Pour revenir sur une question posée en classe, et qui met en évidence un paradoxe : la Turquie est un Etat laïc, comme le précise l'art 2 de sa Constitution : "la Turquie est un Etat de droit démocratique, laïc et social" ... mais la conception turque de la laïcité turc est très différente de la notre : la laïcité turque date des origines de la République fondée par Mustapha Kemal dit "Ataturk" (le "père des Turcs"), en 1924. La laïcité s'est traduite notamment par le droit de vote aux femmes en 1934, l'interidction du port du voile pour les femmes dans les administrations et écoles publiques. La religion musulmane, dans un pays où 99% de la population est musulmane, a cependant un statut particulier : il n'y a pas de séparation entre l'Eglise et l'Etat mais plutôt une mise sous tutelle de la religion par l'Etat : ainsi, c'est la Présidence des Affaires religieuses, qui nomme les imams. Autre exemple, l'appartenance religieuse est mentionnée sur les cartes d'identité.
La laïcité a été remise en question à plusieurs reprises depuis 1924, comme par ex en 1950, lorsque le parti démocrate qui gagne les élections et rétablit l'appel à la prière et l'enseignement coranique en arabe, restaure la tolérance à l'égard de la polygamie et du port du voile. Cependant la religion reste sous le contrôle de l'Etat. En 1982, l'enseignement coranique est rendu obligatoire dans toutes les écoles et collèges publics. En 1986 est promulguée une loi interdisant le blasphème sous peine de prison.
En 2002, le parti islamiste et conservateur, l'AKP, dirigé par Erdogan, parvient au pouvoir, et remporte un large succès aux élections législatives de 2007 avec 46% des voix. Erdogan reste 1er ministre et A.Guhl ets élu président de la République. Cependant l'AKP ne cherche pas à supprimer la laïcité pour instaurer la Charia et la laïcité reste inscrite dans la Constitution. En février 2008, une loi votée par le Parlement turc autorisant les femmes à porter le voile dans les universités a été annulée par la Cour Constitutionnelle en juin 2008.
Comme le montrent donc ces quelques lignes, la notion turque de la laïcité est complexe et très différente de la notre.
