Interview de l’auteur québécois Olivier Kemeid

Le 1er octobre 2012, par Marine Février et Anne-Flore Leroi, élèves de seconde 9.

Olivier Kemeid est un auteur et un metteur en scène québécois. Parmi ses pièces les plus connues, citons L’Enéide, d’après Virgile, écrite en 2007 et traduite en plusieurs langues, puis Bacchanale en 2008. A l’occasion de sa venue en France pour le festival de la Francophonie, nous l’avons interviewé à propos de sa réécriture personnelle d’Œdipe Roi de Sophocle, que lui a commandé le Théâtre du Parc à Bruxelles et qui sera présenté en janvier 2013.

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100315olivier-kemeid_p1.jpg, juin 2013

Avez-vous tout de suite accepté la demande du théâtre ?

Non, j’ai hésité avant d’accepter. J’ai déjà adapté L’Eneïde de Virgile sur le mode contemporain et le Théâtre du Parc m’a proposé de faire le même travail avec Œdipe. J’ai été touché par cette demande qui m’honore, mais  retranscrire le mythe d’Œdipe est un projet exigeant. Au début, j’avais peur de me faire écraser par l’importance du mythe. Œdipe est un mythe universel qui a déjà été réécrit de nombreuses fois. C’était donc un travail difficile.

Avez-vous publié toutes les pièces que vous avez écrites ?

Non, je n’ai pas publié mes textes tout de suite. J’ai écrit mes quatre premières pièces avec un autre auteur et je ne me sentais pas prêt à les publier. L’Eneïde est la première pièce que j’ai écrite seul et que j’ai publiée. Il est très difficile de publier un texte car on ne peut plus le modifier, on ne peut plus y revenir. Or on n’a jamais vraiment terminé une pièce…comme disait Paul Valéry, « on ne termine jamais un roman, on le quitte ».

Où puisez-vous votre inspiration ?

L’inspiration est infinie. Elle peut nous venir au cours d’un voyage, pendant que l’on marche… Elle ne se commande pas. Il ne faut pas trop penser, il faut laisser libre cours à son imagination. Mais il faut aussi savoir y mettre des limites ! Il faut aussi lire pour écrire.

Pourquoi avoir choisi l’écriture en vers libres ?

Cette écriture s’est imposée à moi. J’ai écrit toutes mes pièces en vers libres. Ils créent un rythme, une musique, sans ponctuation ou très peu. Ils correspondent à mon environnement. C’est, pour moi, une liberté d’écrire de cette façon plutôt que d’écrire en alexandrin.

On remarque que dans les autres versions du mythe, la vérité est révélée à Œdipe par le devin ou le berger. Mais dans votre pièce, Jocaste a plus d’importance : c’est elle qui dit la vérité à Œdipe. Pourquoi ce choix ?

Ce n’est pas vraiment elle qui lui dit la vérité. D’ailleurs il n’est pas question dans ma pièce de vérité, mais d’une rumeur : « on dit que, on dit… ». Jocaste ne révèle pas clairement la vérité à Œdipe car elle croit, elle persiste à croire jusqu’à sa mort qu’Œdipe n’est pas son fils. On finit par croire qu’Œdipe est son fils à cause de la rumeur. Il ne faut pas oublier que le drame de Jocaste est énorme. En effet, on dit qu’elle a épousé son fils et que c’est lui qui a tué son mari ! Mais si Œdipe n’était pas son fils ? Qui me dit que l’Oracle dit la vérité ? Mon but est davantage de poser des questions plutôt que d’apporter des réponses.

Cette scène qui confronte Jocaste et Œdipe est très violente. Comment expliquez-vous cela ?

J’ai choisi de représenter cette violence pour que l’on puisse comprendre le suicide de Jocaste. En effet, dans ma version de la pièce, elle finit par se suicider car elle est répudiée par l’homme qu’elle aime. Je voulais faire comprendre le destin de cette femme, qui persiste à croire qu’Œdipe n’est pas son fils. En cela ma pièce est très différente du texte original.

Interviendrez-vous dans la mise en scène de la pièce ou laisserez-vous au metteur en scène une liberté totale ?

Le metteur en scène prend toutes les décisions concernant la représentation. Il a choisi le cadre du vingt-et-unième siècle : les acteurs seront placés dans un contexte très actuel. Il peut représenter la pièce en extérieur ou en intérieur. Cependant il doit me demander quand il veut effectuer une modification sur le texte. J’espère que le metteur en scène saura faire de cette pièce une belle mise en scène, et pourquoi pas un succès.

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