Britannicus aux Amandiers

Les avis des élèves de seconde 9 sont partagés sur la représentation de Britannicus de Jean Racine.

Mise en scène de Jean-Louis Martinelli, Théâtre Nanterre-Amandiers, Le 6 octobre 2012.

par Carole-Anne FAULLIMMEL et Louise DENNIEL.


Au premier abord, le décor frappe par sa simplicité et son dépouillement. Mais on sent une réelle recherche : le décor est ouvert en demi-cercle, un impluvium en occupe le centre comme dans les domus romaines. Autour de celui-ci, un plateau tourne. Le metteur en scène a sûrement voulu faire référence à la salle à manger de Néron, qui d’après les récentes recherches d’archéologues français et italiens, était tournante. Au lever du rideau, la pluie y tombe et donne une impression de lourdeur dès le début de la pièce : l’ambiance paraît déjà tragique. Les hauts murs et les arcades nous transportent dans l’architecture des palais romains et donnent une impression de grandeur et de froideur. Au fond, un haut mur de briques rouges et un drapé tranchent avec les couleurs froides de l’avant-scène.
Les costumes sont très recherchés pour les rôles féminins, Agrippine, Albine et Junie, et au contraire plus sobres et minimalistes pour les rôles masculins, le tout répondant à une esthétique assez discrète. Le costume de Néron nous montre dès son entrée sur scène son statut, c’est-à-dire empereur romain.
La mise en scène est rigoureuse, simple et met particulièrement en valeur l’intensité des passions. Le jeu de lumière renforce tout au long de la pièce l’atmosphère dramatique.
L’attention se focalise d’autant mieux sur le jeu des acteurs, percutants, dont la diction claire et classique respecte parfaitement le sens et le rythme des vers de Racine.
Agrippine, jouée par Anne Benoît, avec son timbre de voix si particulier et une gestuelle soigneusement étudiée, nous transporte dans le drame dès le début. À la fois subtile et passionnée, elle est plus que crédible dans son rôle de mère abusive et avide de pouvoir. Sa confidente Albine, interprétée par Agathe Rouiller, la complète bien. Il y a une véritable complicité entre elles.
Alain Fromager en Néron est un empereur inquiétant et noir, en lutte permanente entre sa faiblesse et sa volonté de s’affirmer. Son jeu scénique rend parfaitement les passions qui l’animent.
Le personnage de Britannicus, joué par Éric Caruso, est plus effacé. Son interprétation de personne victime et naïve est en parfait accord avec Anne Suarez dans le rôle de Junie, une victime très convaincante, à la fois accablée de douleur mais forte.
Burrhus, dont le rôle est tenu par Jean-Marie Winling, est malheureusement un peu difficile à entendre sur ses fins de vers mais est pourtant parfait dans le rôle de conseiller rompu à l’exercice du pouvoir, dur et solide mais qui laisse voir qu’il est ébranlé dans ses certitudes par cette tragédie.
Seul point négatif : Narcisse, personnage noir de duplicité, traître et perfide, n’est pas très convaincant : le comédien Grégoire Oestermann n’est pas très machiavélique et ne semble pas être rentré entièrement dans ce rôle.
On ne peut qu’apprécier cette version de Britannicus par Jean-Louis Martinelli, qui en respecte l’esprit tout en introduisant des aspects plus modernes pour rendre intemporel le thème politique du sujet. Tout au long de cette représentation, le public est séduit par la mise en scène, l’intensité du jeu des acteurs et les passions qui se déchaînent sous leurs yeux.

pour Mark Gondoin et Herbot Mesnard.

 
Britannicus, tragédie de Racine, est l’histoire d’un conflit de pouvoir et d’amour qui oppose des personnages d’une grande famille romaine. Néron, empereur de Rome, enlève Junie, l’amour de Britannicus, et devient de plus en plus cruel au fur et à mesure de la pièce. Il est, en quelque sorte, un monstre en éclosion. Son changement devient apparent par les nombreux conflits qui l’opposent à sa mère, Agrippine, à ses conseillers, Burrhus et Narcisse, et, bien sûr, à son demi-frère, Britannicus. En reprenant un « classique » de Jean Racine Jean-Louis Martinelli, considéré comme étant l’un des meilleurs metteurs en scène de Racine, se lance dans la production d’une pièce où le héros n’est pas Britannicus (Éric Caruso) mais bien Néron (Alain Fromager). Nous avons assisté à cette pièce le 6 octobre 2012 au théâtre des Amandiers, à Nanterre. Celle-ci n’a ni été un grand succès, ni un véritable échec.
Cette tragédie dans laquelle figurent de nombreux « grands noms », tels Anne Benoît, Jean-Marie Winling (Cyrano de Bergerac) ou bien Grégoire Oestermann (Intouchables), est plus approprié pour un public mûr qui connaît déjà l’histoire, car le texte de Racine est compliqué et très mouvementé, avec de nombreux renversements de situation pour 2h10 ! Le Britannicus de Martinelli présente néanmoins certains aspects originaux, intéressants, qui rendent la pièce plaisante. La scène, largement dépouillée, était composée d’une plateforme rotative très lente, avec un petit point d’eau en son centre, et d’une chaise, le trône de Néron. La vitesse de cette plateforme était bien choisie, attirant le regard du spectateur et offrant plusieurs angles de vue pour une scène unique. Le point d’eau a agi comme point de séparation entre les deux moitiés de la scène, utile pour représenter deux personnages qui s’opposent par exemple.
Le choix des acteurs est un aspect plus délicat de la pièce. Ils ont pour la plupart rempli leur rôle en y apportant parfois une signification subtile et intéressante. Par exemple, Alain Fromager nous propose un Néron qui a déjà l’expérience du pouvoir, tandis que le personnage de Racine n’a que 17 ans. Anne Benoît (Agrippine) fait preuve d’autorité, semble forte et s’accorde donc avec le personnage manipulateur imaginé par Racine. Mais elle était par moments trop expressive et perdait donc en crédibilité. Burrhus (Jean-Marie Winling) nous a étonnés. Tout d’abord, il était l’acteur qui prononçait son texte le plus clairement, ce qui le rendait parfaitement compréhensible. De plus, il montrait sa subordination tout en prenant des libertés face à son maître, et s’accordait donc parfaitement au personnage de la tragédie de Racine. Au contraire, Narcisse (Grégoire Oesterman), malgré son jeu convenable, n’exprimait pas son texte assez clairement, et était de ce fait difficile à comprendre. Anne Suarez en revanche a très bien joué son rôle de Junie, surtout lors de son premier entretien avec Britannicus, où l’on a très bien ressenti les émotions qu’elle voulait faire passer.
Enfin la pièce manquait de vivant, et regarder six personnages jouer sur une grande scène dépouillée devenait lassant au bout de deux heures. L’apparition de quelques personnages en plus, comme des gardes par exemple, aurait pu pallier l’ennui.
La représentation de Britannicus a donc été une expérience intéressante, dans laquelle des idées originales nous ont ravis. Cependant, certains aspects de la pièce nous ont déçus. Les textes de Racines requièrent une expression et une articulation quasi-parfaite, ce qui n’était pas toujours le cas dans cette représentation de Britannicus. De ce fait, malgré de bons éléments, la pièce ne nous a pas entièrement captivés.

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