DE LA MISE EN VOIX ET EN IMAGES DES POEMES

Tout professeur de Lettres connaît ce problème quand il donne à lire un texte en classe ou à la maison : certains élèves ne « rentreront » jamais dans le texte, ne se sentiront concernés par lui ni de loin ni de près. 

Que faire face à cette difficulté ? Comment réussir à capter l’attention de ces élèves et parvenir à leur faire percevoir les images du texte, son sens et sa richesse ? 

En tant qu’enseignants, nous sommes confrontés à un double enjeu : d’abord, intéresser l’élève au texte en faisant en sorte que l’élève trouve de l’intérêt au texte, et ensuite, l’amener à avoir un oeil averti, capable de saisir la signification profonde du texte et les caractéristiques de sa forme, en somme, si l’on reprend la formulation d’Anne Vibert, notre visée est de « construire un lecteur expert capable d’une analyse distanciée ». 

Un autre problème se pose lors de ce passage du lecteur « amateur » au lecteur « expert », celui du plaisir ou plutôt du changement de plaisir. Certains élèves ne réussissent pas à dépasser la première lecture, lecture émotive et personnelle sans véritable réflexion, pour aller vers un plaisir plus complexe suscité par la lecture analytique qui nécessite une capacité de distance critique, d’analyse et qui met en jeu des capacités d’expression multiples. Or le second stade de la lecture enrichit le premier : être conscient des enjeux esthétiques et thématiques du texte permet de l’apprécier plus intensément.

Comment faire naître  ces différents lecteurs chez nos lecteurs adolescents ? Comment stimuler en eux le désir de savoir analyser un texte ? Comment leur faire acquérir la compétence de s’exprimer sur ce texte ? Ce sont ces questions qui nous ont amené à imaginer cette séquence.

Comment faire de nos élèves des lecteurs ?

Les activités pédagogiques présentées ci-après sont nées du besoin d’interroger l’acte de lecture en replaçant l’élève lecteur en construction au coeur du processus. A l’instar d’Anne Vibert dans son article « Faire place au sujet lecteur en classe : quelles voies pour renouveler les approches de la lecture analytique au collège et au lycée ? » (article en ligne de mars 2008) - que nous prendrons comme référence et que nous citerons à plusieurs reprises - nous nous sommes demandé comment nous pouvions « concevoir un enseignement qui ne soit pas seulement centré sur le texte mais aussi sur la relation texte-élève ».

L’esthétique de la réception développée par Wolfgang Iser et Hans Robert Jauss en Allemagne dans les années 70 propose de redécouvrir le rôle actif du public dans l’acte d’interprétation. La lecture du texte ne se concrétise en effet que par le lecteur d’où la nécessité d’investir les élèves dans la lecture par une approche sensible qui actualise le texte. Mais de quelle manière renforcer l’expérience sensible du poème pour en avoir une compréhension plus claire ? Quels dispositifs didactiques construire pour permettre aux élèves de devenir des lecteurs experts ?

Pour répondre à ces questions, nous avons créé des outils pédagogiques au service d’une approche personnalisée des textes en faisant place au sujet lecteur afin de provoquer l’investissement subjectif des élèves et leur permettre l’appropriation intellectuelle des textes. La visée de la séquence est que l’expérience sensible du poème enrichisse la réception et la compréhension  du texte.

Le projet de la Séquence et les démarches suivies

En classe de Sixième, le programme nous invite à faire étudier des poèmes d’époques et de styles variés, à donner les bases de la différenciation générique, à permettre l’acquisition des compétences "Lire", "Ecrire", "S’exprimer à l’oral et à l’écrit" et à "Utiliser les outils numériques" . Pourtant, ce qui paraît primordial pour transmettre notre culture littéraire, c’est de donner les oeuvres aux enfants et de faire en sorte qu’ils s’emparent réellement des textes, qu’ils les fassent leurs. L’approche sensible de la poésie, par le recours au numérique d’une part, via l’expérience du « texte augmenté », et par le jeu scénique d’autre part, via le mime et la mise en scène, permet une étude approfondie et personnalisée du texte et l’accès à sa beauté. Or, si certains élèves ont directement accès aux fulgurances du texte et n’ont pas besoin de décomposer leur approche du texte pour en percevoir les enjeux et l’esthétisme, d’autres, au contraire, n’arrivent pas immédiatement à entendre les sonorités et à voir les images particulières de chaque oeuvre et, pour eux, les retours successifs au texte avec des objectifs différents et clairement identifiés sont nécessaires à la bonne compréhension du sens, d’où l’idée d’un cheminement sur le texte comme axe de séquence qui pourrait correspondre au schéma ci-après :

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Les grandes étapes de la séquence sont :

1/ La compréhension du lexique et du sens global du texte grâce à une méthode imagée et numérique.

2/ L'engagement physique par le mime pour donner à voir le sens des mots et les vivre en soi.

3/ La mise en voix et en scène du poème et sa mémorisation.

4/ Une lecture plurielle née du débat oral et la construction d’un regard d’expert sur le texte. 

Un corpus très large de poèmes a été proposé aux élèves réunis en binômes ou en trinômes pour toute la séquence et formant déjà ainsi une petite communauté de lecteurs. Durant une première séance au CDI, ils ont cherché le poème sur lequel ils souhaitaient travailler au sein des recueils de poésie mis à disposition par le professeur documentaliste. Le choix du texte du groupe est ainsi né d’une lecture-plaisir basée sur l’émotion du lecteur privé qui devait ensuite justifier son choix au groupe puis le choix final du groupe devait  être expliqué à l’oral à la classe entière - première prise de distance critique et de posture de lecteur expert et première étape de la lecture plurielle. Choisir le texte est déjà impliquant et motivant. Or, la séquence sur la poésie ayant permis d’aborder d’autres poèmes, le choix a même été élargi à tous les poèmes étudiés lors de la séquence à la demande de certains élèves. Nour par exemple a voulu travailler sur le poème de Ronsard « Amour piqué par une abeille ». Corinne et Léa ont souhaité prendre le calligramme d’Apollinaire « Le jet d’eau pleure sur ma peine». Or ces deux textes avaient été étudiés en cours en-dehors du dispositif didactique présenté ici. Il nous a paru encore plus intéressant qu’elles veuillent s’emparer ainsi d’une oeuvre qui leur avait parlé.

En outre, au lieu de partir d’un questionnaire dont les réponses sont souvent préconçues par le professeur, on a ouvert l’analyse des oeuvres à l’interprétation et à la compréhension personnelles des élèves. La phase de recherche sur l’oeuvre et ensuite celle de discussion a laissé aux élèves la possibilité de créer leur propre chemin de lecture en leur proposant des pistes ouvertes et impliquantes. Toute la séquence s’est ainsi construite à partir des travaux de réception des textes par les élèves eux-mêmes. 

Le plan de l’article

I. L’image comme vecteur interprétatif

II. Jouer de la poésie

  1. Le mime, chemin vers le sens textuel et vers une bibliothèque personnelle intérieure 
  2. Du mime à la scène
  3. L’élève, lecteur agissant

III. Une immersion collective 

  1. Développer son esprit critique grâce au débat
  2. Vers la maitrise de l’expression orale
  3. Devenir un lecteur abouti

IV. L’avis des intéressés

  1. Retours d’élèves
  2. Analyse de ces témoignages

I. L’IMAGE COMME VECTEUR INTERPRETATIF

Selon la théorie de la réception, comme le signifie Anne Vibert, « la source productrice de sens n’est pas seulement dans le texte elle est aussi dans le récepteur, le sujet lisant qui actualise le texte ».

Nous sommes partis de cette idée pour proposer aux élèves de créer des poèmes augmentés.

Pour réaliser leurs documents, il leur a fallu procéder en plusieurs étapes :

1/ Comprendre le sens global de leur texte, se l’expliciter à l’oral au sein de leur groupe de travail.
2/ Comprendre tout le lexique de leur texte et être en mesure de l’expliquer aux autres groupes.
3/ Faire des choix parmi tous les mots du texte pour savoir lesquels ils allaient représenter, débattre entre eux de ces choix de mots-clefs qu'ils mettraient en lumière par les images.
4/ Chercher et sélectionner les images qu’ils jugeaient signifiantes au regard des termes retenus.
5/ Prendre conscience de leurs prises de position, par définition subjectives, pour être en capacité de les justifier lors de leur prestation orale devant la classe.

La pratique pédagogique du texte augmenté procède par analogie. Les images donnent à voir les mots en les complétant ou en les remplaçant. Elles permettent de passer de la lecture et du langage verbal à un autre univers : celui du visuel et de l’immédiate perception grâce à une approche sensible qui rend le texte plus accessible notamment aux élèves en difficulté scolaire et qui en facilite la compréhension du sens global. En outre, les élèves en difficulté sont souvent ceux qui ne posent pas les questions qui nous permettraient, à nous professeurs, de leur apporter l’aide nécessaire : ici, si le vocabulaire manque, alors, par l’image, il devient compréhensible et le sens du texte leur apparaît dans sa globalité.

Voici quelques exemples de productions d’élèves enrichis de brèves analyses.

Exemple 1

Nour récite sa poésie "L'amour piqué par une abeille" de Pierre de Ronsard

Son Powerpoint

Amour.pps

La présentation orale de son travail

Quand on regarde et qu’on entend la prestation de Nour, on comprend immédiatement qu’elle a saisi tous les enjeux du poème - ô combien difficile pourtant - de Ronsard ! La jeune élève de onze ans s’est emparée d’une des Odes Anacréontiques du poète de La Pléiade ! Il faut écouter et réécouter Nour chanter le poème de Ronsard pour en goûter le sens et la beauté ! L’expérience sensible double de la mise en images et de la mise en voix est une invitation au plaisir de découverte et de compréhension du texte et le guide d’une première lecture analytique pour les autres élèves de la classe auxquels elle donne à entendre et voir l’odelette !

Comment donc est-il possible qu’une lecture sensible soit un chemin tendu vers une lecture analytique ? Simplement parce que Nour rend parfaitement, dans ses intonations et ses choix d’images et de gestes, la grâce du rythme et des sonorités de poème du XVIème siècle ainsi que la légèreté de son sujet : Amour est là présent devant nous, enfant se plaignant à sa mère. Nous raconte une histoire. Elle le fait avec un naturel déconcertant qui en réalité est le résultat d'une compréhension fine du texte issue de plusieurs lectures préalables aux objectifs variés :

- comprendre le vocabulaire du texte

- comprendre toutes les phrases

- percevoir quels sont les mots clés

- les mettre en images

- créer un powerpoint

- s'entrainer à dire le texte

- travailler les intonations

- rajouter une gestuelle appropriée.

Tout ce travail lui a permis de s'emparer du poème et de nous l'offrir en spectacle.

Exemple 2

Camille et Valentine ont créé un Powerpoint interactif sur le poème "Aimer saisons" d'Armand Monjo

Leur poème augmenté sous forme de Powerpoint interactif

Aimer_saison.pps

De la même manière que le choix de Nour dans l’exemple qui précède, une Ode de Ronsard, était ambitieux, de même, Camille et Valentine ont sélectionné un poème dont la structure grammaticale peut poser problème à des collégiens ; en effet, la structure anaphorique d’une proposition infinitive sujet est complexe pour des élèves de Sixième. Si les élèves avaient seulement récité ce texte sans le donner à voir, il est certain que bon nombre de leurs camarades auraient eu des soucis de compréhension. Ici, leur powerpoint interactif dont l'approche est ludique en remplaçant les mots par des images les signifiant, joue un rôle déterminant dans l’émergence du sens du texte et l’on peut affirmer à l'instar de Sylviane Ahr dans son livre Vers un enseignement de la littérature au lycée que les « discours métatextuels sur le poème [prennent] in fine la forme d’un ensemble de commentaires »

Exemple 3

Amandine expose sa poésie imagée "Tout est calme, si calme" de Maurice Carême

Son poème enrichi d'images

Maurice_Careme.pdf

La présentation orale de son document

La prestation orale d’Amandine est très intéressante : le ton de voix, doux et calme qu’elle emploie durant toute la récitation de son poème, vient donner corps à l’idée du texte : Amandine représente ce calme de l’hiver que le texte et sa voix chantent. Elle utilise le même rythme et les mêmes intonations quand elle répète le vers qui revient comme un refrain « Tout est calme, si calme ».

On pourrait seulement regretter qu’elle n’ait pas utilisé les images pour expliciter les termes difficiles et a priori inconnus d’une partie de la classe, à savoir « chalands », « nonchalants » et « étale ». Deux de ces mots sont difficiles à représenter, seul le terme « chaland » correspond immédiatement à une image. Peut-être pourrions-nous, lors d’une séance future, envisager d’affiner nos consignes et de demander plus clairement aux élèves que les images servent d’abord à donner à voir les mots qui leur sont les moins familiers. En revanche, cette difficulté rencontrée par l’élève l’a forcément poussée à s’interroger en profondeur sur le sens du texte et sur ce qui était primordial de mettre "en vue". Elle a donc, sans en être réellement consciente, étudié et analysé ce poème en inventant seule un questionnaire personnel.

Exemple 4 : Cinq exemples similaires

Les poèmes suivants ont tous été augmentés en deux temps :

1/ Le poème environné des images "augmentant visuellement" les mots-clés

2/ Les images des mots clés intégrées au poème et remplaçant les mots choisis

Je_voyage.pdf

Nature.pdf

L_hiver.pdf

Apre_s_l_homme.pdf

Liberte.pdf

Ces exemples ont été regroupés car ils se ressemblent et nous pouvons ainsi dégager trois pistes de réflexion didactique :

- L’image est plus naturelle chez l’homme que l’écriture et la lecture. L’image est accessible immédiatement à tous les élèves car elle consiste en une approche visuelle directe qui donne accès à une compréhension instantanée. Elle est donc très utile pour aider à la compréhension du lexique. Comme nous l’avons vu dans l’exemple précédent, elle peut venir expliciter des termes difficiles.

- La production intellectuelle d’images est naturelle lors de la lecture comme l’écrit Anne Vibert « le lecteur, produit naturellement des images et des sons en complément de l’oeuvre » (Anne Vibert analysant « l’activité fictionnalisante » de Langlade et Fourtanier). Ainsi en demandant aux élèves de choisir des images, on leur fait prendre conscience de leur capacité à se représenter le texte. Ils passent ainsi des images formées inconsciemment dans leur esprit aux images réellement représentées.

- Or, comme l’écrit Anne Vibert, les « images sont des traductions de l’interprétation que l’élève a faite du texte. » Le choix des mots sélectionnés indique en effet le message qui leur a paru le plus important. Le type d’images choisi informe du style qu’ils ont vu dans le texte. Les images, une fois décodées par le professeur, l’aide à percevoir la compréhension que l’élève a faite du poème. Elles sont aussi un outil didactique majeur : le professeur comprend ce que chacun a perçu du texte, il peut partir de cette analyse pour aider les élèves à enrichir leur compréhension du texte.

Exemple 5

Lilia et Poppy présentent leur travail sur "Derniers beaux jours" de Maurice Carême

Exemple 6

Joyce et Perle ont fait le choix de mettre leur poème en rébus !

Voici "la fourmi" de Robert Desnos sous la forme d'un rébus :

La_fourmi.pdf

La grande variété des productions montre bien à quel point les élèves se sont appropriés l’exercice et, par ce biais, le poème qu'ils avaient choisi. La consigne était très ouverte. Le choix de la mise en rébus dans le dernier exemple - l’exemple 6 - fut certes une surprise mais pas un hors-sujet ; les élèves ont fait le choix de faire disparaître les mots - tous les mots - et de mettre entièrement le texte en images sous une forme liée au jeu ; ce qui signifie que, dans leur inconscient, l’exercice donné par le professeur était assimilable à un jeu. Le texte est devenu une sorte de terrain de jeu. Ils se sont donc sentis concernés par ce texte puisqu’ils l’ont investi comme une chose agréable : le jeu.

Concernant le poème selectionné, ce choix même du rébus est très intéressant et déjà presque un pas vers la lecture d’expert car cette oeuvre se prête parfaitement au jeu : le message du texte est cette ouverture au rêve, au droit d’imaginer ce qui n’est pas, de se raconter des histoires, de jouer avec les mots, les idées et les images : Robert Desnos joue avec le lecteur en prenant le contre-pied de ce qui existe  et le poème est un plaidoyer du droit à l’imagination :  qui décide de ce qui existe ou n’existe pas ? Finalement ce qui existe c’est ce que j’imagine qui existe. La question finale vient faire taire les pragmatiques sans rêve et crie le besoin de s’amuser à rêver. Le principe du rébus est donc en accord profond avec le sens même du poème de Desnos ! Là encore, sans en être conscientes - car la prise de conscience de leur analyse du texte nécessite en Sixième un deuxième temps de lecture - elles ont su saisir le sens profond du poème, sens qui est clairement explicité par le poète dans le dernier vers.
 
Ces quelques séances ont ainsi donné lieu à une véritable implication personnelle de la part des élèves des deux classes de Sixième. On remarque qu’ils se sont véritablement emparés du poème qu’ils avaient choisi et ont procédé à des « lectures actualisantes et impliquées» comme le préconise Sylviane Ahr dans son ouvrage Vers un enseignement de la lecture au lycée. 

En outre, cette démarche a révélé un autre avantage, d’ordre didactique cette fois : l’accès à la pensée interprétative de l’élève pour l’enseignant. Or, cette connaissance est nécessaire à sa réflexion didactique et à l’évolution de son cours car il doit s’adapter en temps réel à son public pour que l’enseignement fonctionne et pour ce faire, il a besoin d’avoir un état des lieux de ce qu’ont compris ses élèves comme de leurs errements pour les aider à s’améliorer.

II. JOUER DE LA POESIE

Le programme de Français (Bulletin officiel spécial n°9 du 30 septembre 2010) invite les enseignants à mettre en oeuvre « une approche vivante des apprentissages » et à « favoriser l’engagement des élèves dans leur travail ». Or, réciter un poème c'est lui donner vie. La présence physique de l'élève est déjà en quelque sorte scénique lors d’une récitation et il ne reste qu’un pas à faire pour transformer un poème en une scènette.

Même si la question des genres n'est pas le sujet de cette séquence, les travaux de mise en scène amènent forcément les élèves à réfléchir sur cette grande problématique : le professeur peut profiter de ce moment pour leur demander d’expliquer ce qu’est le théâtre, quels en sont les codes et les enjeux et, en parallèle, ce qu’est la poésie : le débat oral qui naît s’alimente de leurs connaissances et nourrit leur réflexion sur le texte mais aussi, plus généralement, sur la littérature. Une séance a d’ailleurs été nécessaire à ce temps de redéfinition et d’identification des genres et a permis d’ouvrir vers un bilan de « fin d’année » plus large dans lequel on redonnait ensemble les définitions enrichies d’exemples étudiés en classe antérieurement sur la poésie, le théâtre, la fable, le conte, le roman, la légende et le mythe.

Voyons d'abord ce qu’a pu apporter aux élèves une approche sensible de la poésie par la mise en voix et en gestes. Donner à entendre une poésie invite les élèves à travailler l’intonation et donc le vocabulaire car il savent que leur prestation ne fera sens que s’ils mettent en lumière la signification du texte ; c’est pourquoi, durant la séance, ils se sont posé les questions suivantes :

« Sur quels mots mettre l’accent ? »

« Quels sont les types de phrases ? »

« Comment rendre cette ponctuation ? »

« Que signifie exactement ce vers par rapport à celui-là ? »

« Comment doit-on prononcer ce mot ? Que veut-il dire ? »

Les élèves se sont aussi interrogés sur l’atmosphère du texte : les lieux, les odeurs et les sensations. Ils ont repéré tous les champs lexicaux de leur poème.

Afin, en outre, de les aider à sentir l’importance de s’appliquer dans les gestes, ils ont dû dans un premier temps mimer les termes qu’ils jugeaient essentiels.

1. Le mime, chemin vers le sens textuel et vers une bibliothèque personnelle intérieure

Par le mime, les élèves montrent la définition même des mots. Avant de réfléchir à l'interprétation physique du terme choisi, ils doivent en comprendre le sens et imaginer les moyens de le représenter aux autres. Il s'agit d'un véritable travail sur le vocabulaire : tandis que les uns - "acteurs poètes" - donnent corps aux mots qu'ils ont jugés importants dans leur poème, les autres - "spectateurs interprètes" - cherchent le mot juste qui viendra répondre à la définition visuelle proposée.

Exemple : Deux élèves de 6D, Camille et Valentine, miment ci-dessous un des mots-clés de leur poème, la croissance d'une plante.

Les mimes sont visuels. Ils permettent des échanges au sein de la classe. Par leur aspect ludique, ils libèrent la parole des élèves en difficulté pour lesquels il est plus facile de s'exprimer à l'oral sur des actions. La classe se transforme en communauté d'interprétation. Le texte joué plus tard sera enrichi des tableaux vivants restés en mémoire.
Le groupe qui passe peut revenir sur son choix en répondant aux questions des autres élèves :

« Etait-il judicieux de mettre en mimes ces mots-là ? »

« Avons-nous saisi leur définition de manière assez subtile pour que les autres la comprennent par nos gestes ? »

«  Avons-nous vraiment cerné les mots-clés et l'enjeu de notre poème ? »

Ce temps de questionnement après chaque prestation est primordial, premier bilan de la compréhension du texte et moment d’analyse collective.

En outre, le mime est un moyen mnémotechnique efficace pour apprendre sa poésie et la retenir. Cicéron apprenait ses discours en associant les grands moments de son oral aux pièces de sa domus. Associer une approche sensible - corporelle - aux mots importants du texte, est une aide au bon apprentissage du poème dans sa globalité. Les élèves en difficulté scolaire m'ont dit avoir pris confiance en eux grâce à cette méthode. Nous touchons un autre aspect du rôle de l’enseignant et, a fortiori de l’Ecole, donner à tous une culture littéraire pérenne, or comme l'écrit Anne Vibert dans son article "Faire place au sujet lecteur", le mime est un socle pour « offrir à la culture littéraire en construction [de l’élève] un ancrage mémoriel ».

2. Du mime à la scène

Mettre en scène un poème nécessite d'en comprendre les enjeux, le sens, le contexte, le style et le ton. Pour réciter un poème, il faut sentir "la mélodie et le rythme du poème" (Sylviane Ahr) : cet objectif induit de ressentir le texte avec son corps.

Selon l’esthétique de la réception, « le sens n’est plus à expliquer mais bien à vivre », écrit Wolfgang Iser dans L’Acte de lecture. Voyons de quelle manière, Léa, Corinne, Lilia et Poppy vivent le sens de leur texte à travers les vidéos ci-après exposées.

Exemple 1

Léa et Corinne mettent en scène le poème calligramme "Le jet d'eau pleure sur ma peine" d'Apollinaire

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Exemple 2

Lilia et Poppy interprètent leur poème "Derniers beaux jours" d'Henry Thomas

A travers ces deux exemples, on peut constater le travail de compréhension et d'interprétation sous-jacent. Les élèves ont fait de véritables choix de mise en scène en accord avec la signification profonde de leur poème. Elles donnent réellement à voir le message de l’oeuvre.

Le premier groupe utilise la classe comme scène de théâtre : les spectateurs sont pris à partie par les deux comédiennes,  elles les visent avec leurs armes pour signifier la tension de la guerre, elles les approchent pour mieux les interpeller en matérialisant ainsi les jeunes filles du texte et les amis d'Apollinaire. Leur mise en scène est puissante grâce au choix qu'elles ont fait d'utiliser des objets pour les mots les plus importants : ainsi, elles commencent par les poignards et finissent par le laurier rose dans le pistolet plaçant le sujet de la guerre au coeur de leur représentation.

Le deuxième groupe crée un chemin sur le sol et des bulles de parole dans l’air. Le texte prend forme et vie. Elles ont conservé les mimes de l'exercice précédent et ont décidé de mettre tous les mots en scène. Le chemin, en plus d'être matérialisé par des bandes de papier, est aussi utilisé comme véritable lieu car elles avancent quand le poème le signifie. L'objet scénique imaginé par les élèves, et sorti du texte, aide à en percevoir le sens.

De plus, la lecture à haute voix est un moyen d’interpréter subjectivement l’oeuvre et de faire « entendre la voix du texte et celle du lecteur - qui y apporte sa sensibilité propre et une proposition d’interprétation au sens musical du terme - ou elle peut tout simplement faire goûter le plaisir sensoriel des sons et du rythme. » comme l'indique Anne Vibert dans son article "Faire place au sujet lecteur en classe". Les élèves sont davantage touchés par le texte quand il est dit par leurs camarades de leur âge.

Ainsi, lors de la prestation théâtrale les lectures sensibles sous-jacentes viennent se superposer aux divers exercices de texte augmenté : mime et récitation.

Exemple 3

Le groupe 3 d'Aide Personnalisée en Français met en scène le poème calligramme d'Apollinaire "La cravate"

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Cet exemple est un peu à part dans la démarche exposée ici ; en effet, lors de la séance de travail sur les calligrammes d'Apollinaire et les scriptoformes de Michel Beau, les élèves avaient à réfléchir sur leur signification et à imaginer une mise en scène de groupe. Plusieurs d’entre eux avaient choisi « La cravate », les interprétations des uns venaient compléter celles des autres car, comme le formule Anne Vibert, il est « enrichissant de confronter plusieurs propositions de lecture afin de donner lieu à des discussions sur les choix et de montrer qu’il y a plusieurs interprétations possibles de la partition qu’est un texte ». Nous avons alors confronté les idées et une mise en scène collective est surgie.

L'intérêt de ce travail est le dialogue autour des choix :

« Que devait-on retenir entre les propositions? »

« Quels gestes étaient les plus signifiants au vu du sens du texte ?"

3. L’élève : lecteur agissant

Michel Picard dans La lecture comme un jeu, met en avant le fait que le lecteur a un corps et qu’il réagit physiquement au texte en le lisant.

Anne Vibert analyse les « trois lecteurs en nous lisant » de Michel Picard de la manière suivante :
1/ "le liseur" : personne physique, le corps lisant.
2/ "le lu" : l’inconscient du lecteur qui réagit au texte et s’abandonne aux émotions.
3/ "le lectant" : instance intellectuelle capable de prendre du recul pour interpréter le texte.

L’exercice proposé aux élèves fait appel à ces trois lecteurs en permettant aux élèves de prendre conscience de cette diversité de lecteurs en eux : en effet, l’élève qui ressent intérieurement le texte, se met à le faire ressentir aux autres, ses réactions personnelles au texte sont partagées avec les autres et pour réaliser les productions, il met à distance ses sensations et ses émotions et les analyse.

III. UNE IMMERSION COLLECTIVE

1. Développer son esprit critique grâce au débat oral


Umberto Eco définit l’acte de lecture comme une « coopération interprétative ». La coopération existe à plusieurs niveaux selon lui : l’élève et le texte, les élèves entre eux à partir du texte.  La coopération se fait aussi tension interprétative quand les questions surgissent : Quelle interprétation du texte ? Quels choix ? Quels horizons d’attente ? Quelles lectures du texte par les élèves, lecteurs en construction ? Cette tension est bénéfique à l’élaboration du sens. De la même manière, Anne Vibert affirme que «sortir de la subjectivité pour accéder à la pleine altérité de l’oeuvre suppose d’abord la rencontre avec d’autres lectures qui permettent de confronter réactions et jugements ».
Le débat interprétatif met en jeu trois grands objectifs selon Anne Vibert :
- « une relecture analytique de l’oeuvre »
- la conjugaison d'une " lecture subjective et d'une communauté interprétative »
- la sortie "de la subjectivité pour accéder à la pleine altérité de l’oeuvre ».

Le retour aux poèmes après les mimes et les échanges oraux qui en découlent pour répondre aux questions soulevées dans la partie précédente - "Est-ce judicieux de mettre en mimes ces mots ? Avons-nous saisi leur définition de manière assez subtile pour que les autres la comprennent par nos gestes ? Avons-nous vraiment cerné les mots-clés et l'enjeu même de notre poème ?" - permet à la classe de "se transformer en communauté interprétative" selon la formule de Sylviane Ahr.

La lecture distanciée nécessite en effet une prise de recul sur les textes par le dialogue et l’analyse critique collective et elle construit chez l’élève un premier regard d’expert. Il est intéressant ici de faire appel à quelques références critiques sur la théorie de la réception. Wolfgang Iser pense qu’il faut s’appuyer sur l’expérience commune et procéder par tâtonnements pour rendre le texte compréhensible. On peut donc imaginer partir des ressentis des élèves et de leurs échanges oraux pour construire ensuite une véritable analyse. C’est d’ailleurs ce que préconise le programme du collège : « s’appuyer sur une approche intuitive sur des réactions spontanées de la classe pour aller vers une interprétation raisonnée ». Cependant, pour Picard, c’est le regard d’expert qui permet le plaisir esthétique. Ainsi, en partant du plaisir des intuitions personnelles, on arrive au plaisir de la compréhension et de l’analyse.

En outre, le regard d’autrui lors de ce genre d’échanges oraux, loin d'être une menace comme souvent les élèves le craignent, devient un miroir de leur travail, de leur créativité et de leur potentiel. Comme nous le verrons plus loin dans cet article lors des restitutions des témoignages des élèves, cette attitude bienveillante au sein de la « communauté de lecteurs » a été bénéfique aux élèves en leur donnant davantage confiance en eux pour intervenir à l’oral notamment.

2. Vers la maîtrise de l’expression orale

La maîtrise de l’oral est désormais reconnue comme un enjeu majeur de l’Enseignement  secondaire. Les objectifs pédagogiques sont multiples : savoir argumenter, être capable de justifier ses choix devant la classe, apprendre à écouter. Selon le bulletin officiel en ligne à l’adresse http://cache.media.education.gouv.fr/file/48/62/7/collegeprogramme-24-12-2015_517627.pdf, les compétences travaillées aux cycles 3 (CM1, CM2, 6ème) et 4 (5ème, 4ème, 3ème) au sein des domaines 1, 2 et 3 du socle les objectifs pédagogiques sont :
- « Comprendre et s’exprimer à l’oral »
- « Comprendre et interpréter des messages et des discours oraux complexes »
- « S’exprimer de façon maitrisée en s’adressant à un auditoire »
- « Participer de façon constructive à des échanges oraux »
- « Exploiter les ressources expressives et créatives de la parole »

Une des compétences à acquérir et qui nécessite de la pratique est savoir formuler une opinion, prendre parti et justifier ses choix de lecteur. Ce sont de vraies formes d’engagement. A la fin de la séquence décrite, le professeur a guidé les élèves pour qu’ils prennent conscience de leurs préférences et des causes de celles-ci dans le choix du texte, puis dans le choix des images et enfin dans le choix de la mise en scène. Or, toujours selon le BO cité précédemment, le domaine 1, intitulé Les langages pour penser et communiquer, « considère les langages moins dans leur usage que dans le principe de leur acquisition. Il appelle la mise en place de procédures de mémorisation, d’entrainement, d’automatisation et de réflexion sur les objets qu’il travaille, et au premier chef sur la langue française. Au cycle 4, l’acquisition de ces quatre opérations mentales est poursuivie mais la part de réflexion augmente. Il s’agit de s’approprier et maitriser des codes complexes pour pratiquer les sciences, comprendre et communiquer à l’écrit, à l’oral, par la création d’images, de sons, ou de gestes. La rigueur de l’expression, la capacité à en faire preuve pour dialoguer, l’adaptation à une diversité de situations pour agir ou résoudre un problème, sont au cœur du domaine. »

Il s’agissait donc pour les élèves, lors de ce temps de mise à distance, de découvrir leurs goûts et de mieux se connaître eux-mêmes. La lecture devient alors nécessaire à l’être que l’on devient ; cela paraît d’autant plus intéressant à proposer qu’on a, en tant que professeurs, en face de nous un public d’adolescents en pleine recherche d’identité ! Ainsi, on leur apprend à entendre ce que leur dit personnellement un texte et alors, ils peuvent en percevoir l’intérêt car «  au long du cycle 4, les élèves sont amenés à conjuguer d’une part un respect de normes qui s’inscrivent dans une culture commune, d’autre part une pensée personnelle en construction, un développement de leurs talents propres, de leurs aspirations, tout en s’ouvrant aux autres, à la diversité, à la découverte… »

Les exercices d’expression orale ont été variés durant cette séquence mais le moment le plus enrichissant a été celui des débats oraux car le débat fait place à la confrontation des idées sur le texte : en expliquant leurs points de vue, les élèves interprètent le texte et en font émerger le sens profond. Les interprétations erronées sont rejetées par la communauté interprétative grâce au débat  car, comme l’explique très clairement Anne Vibert « on comprend mieux à plusieurs que seul : la confrontation de son interprétation du texte avec celle des autres nous oblige à la réinterroger et donc à réinterroger le texte et l’interprétation est au croisement des informations apportées par le texte et de nos connaissances, valeurs, personnelles. A plusieurs et à condition d’accepter l’échange, on lit plus d’informations du texte on dispose de plus de connaissances du monde, on relativise les valeurs comme filtres de lecture ».

On pourrait ajouter à cette séquence un exercice supplémentaire d’enregistrements afin de les faire s’écouter pour que la critique et l’autocritique soient enrichissantes et permettent aux élèves de s’améliorer.

En outre, nous n'avons pas publié ici le travail sur la grammaire et l'orthographe car cette partie de la séquence n'entrait pas réellement dans l'approche sensible décrite.

3. Devenir un lecteur abouti

Lors de cette séquence, les élèves ont abordé plusieurs textes, celui qu’ils avaient choisi et ceux de leurs camarades, sous des angles différents.

Le texte a été traité de différentes manières :
- pour lui-même : son vocabulaire, son sens
- comme objet de perceptions personnelles, d’intuitions
- comme objet à transformer en images
- comme objet à mettre en scène, comme prétexte scénique
- comme point de départ à des échanges oraux voire à des débats
- comme oeuvre littéraire analysée
- comme objet d’analyse par l’élève conscient d’être devenu sur ce texte un lecteur averti.  

In fine, la lecture de chacun des textes a été plus riche grâce à ces lectures plurielles. Les élèves ont fait l’apprentissage des différentes postures de lecture et en ont pris conscience. Ils ont pu passer d’un mode de lecture à un autre. Les plaisirs de lecture ont été variés et leur ont permis de cerner quel lecteur ils étaient : certains ont dit avoir préféré la première phase de découverte et de rencontre avec l’oeuvre, d’autres au contraire ont aimé le dernier moment de retour analytique.

IV. L'AVIS DES INTERESSES

1. Retours des élèves

Extraits de témoignages recueillis après la Séquence auprès des élèves de 6A et de 6D du Collège Jacqueline Auriol à Boulogne-Billancourt, Promotion 2017/2018.

Quels bénéfices ont-ils tirés de cette séquence selon leur point de vue ? Quelles ont été les difficultés qu’ils ont rencontrées ?

« J’ai mieux compris le texte poétique grâce aux images et aux mimes et j’ai pris confiance en moi à l’oral grâce aux récitations. » Poppy

« J’adore la poésie, je passe mes journées à en écrire, lire et découvrir. Quand j’ai su qu’on allait en mimer, réciter et faire découvrir aux autres cela m’a immédiatement plu. Bien sûr, il y allait avoir un gros travail en-dehors des cours, mais cela ne me dérangeait pas.
J’avoue que j’appréhendais les réactions des autres élèves face à mes réalisations et les notes que mettrait le professeur. J’ai donné le meilleur de moi-même.
Cette séquence m’a beaucoup apporté car j’ai pu découvrir ma poésie sous différents angles et connaître d’autres textes inconnus de ma personne sans les lire. J’ai apprécié l’utilisation d’outils variés et la concentration de mes camarades lors de chaque passage. » Nour

« Cette séquence m’a aidée à mettre le ton quand je récite un poème. » Samara

« Je n’ai pas trop aimé quand je passais à l’oral car j’étais énormément stressé et, comme on est beaucoup passé à l’oral, j’avais le trac. Mais j’ai bien aimé dans l’ensemble la séquence car toutes les poésies que j’écoutais étaient magiques.
J’ai surtout aimé la présentation imagée qu’on a faite de notre poésie et qu’on a mise sur clé USB pour l’exposer car les images qui la représentaient étaient très belles et colorées.
En résumé, cette séquence était magique. » Clément A.

« Je trouve que cela m’a aidé à mieux m’exprimer, à être moins timide et à maîtriser davantage l’informatique. » Sacha

« Les mimes et les images m’ont permis de mieux comprendre les poésies. J’ai adoré ! J’ai pu apprendre à bien m’exprimer à l’oral. Les mimes m’ont aidée à transmettre au professeur et à mes camarades toutes les émotions de ma poésie.
Les images ont plutôt contribué à montrer la beauté de mon poème.
Nous avons produit de superbes créations visuelles et auditives autour d’un texte. Je trouve cela incroyable. » Amandine

« J’ai bien aimé car travailler dans la durée sur plusieurs séances un projet et enfin le présenter, ça donne de la joie. » Samuel

« Tout ce travail m’a appris à :
- passer devant tout le monde sans stresser,
- mieux utiliser l’ordinateur,
- avoir confiance dans mon travail et dans le travail de mes camarades.
J’ai aimé cette séquence. » Léna

« Cette séquence m’a surtout apporté du travail en plus et j’ai trouvé que c’était un peu difficile à réaliser. » Elisa

« J’ai aimé apprendre des éléments sur la vie de l’auteur de ma poésie, Victor Hugo, quand j’ai cherché des informations sur mon poème à apprendre « Demain, dès l’aube ». J’ai trouvé intéressant de connaître les circonstances de cette poésie : la mort de sa fille et son immense peine.
Le moment que j’ai adoré en classe était d’écouter et regarder les autres élèves passer. J’ai trouvé leurs prestations belles à voir. » Roshni

« Je pense que cela m’a apporté de la créativité. Mon sujet préféré a été de réaliser des mimes sur les mots clés du poème. » Marlon

« J’ai apprécié ce travail car j’ai appris la poésie de mon choix parmi une grande sélection au CDI et il était drôle de l’apprendre en mimes.
J’ai aimé participer au concours  de récitations poétiques mises en scène avec les CM2 de l’Ecole Thiers et gagner un cadeau.
J’ai aussi considéré très bénéfique mon travail sur l’ordinateur. » Côme

« J’ai aimé la nouveauté de cette séquence : créer de nouveaux documents, réciter des poèmes d’une autre manière !
Je suis, en outre, plus à l’aise à l’oral dorénavant. » Lilia

« Nous avons exploré les poèmes de plein de façons et je trouve que cela a augmenté mes connaissances dans le domaine de la poésie. » Hiba

« Ça a enrichi ma culture. j’ai entendu et appris des poésies que je ne connaissais pas.
Mimer mon poème était très intéressant. J’ai compris tout le vocabulaire. » Roméo

« L’exercice de récitation m’a donné confiance en moi à l’oral. J’ai moins peur de passer devant les autres. » Rafael A.

« J’ai trouvé l’oral bénéfique car il m’a aidée à être à l’aise. J’estime que cette séquence était relativement facile.
Je n’ai pas vu l’intérêt de de retravailler un poème d’une manière différente. Je ne perçois pas ce que ça m’apportera plus grande même si globalement j’ai aimé ce travail. » Flora

« Les mimes et les images sont de bonnes méthodes d’apprentissage car moi, j’avais de mauvaises notes en poésie quand je les récitais avant, seule, et là, j’ai bien retenu notre poème et j’ai remonté ma moyenne. Je suis contente de ce résultat. » Caroline

« J’ai découvert que j’avais pas mal d’idées créatives pour mettre en scène une poésie. Je trouve que mettre en scène un poème est bien plus intéressant que seulement le réciter.
Aussi, grâce à cette séquence, j’ai trouvé une grande partenaire pour les exposés et les représentations : Léa. » Corinne

« La séquence sur la poésie m’a plu car on a travaillé en groupe.
De plus, habituellement la poésie m’ennuie mais le fait d’avoir à la travailler sous différents angles - mimes, mises en scène, PDF - m’a fait l’apprécier. » Léa

« Cela m’a permis d’être moins timide. J’ai davantage confiance en moi.
J’ai appris à parler plus fort, à mieux me faire entendre, à être en groupe. » Héloise

« J’ai appris plus facilement ma poésie et je connais mieux certains fonctionnements de l’ordinateur (même si cela m’a pris du temps à la maison) et j’ai obtenu de bonnes notes : j’ai ainsi remonté ma moyenne. » Lucie

2. Analysons ces témoignages.

Classement des avantages et des inconvénients de la méthode pédagogique selon les témoignages précédents

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CONCLUSION

Ces expériences pédagogiques sensibles de la poésie ont permis aux lecteurs collégiens d’entrer dans le texte, de l’analyser avec joie et plaisir ; en effet, les dispositifs didactiques basés sur une approche sensible de la poésie permettent aux élèves de ressentir plusieurs plaisirs qu’explicitent J-F Massol et B. Shawky-Milcent : « les plaisirs du lecteur privé d’ordre affectif dans la participation, ou d’ordre esthétique quand l’émotion ressentie est rapportée aux constructions textuelles et stylistiques ; c’est, en revanche, un plaisir intellectuel que peut procurer la construction et l’écriture d’un commentaire. » Or, lors de cette séquence, on peut considérer qu’un plaisir intellectuel a été procuré aux élèves lors de la réalisation de leurs productions et du débat oral dans lequel ils ont dû argumenter. Leur perception et leur compréhension ont de la sorte été plus performantes. 

Tout texte a ainsi besoin d’être concrétisé afin, comme l’écrit Hans Robert Jauss, dans son ouvrage Pour une esthétique de la réception, d’actualiser la tension « entre son être et son sens, de telle sorte qu’une signification non préexistante se constitue dans la convergence du texte et de sa réception ». Pour donner à l’élève les clefs d’une lecture personnelle riche et d’une appropriation des textes, il convient peut-être de prendre en compte sa sensibilité en mêlant la lecture plaisir, la lecture investie, vécue et la lecture critique, objectivée pour qu’ils trouvent en lui « les trois lecteurs en un » de Michel Picard car comme l’écrit Anne Vibert que nous avons beaucoup citée : « Si tout lecteur est triple ou quadruple, c’est peut-être la multiplicité des instances ou des postures que l’on doit construire en classe, en ne laissant pas de côté le sujet lecteur, mais en lui donnant toute sa place à côté, par exemple, du lecteur expert, analyste cultivé et habile interprète. L’objectif est d’apprendre aux élèves à circuler de posture en posture en les empruntant selon les besoins. » 

BIBLIOGRAPHIE

« Faire place au sujet lecteur en classe : quelles voies pour renouveler les approches de la lecture analytique au collège et au lycée ? » Intervention d’Anne Vibert, Inspectrice générale de lettres Mars 2012 

Vers un enseignement de la lecture littéraire au lycée Expérimentations et réflexions sous la direction de Sylviane Ahr collection SCEREN Enseigner le français au lycée

Pour une lecture littéraire Histoire, théories, pistes pour la classe, Jean-Louis Dufays, Louis Gemenne, Dominique Ledur, 3ème édition revue et actualisée, édition de boeck supérieur

La lecture comme un jeu de Michel Picard

L’acte de lecture de Wolfgang Iser

Pour une esthétique de la réception Hans Robert Jauss

Le Bulletin Officiel spécial n°9 du 30 septembre 2010  

http://cache.media.education.gouv.fr/file/48/62/7/collegeprogramme-24-12-2015_517627.pdf

Les recueils de poèmes donnés aux élèves au CDI par Madame Christien lors de la séance initiale : 

L’arbre en poésie, Gallimard Jeunesse

La bouche pleine encore des poèmes pressés, Friot, Bernard, Milan Jeunesse

Le Chedid, Andrée Chedid, Gallimard

Le Crève-coeur, Louis Aragon, Le Livre de poche jeunesse

Demain dès l’aube : les cent plus beaux poèmes pour l’enfance et la jeunesse choisis par les poètes d’aujourd’hui, Le Livre de poche jeunesse

L’eau en poésie, Gallimard

Jouer avec les poètes : 200 poèmes-jeux inédits de 65 poètes contemporains, Le Livre de poche jeunesse

La Mer en poésie, Gallimard Jeunesse

Naturellement : anthologie de poèmes sur la nature et son environnement, Rue du Monde

Nonante-neuf poèmes, Maurice Carême, Espace Nord

Poèmes de Claude Roy, Claude Roy, Gallimard Jeunesse

Poèmes du petit matin, Le Livre de poche jeunesse

La poésie des poètes, Hachette Jeunesse 

Poètes pour le temps présent, Gallimard Jeunesse

Le Temps et les Saisons en poésie, Gallimard Jeunesse

Le Verlaine, Paul Verlaine, Mango Jeunesse