L’occasion de notre rencontre et de cet exercice a été fournie par notre participation commune au concours CartoGraphie ton Quartier, organisé par la Cité de l’Architecture et relayé par le blog GéoPhotoGraphie&Carto. C’est donc la présentation de cet exercice commun que propose cet article, ainsi que les productions des élèves sous forme d’esquisses de « cartes postales sensibles ». Il a également fait l'objet d'une publication sur le site Strabon de l’Académie de Versailles, à cette adresse. Il s’organisera autour de trois axes. Le premier pour présenter l’exercice commun. Le deuxième pour présenter les travaux réalisés par les élèves, en Sixième et en Première. Le troisième enfin pour présenter un exercice donné à des élèves de Première à partir des travaux réalisés par les élèves de Sixième.

 

I/ Un exercice commun en Sixième et en Première : « CartoGraphie ton Quartier ! »

CartoGraphie ton Quartier est un concours de carte postale sensible proposé par la Cité de l’Architecture. Le principe en est simple : sur un format A5, au recto, les élèves doivent cartographier, de manière « sensible », leur quartier. Par « sensible », il faut comprendre qu’ils doivent indiquer leur ressenti, leur perception des lieux, sans recourir aux codes classiques de la cartographie. Un panneau de chantier par exemple peut être démesurément grossi si c’est l’information qu’on souhaite mettre en valeur. D’autres données sensibles peuvent être représentées, comme le son par exemple. Le verso est réservé à une forme épistolaire, qui tient lieu de légende à la carte.

Ouvert à tous les niveaux scolaires et à toutes les disciplines, il favorise les rencontres entre les classes, d’autant qu’il est relayé par un carnet de bord collaboratif, publié sur le blog GéoPhotoGraphie&Carto1. C’est dans ce cadre qu’a eu lieu la rencontre entre une classe de Sixième du collège Lucie Aubrac à Argenteuil et du lycée Jacques Prévert à Boulogne Billancourt. Chaque classe en effet, dans le but de préparer le concours, a été invitée à cartographier son espace proche, à l’issue d’une sortie sur le terrain. Dans la classe de Sixième, les élèves ont accompagné leur croquis d’un texte. Dans la classe de Première, les élèves se sont contentés de cartographier, tandis qu’un élève était plus particulièrement chargé de l’écriture du texte.

Cet exercice commun porte de plus sur l’étude de deux territoires qui présentent des caractéristiques communes. Les deux établissements scolaires sont en effet tous deux situés à proximité d’une Cité (la Cité du Val d’Argent Nord, la Cité du Pont de Sèvres) construites à peu près à la même époque (dans les années 1970) et selon un urbanisme de dalle. L’urbanisme de dalle consiste en une séparation des cheminements piétons et de la circulation automobile. Dans la continuité des réflexions entamées au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, il s’agissait de réfléchir à la place à donner à la voiture dans la ville. De cela résulte un quartier organisé de manière verticale : au rez-de-chaussée les parkings ; au premier niveau la dalle, réservée aux piétons. S’il n’y pas de formes architecturales définies dans le cadre de cet urbanisme de dalle, on trouve le plus souvent des barres et des tours, voire des formes plus originales en rupture avec les choix faits dans les années 1950 et 1960.

La comparaison entre les deux terrains s’arrête là cependant. En effet, alors que le lycée J.Prévert est situé à une dizaine de minutes à pied de la Cité du Pont de Sèvres, le collège Lucie Aubrac se situe dans la Cité. De plus, la localisation des deux communes n’est pas la même, l’une jouxtant Paris (on voit la Tour Eiffel depuis le quatrième étage du lycée), tandis que l’autre est située à une vingtaine de kms de Paris, dans une banlieue défavorisée.

II. Les productions des élèves
1. Quelques croquis réalisés par les élèves de Sixième

« Mon quartier est un quartier sympa car on y trouve des personnes agréables. J’aime bien mon quartier car j’ai des amies très sympas mais ce que je n’aime pas c’est le clown tueur qui vient chaque Halloween. »
Mabrouka, 6ème

"J'habite à la Haie Normande, devant chez moi il y a une pizzeria, une laverie, boulangerie, boucherie et une épicerie. Un jour, je pense qu'il y aura une fête foraine et une pharmacie. J'ai peur que la boulangerie ferme, le pain est excellent là-bas. Dans mon quartier il y a beaucoup d'espaces verts, beaucoup de route et c'est pour ça que j'aime ce quartier."
Zaki, 6ème

 

 

J’aimerai que dans mon bâtiment les insultes qu’il y a partout sur les murs de tous les étages soient effacés. Ce serait bien que les tribunes du stade d’à côté soient parfois nettoyées. Quand on me parle de mon bâtiment ça me rappelle les embrouilles mais aussi ma famille. »
Neyl, 6ème.

2. Quelques croquis réalisés par les élèves de Première, ainsi que le texte d’accompagnement

Voici comment Maxime décrit la Cité du Pont du Sèvres :
« Cité ancienne construite à partir de 1970, elle abrite plusieurs bâtiments aux formes originales, comme pour casser les codes des cités formées jusque-là de barres et de tours géantes. Ce qui est fait une cité innovante, c'est sa hauteur. En effet cette cité n'est pas construite à même le sol. Elle est en hauteur, grâce à l'architecture de dalle qui en quelque sorte l'isole de la ville. Une "miniville" avec ses magasins, ses rues, ses immeubles, son calme ambiant, ses habitants, sa vie. Récemment reliée au Trapèze par une passerelle, on a l'impression d'une île immergée dans la ville. Et puis, c'est le paradoxe, avant, à la place de cette cité, construite en "altitude" et dans laquelle les voitures sont bannies, on trouvait ... les usines Renault. »

Et quelques exemples de croquis réalisés par les élèves.

Le croquis de Paul (réalisé en 20 mn, en classe, au retour de la sortie) :

Le croquis de Dylan, amorcé en classe, terminé à la maison :

Le croquis de Louann, amorcé en classe, terminé à la maison :

3. Et en bonus ceux réalisés par leurs professeurs
Les professeurs aussi ont joué le jeu : voici les croquis réalisés en 20 mn, au retour de la sortie, par Benjamin Sergent, professeur d’anglais de la classe de Première, et Sophie Gaujal (hist-géo) 2.
Le croquis de Benjamin Sergent :

Le croquis de Sophie Gaujal :

Vous trouverez l'analyse de ces croquis à cette adresse.

III. Un exercice proposé aux élèves de Première à partir des productions des Sixièmes.


A l’issue de cet exercice de cartographie, et pour permettre aux élèves de Première de découvrir une autre cité ainsi que le point de vue de leurs camarades de Sixième, l’exercice suivant leur a été proposé : « à partir des croquis de Neyl, Zaki et Mabrouka, et à partir du support d’une carte IGN, réaliser un croquis de la Cité du Val d’Argent Nord à Argenteuil ». Trois axes leur ont été proposés : 1. L’urbanisme de la Cité ; 2. Les relations qu’elle entretient avec le reste de la ville voire avec Paris ; 3. L’organisation de la Cité : les différentes fonctions qu’on y trouve, les perceptions qu’en ont Neil, Mabrouka et Zaki.
Les résultats obtenus permettent de mesurer le degré de conceptualisation qu’on peut attendre d’élèves de Première. On peut distinguer trois catégories : la première est formée d’élèves qui ont rendu un travail très descriptif, reprenant les différents axes proposés sans les problématiser, et se contentant de les illustrer, à l’image de la légende ci-dessous.

La deuxième catégorie est assez proche de la première mais s’en distingue parce qu’elle a intégré dans le texte même de la légende les informations textuelles ou iconographiques apportées par les élèves de Sixième.

La troisième catégorie enfin est constituée d’élèves qui ont problématisé la réflexion : il ne s’agit plus de simples axes de communication, mais d’axes de communication qui «encercle la cité, la séparant presque entièrement du reste de la ville ».

Pour que tous comprennent les critères de correction, la remédiation s’est passée de la manière suivante : répartis par groupe, les élèves ont eu pour mission de noter les copies de leur camarade : un C pour correct, un + ou un ++ pour les copies qui sortaient de l’ordinaire. Chaque groupe a ensuite présenté ses critères de correction. Et par chance, ils correspondaient à ceux qui ont été défini ci-dessus : C = copie descriptive ; + = copie descriptive mais qui cite les productions de Neyl, Zaki et Mabrouka, ou copie problématisée ; ++ = copie problématisée et qui cite les productions de Neyl, Zaki et Mabrouka.
Nous avons ensuite cherché une légende qui corresponde à ces différents critères. On a abouti à ce résultat (cliquer pour agrandir) :

Conclusion
Pour conclure, nous avions posé au début de ce texte la question du raisonnement géographique qu’on peut attendre d’élèves de Première et de Sixième. Les productions présentées ici permettent une amorce de réponse, que confirment les prescriptions du programme : d’un élève en début de Sixième on peut attendre qu’il se localise, se repère dans l’espace, et articule en quelques phrases simples un texte et un croquis. D’un élève de Première on attend que ces compétences soient acquises, et qu’il soit capable de produire une réflexion critique et problématisée. Un objectif dont tout l’enjeu de l’année, en Sixième comme en Première, est qu’il soit atteint …