Comment résister aux traumatismes ? Comment encaisser les coups du sort et trouver en eux, ou malgré eux, une force de vie ?
Danbé (Calmann-Lévy, 2011), le récit autobiographique d’Aya Cissoko écrit avec la collaboration de Marie Desplechin, raconte une de ces formes de résistance. Née en 1978 à Paris dans une famille immigrée du Mali, Aya Cissoko a été sacrée championne du monde de boxe anglaise en 2006, avant de bénéficier d’une bourse d’études à Sciences Po. Elle révèle dans ce livre, écrit à la première personne et au présent, les deuils et les épreuves qui ont jalonné son parcours.
Durant son enfance, qu’elle décrit d’abord comme une « période d’une extrême douceur » malgré la misère, Aya va perdre son père et sa petite sœur en 1986 dans l’incendie criminel qui détruit l’immeuble de la rue de Tlemcen où ils vivaient à six dans quinze mètres carrés. Onze mois plus tard, le plus jeune des enfants, Moussa, meurt de méningite. Alors qu’elle est très marquée par ces disparitions, Aya se voit accusée par sa mère d’être « un diable » coupable d’avoir « mangé les petits », selon une croyance disant que « les enfants qui meurent ont été tués par celui qui les précède ».
Pourtant, c’est auprès de sa mère, Massiré, qu’Aya a appris la morale du « danbé », ce mot malinké qu’on pourrait traduire en français par « dignité » : « le danbé ne nous demande ni obéissance ni même volonté. Il doit nous imprégner, nous modeler assez profondément pour s’imposer à nous ». En faisant du Danbé le titre de son livre, Aya Cissoko rend hommage à cette mère courage, « une excellente stratège » qui « tient debout » et qui « encaisse » les deuils, la pauvreté, les critiques du reste de la famille, et aussi la maladie rénale qui l’obligera à subir une greffe. Plus tard, Massiré acceptera et se réjouira que sa fille devienne « une autre qu’elle » en se trouvant une voie singulière.
Très jeune, Aya a en effet découvert la boxe : plus qu’un sport, c’est pour elle un moyen de lutter contre l’adversité et les préjugés, une leçon de vie et de résistance. « Boxer me prouve, à longueur d’entraînement, que j’existe ». Remarquée par ses entraîneurs, Aya est à douze ans championne de France, puis du monde à vingt-huit. Parallèlement, elle alterne échecs et succès scolaires, occupe des postes de caissière ou de comptable. Blessée sur le ring, elle doit renoncer définitivement à la boxe en 2007 sous peine de rester paralysée. Désemparée mais non vaincue, Aya poursuit son combat en travaillant au sein d’associations, en reprenant ses études et en écrivant son histoire. En lisant Danbé, leçon de vie et de courage, on pense autant à l’héroïne du film de Clint Eastwood, Million Dollar Baby, qu’au concept de « résilience » popularisé par le neurologue Boris Cyrulnik, cette « capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit de l’adversité ».
Critique du livre d’Aya Cissoko et de Marie Desplechin, Danbé (Calmann-Lévy, 2011)