu en direct m’a permit de me concentrer et d’essayer de comprendre ce qu’ils disaient même si cela était très difficile. » Emma

« Au final, bien que je n'ai pas tout compris, je trouve qu'il est quand même intéressant de voir dans quelles conditions les lois qui régissent la France sont discutées puis votées. » Amandine

«  J'ai beaucoup apprécié cette sortie, voir en vrai ce que je regardais derrière ma télévision… » Syana

"Nous sommes très loin de l'idée de base que l'on se fait de l'Assemblée Nationale, qui représente pour nous un lieu magistral et peu commun. Cette idée est un peu illusoire, malgré les décors volumineux et la structure, on découvre une salle beaucoup moins impressionnante."

 Jean François

"Je pense que cette sortie était intéressante car on a pu voir de nos propres yeux comment se comportaient les députés à l’Assemblée Nationale, ce qu’ils faisaient et comment ils votaient." Marie


19 janvier 2012

La loi sur le génocide arménien (4) : la suite au Sénat

La commission des lois du Sénat a voté une motion d'irrecevabilité contre le texte sur la négation du génocide arménien, par 23 voix contre 9 et 8 abstentions. La loi doit être votée par le Sénat lundi 23 janvier. Le motif invoqué par le président de la commission des lois, Mr Sueur, est celui d'inconstitutionnalité : il reprend les arguments de Badinter en disant : "le Parlement n'est pas un tribunal". Cette position de la Commission ne signifie cependant pas qu'elle sera suivie en séance ... le suspens reste donc total, la suite lundi ! Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l'article du Monde d'aujourd'hui (19 janvier).

L'intérieur du Sénat, photo AFP J.Leguerre

L'intérieur du Sénat, en octobre 2011.

16 janvier 2012

La loi sur le génocide arménien (2)... pour R.Badinter, "le Parlement n'est pas un tribunal"

Voici ci-dessous un large extrait du texte de R.Badinter publié par le Monde le 15 janvier ; l'intégralité est ici. Pour lundi, vous devez présenter les principales raisons pour lesquelles, selon Badinter, ce texte ne doit pas être voté par les sénateurs. 

R.Badinter est né le 30 mars 1928, il a exercé les fonctions d'avocat à la cour d'appel de Paris (1951-1981). Il a lutté contre la peine de mort dont il a obtenu l'abolition en tant que garde des sceaux, le 9 octobre 1981. Il fut président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, puis sénateur (PS) des Hauts-de-Seine de 1995 à 2011.

Par expérience personnelle, je sais combien il est douloureux d'entendre dénier la réalité d'un génocide qui a englouti vos proches les plus chers. Je comprends donc la passion qui anime la communauté arménienne pour que soit reconnu par la communauté internationale, et surtout la Turquie, le génocide arménien de 1915. Et cependant, quelle que soit la sympathie que l'on puisse éprouver pour cette cause, elle ne saurait conduire à approuver la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale le 22 décembre 2011 et soumise prochainement au Sénat, qui punit d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui "contestent ou minimisent de façon outrancière un génocide reconnu comme tel par la loi française".

Certes le génocide des juifs pendant la seconde guerre mondiale a fait l'objet de dispositions législatives en France, et notamment de la loi Gayssot de 1990. Mais le génocide juif par les nazis a été établi et ses auteurs condamnés par le Tribunal militaire international de Nuremberg. A cette juridiction créée par l'Accord de Londres du 8 août 1945, signé par la France, participaient des magistrats français. Les jugements rendus par ce tribunal ont autorité de la chose jugée en France. Rien de tel s'agissant du génocide arménien qui n'a fait l'objet d'aucune décision émanant d'une juridiction internationale ou nationale dont l'autorité s'imposerait à la France. Le législateur français peut-il suppléer à cette absence de décision judiciaire ayant autorité de la chose jugée en proclamant l'existence du génocide arménien commis en 1915 ? Le Parlement français peut-il se constituer en tribunal de l'histoire mondiale et proclamer la commission d'un crime de génocide par les autorités de l'Empire ottoman il y a un siècle de cela, sans qu'aucun Français n'y ait été partie soit comme victime, soit comme bourreau ? Le Parlement français n'a pas reçu de la Constitution compétence pour dire l'histoire. C'est aux historiens et à eux seuls qu'il appartient de le faire.

Cette évidence, la Constitution l'a faite sienne. La compétence du Parlement sous la Ve République a ses limites fixées par la Constitution. Le Parlement ne peut décider de tout. Notamment, au regard du principe de la séparation des pouvoirs, il ne peut se substituer à une juridiction nationale ou internationale pour décider qu'un crime de génocide a été commis à telle époque, en tel lieu. Pareille affirmation ne peut relever que de l'autorité judiciaire. La loi de 2001 déclarant "la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915", aussi généreuse soit-elle dans son inspiration, est ainsi entachée d'inconstitutionnalité. Je renvoie à ce sujet les lecteurs au dernier article publié par le doyen Vedel, analysant la loi de 2001 ("Les questions de constitutionnalités posées par la loi du 29 janvier 2001", in François Luchaire, un républicain au service de la République, textes réunis par Didier Maus et Jeannette Bougrab, Publications de la Sorbonne, 2005).

Ni les plus hautes autorités de l'Etat, ni soixante députés ou soixante sénateurs n'ont jugé bon de déférer cette loi au Conseil constitutionnel. Les considérations politiques ne sont pas toujours absentes de la décision de saisir - ou non - le Conseil constitutionnel... Mais depuis 2008, une innovation importante est intervenue. Tout justiciable peut, dans un procès, soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dénonçant l'inconstitutionnalité de la loi qu'on entend lui appliquer au motif qu'elle méconnaît ses droits fondamentaux : dans le cas de la négation du génocide, la liberté d'opinion et d'expression.

Et selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, si une loi qui lui est soumise repose sur une loi antérieure qui ne lui a pas été déférée, la question de la constitutionnalité de cette loi antérieure peut être soulevée devant le Conseil constitutionnel. La discussion portera donc en premier lieu sur la constitutionnalité de la loi de 2001. Dès lors, la déclaration d'inconstitutionnalité de cette loi entraînerait celle de la loi nouvelle punissant la négation du génocide reconnu par la loi. Rien de plus logique. Comment concevoir qu'une loi française puisse punir la négation d'une loi inconstitutionnelle ? Ainsi, la proposition de loi soumise au Sénat, si elle est votée, aboutirait dès son application à un résultat contraire à celui recherché par les défenseurs de la cause arménienne.

Dans cette situation, il appartient au Sénat de maintenir sa position antérieure, en refusant d'examiner un texte inconstitutionnel. Les sénateurs ne doivent pas se laisserabuser par les déclarations de ceux qui, comme le ministre de l'intérieur, déclarent qu'il ne s'agit dans la nouvelle proposition de loi que d'instaurer un délit général de négationnisme des génocides, en application d'une décision-cadre de l'Union européenne de 2008. Celle-ci incite sans doute les Etats membres à inscrire dans leur loi la répression "de l'apologie, la négation, ou la banalisation grossière publique des crimes de génocide... lorsque ce comportement est exercé d'une manière qui risque d'inciter à la violence ou à la haine d'un groupe de personnes ou de membres de tels groupes".

Or, la proposition de loi votée par l'Assemblée ne mentionne pas cet élément essentiel : l'incitation à la haine que doit comporter la négation du génocide contre une communauté ou ses membres. Il ne s'agit donc pas de la mise en oeuvre alléguée de la décision-cadre européenne. Il n'en est d'ailleurs nul besoin, la loi française punissant déjà toute forme d'incitation publique à la haine à l'égard d'un groupe de personnes. Les promoteurs de la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale n'ont en vérité qu'un seul objectif : passer outre le refus du Sénat de mai 2011 et fairevoter un texte réprimant la négation du génocide arménien de 1915.

Une réaction violente des autorités turques au vote d'une telle loi est inévitable. Tout publiciste, tout responsable turc qui serait interrogé en France sur les événements tragiques de 1915 et adopterait la position officielle du gouvernement turc pourrait être condamné de ce chef par la justice française. La proposition de loi aboutit ainsi à proclamer une vérité historique "officielle" sous peine de sanction pénale. Pareille conception de l'histoire ne saurait être la nôtre. […]


L'âge des sénateurs ...

La moyenne d'âge des sénateurs en septembre 2011 était de 65 ans contre 55 ans pour les députés. Pour être élu député il faut avoir 18 ans et 24 ans pour être élu sénateur. Mais ça ne répond pas à la question de Julien : pourquoi la moyenne d'âge des sénateurs est-elle plus élevée que celle des députés ?

- page 2 de 3 -