A la manière de Valentine Goby : Camille B.


Le tondeur

 

        Pendant que je tonds les cheveux de cette traîtresse, ma peine et ma rage de vengeance commencent tout doucement à être comblées mais je soupçonne que ces sentiments ne disparaîtront jamais. Je fait quelques entailles dans sa chair, du sang apparait et je ne ressens aucun regret. Trop de sang a déjà coulé ; même si quelques gouttes de plus ne rendront pas la vie à ceux qui sont tombés. Quand je pense à ma famille, à mes amis... et je ne sais même pas dans quels camps les survivants ont été envoyés. Mes proches les plus chers ont péri à cause des Allemands, pendant que ces trainées s’octroyaient les faveurs de nos ennemis.

J’en ai entendu jurer leurs grands dieux qu’elles étaient amoureuses ou que c’était le seul moyen qu’elles avaient pour nourrir leurs familles, mais cela n’empêche pas qu’elles sont souillées, que par procuration, elles sont devenues l’ennemi. Quant aux autres, celles qui ont eu des enfants avec l’envahisseur, je ne trouve pas les mots pour décrire le dégoût qu'elles m’inspirent et quand un photographe s’approche, je me mets à sourire en brandissant la tondeuse d’un air victorieux, tout en criant dans ma tête une litanie d’injures à cette pute.

Camille B.