Mon projet de latiniste de 4ème : jouer L’Aulularia de Plaute

 

Mes objectifs pédagogiques

 

Développer mon autonomie intellectuelle, organisationnelle et pratique

Travailler en groupes : prendre la parole, échanger, donner mon point de vue, se répartir le travail à réaliser, travailler ensemble dans un objectif commun, mener une réflexion collective

Réfléchir sur un texte : le retravailler, modifier des passages, en supprimer ect.

Savoir faire des recherches documentaires en vue de comprendre une civilisation

Produire des réalisations justes historiquement

Me plonger au cœur d’une civilisation par le jeu (« ludus »)

Me repérer dans l’espace (travail sur les gestes, l’espace scénique) et le temps (théâtre romain et plaisir intemporel d’une pièce vieille de plus de 2000 ans)

Acquérir de vraies compétences orales : gagner en confiance en moi, être capable de jouer un texte par cœur devant une salle pleine de spectateurs

Donner vie au théorique/Mettre « en pratique » le programme étudié : les jeux romains

Vivre une expérience unique : jouer sur la scène du théâtre de Pompéi

 

Répartition des actes par groupes

 

Prologue : Rachel (latin/français)

Acte I : Moira, Zoé, Caroline et Valentine

Acte II

Scènes 1 à 3 : Claire, Alicia, Yazid, Alexandre, Alexie

Scènes 4 à 5 : Jules Langlois, Matthieu, Pierre, William

Acte III : Pauline, Margaud, Jules Vellard, Johanna, Eva

Acte IV

Scènes 1 à 3 : Guillaume, Hugo, Sofia, Manon

Scènes 4 à 6 : Rachel, Marc Emmanuel, Carla, Capucine, Ben

Scène 7 : Moira, Caroline, Zoé, Valentine

Acte V : Rachel, Marc Emmanuel, Ben, Carla, Capucine

Dernière scène : Tous les acteurs

 

Répartition des projets créatifs

 

  • les costumes, les coiffures, le maquillage : Valentine, Zoé, Moira, Caroline
  • les accessoires : Claire, Alicia, Yazid, Alexandre, Alexie
  • la musique : Jules L. Matthieu, Pierre, William
  • le décor : Pauline, Margaud, Jules Vellard, Johanna, Eva
  • les masques : Guillaume, Hugo, Sofia, Manon
  • la mise en scène : Rachel, Marc Emmanuel, Carla, Capucine, Ben

 

Les dates

 

1er RDV « jouer la pièce et connaître le texte » : mardi 27 février  (       /20) en salle polyvalente

1er RDV « créations projets » apporter au moins la moitié des projets de groupes créés : mardi 7 mars (         /20)

RDV avant le départ en Italie : Mardi 14 mars

Durant le voyage : jouer sur la scène du théâtre de Pompéi devant les autres élèves et les professeurs (filmer et mettre sur le blog de latin)

2ème RDV « jouer la pièce » (texte parfaitement su, gestes et mise en scène maîtrisés) : Mardi 16 mai (        / 20)

2ème RDV « créations finies » (projets aboutis) : Mardi 23 mai (        / 20)

Mois de juin : Répétitions en salle polyvalente tous les mardis

Le jeudi 22 juin : Spectacle de fin d’année au cœur des fêtes latines : spectacle + repas + fête du voyage !

 

Mémo

 

Théâtre romain : Fête / Jeux / spectacle ludique (« ludi scaenici ») et total : musique, machinerie, chant, danse

Les acteurs : hommes (pas de femmes) esclaves ou affranchis. Comme ils étaient professionnels, ils ne portaient pas de masques.

Thalie : muse de la comédie

Comédie : pour la moitié au moins composée de ballets : l’acteur danse dan son rôle, importance du corps et de la voix.

Plaute écrit des palliatae, comédies latines inspirées des comédies grecques de Ménandre. C’est une Grèce fantaisiste car même si les noms et les lieux sont grecs, on parle parfois du forum dans les pièces de Plaute !

Costumes : les acteurs portent le pallium (= costume grec).

Tuniques courtes et perruque rousse = esclave, robes jaunes = courtisane, jeunes = toutes les couleurs, perruque et costume blancs = vieillard.

Musique : flûtes de pan, flûtes simples, flûtes doubles, percussions, tambourins, cymbales, castagnettes, lyres de 3 à 12 cordes, l’orgue à eau.

Décor : mur de scène romain, très élevé, luxueusement décoré, avec trois portes d’où sortent les personnages, avec des toiles peintes fixées sur des tourniquets rectangulaires qui forment des décors mobiles ; on trouve également dans le mur de scène des niches et des colonnes/ La scène commence quand le rideau entre la scène et l’orchestre tombe et disparaît sous la scène.

Chez Plaute, le décor est une rue : on trouve deux maisons de part et d’autre de la scène et la porte centrale de la façade de scène est le chemin vers la ville.

Machineries sophistiquées : trappes par lesquelles les acteurs disparaissent de la scène et ensemble des machines qui permettent d’élever dans les airs un personnage + appareils de bruitage

Intermèdes à grands spectacles entre les actes.

Valeur particulière de la dernière scène : atellane. Objectif : faire sortir les acteurs de leur personnage : grande joie, bruit, rires.

 

Structure de la pièce

 

PROLOGUE

 

Acte I

Scène 1. EUCLION, STAPHYLA.
Scène 2. EUCLION, STAPHYLA

 

Intermède I

 

Acte II

Scène 1. EUNOMIE, MÉGADORE

Scène 2. EUCLION, MÉGADORE.

Scène 3. EUCLION, STAPHYLA

Scène 4. STROBILE, STAPHYLA, CONGRION, PYTHODICVS.

Scène 5. EUCLION, CONGRION.

 

Intermède II

 

Acte III

Scène 1. CONGRION

Scène 2. EUCLION, CONGRION.

Scène 3. EUCLION, CONGRION.

Scène 4. EUCLION

 

Intermède III

 

Acte IV

Scène 1. STROBILE

Scène 2. EUCLION, STROBILE.

Scène 3. EUCLION, STROBILE.

Scène 4. LYCONIDE, EUNOMIE, PHÉDRA.

Scène 5. STROBILE

Scène 6. EUCLION

Scène 7. LYCONIDE, EUCLION.

 

Intermède IV

 

Acte V

STROBILE, LYCONIDE.

 

ATELLANE finale

 

Le texte final (après toutes les modifications)

 

 

 

Prologue

 

Ne quis miretur qui sim, paucis eloquar.
ego Lar sum familiaris ex hac familia
unde exeuntem me aspexistis. hanc domum
iam multos annos est cum possideo et colo
patri auoque iam huius qui nunc hic habet.

 

Que mon aspect ne vous étonne pas ; deux mots vont me faire connaître : je suis le dieu Lare de cette famille, là, dans la maison d'où vous m'avez vu sortir. II y a bien des années que j'y demeure ; j'étais le dieu familier du père et de l'aïeul de celui qui l'occupe aujourd'hui. L'aïeul me confia un trésor inconnu de tout le monde, et l'enfouit au milieu du foyer, me priant, me suppliant de le lui conserver. A sa mort, voyez son avarice, il ne voulut point dire le secret à son fils, et il aima mieux le laisser pauvre, que de lui découvrir son trésor; un père ! Son héritage consistait en un petit coin de terre, d'où l'on ne pouvait tirer, à force de travail, qu'une chétive existence. Quand cet homme cessa de vivre, moi, gardien du dépôt, je voulus voir si le fils me rendrait plus d'honneur que son père. Ce fut bien pis encore mon culte fut de plus en plus négligé. Notre homme eut ce qu'il méritait ; je le laissai mourir sans être plus avancé. Un fils lui succéda : c'est le possesseur actuel de la maison ; caractère tout-à-fait semblable à son aïeul et à son père. Il a une fille unique. Elle, au contraire, m'offre chaque jour, soit un peu de vin, soit un peu d'encens, ou quelque autre hommage ; elle m'apporte des couronnes. Aussi est-ce à cause d'elle que j'ai fait découvrir le trésor à son père Euclion, afin que, s'il voulait la marier, cela lui devînt plus facile. Elle a été violée par un jeune Homme de très bonne maison ; il la connaît, mais il n'est point connu d'elle, et le père ignore ce malheur. Aujourd'hui le vieillard, leur voisin, ici (montrant la maison de Mégadore), la demandera en mariage : c'est moi qui lui inspirerai ce dessein pour ménager à l'amant l'occasion d'épouser. Car le vieillard qui la recherchera est justement l'oncle du jeune homme qui l'a déshonorée, dans les veillées de Cérès. Mais j'entends le vieil Euclion, là, dans la maison, grondant selon sa coutume. Il contraint sa vieille servante à sortir, de peur qu'elle n'évente son secret. Il veut, je crois, visiter son or, et s'assurer qu'on ne l'a pas volé.

 

Acte I

 

Scène 1. EUCLION, STAPHYLA.


EUCLION. Allons, sors ; sors donc. Sortiras-tu, espion, avec tes yeux fureteurs ?
STAPHYLA. Pourquoi me bas-tu, pauvre malheureuse que je suis ?
EUCLION. Je ne veux pas te faire mentir. Il faut qu'une misérable de ton espèce ait ce qu'elle mérite, un sort misérable.
STAPHYLA. Pourquoi me chasser de la maison ?
EUCLION. Vraiment, j'ai des comptes à te rendre, grenier à coups de fouet. Éloigne-toi de la porte. Allons, par là (lui montrant le côté opposé à la maison). Voyez comme elle marche. Sais-tu bien ce qui l'attend ? Si je prends tout à l'heure un bâton, ou un nerf de bœuf, je te ferai allonger ce pas de tortue.
STAPHYLA, à part. Mieux vaudrait que les dieux m'eussent fait pendre, que de me donner un maître tel que toi.
EUCLION. Cette drôlesse marmotte tout bas. Certes, je t'arracherai les yeux pour t'empêcher de m'épier continuellement, scélérate ! Éloigne-toi. Encore. Encore. Encore. Holà ! Reste-là. (à part) Je n'ai jamais vu de plus méchante bête que cette vieille. Je crains bien qu'elle ne me joue quelque mauvais tour au moment où je m'y attendrai le moins. Si elle flairait mon or, et découvrait la cachette ? C’est qu'elle a des yeux jusque derrière la tête, la coquine. Maintenant, je vais voir si mon or est bien comme je l'ai mis. Ah ! Qu’il me cause d'inquiétudes et de peines. (Il sort.)
STAPHYLA, seule. Par Castor ! Qu'est-ce qu'il a donc à me chasser dix fois par jour de la maison ? On ne sait, vraiment, quelle fièvre le travaille. Toute la nuit il fait le guet ; tout le jour il reste chez lui sans remuer, comme un cul-de-jatte de cordonnier. Mais moi, que devenir ? Comment cacher le déshonneur de ma jeune maîtresse ? Elle approche de son terme. Je n'ai pas d'autre parti à prendre, que de faire de mon corps un grand I, en me mettant une corde au cou.

 

Scène 2. EUCLION, STAPHYLA.


EUCLION, à part. Je sors à présent, l'esprit plus dégagé. Je me suis assuré là dedans que tout est bien en place. (A Staphyla) Rentre maintenant, et garde la maison.
STAPHYLA, ironiquement Oui, garder la maison ; est-ce de crainte qu'on n'emporte les murs ? car, chez nous, il n'y a pas d'autre coup à faire pour les voleurs : la maison est toute pleine de rien et de toiles d'araignées.
EUCLION. C'est étonnant, n'est-ce pas, que Jupiter ne m'ait pas donné, pour te faire plaisir, les biens du roi Philippe ou ceux du roi Darius, vieille sorcière ! Je veux qu'on garde les toiles d'araignées, moi. Eh bien, oui, je suis pauvre. Je me résigne ; ce que les dieux m'envoient, je le prends en patience. Rentre, et ferme la porte. Je ne tarderai pas à revenir. Ne laisse entrer personne ; prends-y garde. Éteins le feu, de peur qu'on n'en demande. Dis à ceux qui demanderaient de l'eau, qu'elle s'est enfuie. Les voisins empruntent toujours quelque ustensile. Tu diras que les voleurs nous ont tout pris. Enfin je veux qu'en mon absence personne ne s'introduise ; je t'en avertis. Fût-ce la
Bonne-Fortune qui se présentât, qu'elle reste à la porte.
STAPHYLA. Par Pollux ! Elle n'a garde d'entrer chez nous. On ne l'a jamais vue s'en approcher.
EUCLION. Tais-toi, et rentre.
STAPHYLA. Je me tais, et je rentre.
EUCLION. Ferme la porte aux deux verrous, entends-tu ? je serai ici dans un moment. (Staphyla sort.) Je suis désolé d'être obligé de sortir. Mais, hélas ! il le faut. Je sais ce que je fais. Le président de la Curie a annoncé une distribution d'argent. Si je n'y vais pas pour recevoir ma part, aussitôt tout le monde se doutera que j'ai de l'or chez moi. Et déjà, malgré mon soin à cacher ce secret, on dirait que tout le monde le connaît. On me salue plus gracieusement qu'autrefois, on me serre la main ; chacun me demande de mes nouvelles, comment vont les affaires ? .... Faisons cette course, et puis je reviendrai le plus tôt possible à la maison. (Il sort.)

 

INTERMEDE I

 

Acte II

 

Scène 1. EUNOMIE, MÉGADORE.


EUNOMIE. Crois, mon frère, que je te parle par amitié pour toi et dans ton intérêt, comme une bonne soeur. Considère, mon frère, que nous n'avons pas de plus proche parent, toi que moi, moi que toi, et que nous devons par conséquent nous aider l'un l'autre de nos conseils et de nos bons avis. Je t'ai fait sortir pour t'entretenir sans témoin de ce qui intéresse ta fortune.
MÉGADORE. Excellente femme ! Touche là. Que me veux-tu ?
EUNOMIE. Prête-moi attention, je te prie.
MÉGADORE. A ton service ; dispose de moi, ordonne.
EUNOMIE. J'ai voulu te donner un conseil très utile.
MÉGADORE. Je te reconnais là, ma soeur.
EUNOMIE. C'est mon désir.
MÉGADORE. De quoi s'agit-il ?
EUNOMIE. Je veux que tu te maries.
MÉGADORE. Aie ! aie ! je suis mort !
EUNOMIE. Qu'as-tu donc ?
MÉGADORE. Ce sont des pierres que tes paroles ; elles fendent la tête à ton pauvre frère.
EUNOMIE. Allons, suis les conseils de ta soeur. Dis-moi donc quelle est la femme que tu veux épouser ?
MÉGADORE. Volontiers. Connais-tu le vieil Euclion, ce pauvre homme notre voisin ? EUNOMIE. Oui ; un brave homme, ma foi.
MÉGADORE. Je désire qu'il me donne sa fille. Point de discours superflus, ma soeur ; je sais ce que tu vas me dire : qu'elle est pauvre. Sa pauvreté me plaît.
EUNOMIE. Les dieux rendent ce dessein prospère !
MÉGADORE. Je l'espère ainsi.
EUNOMIE. Je puis me retirer ?
MÉGADORE. Adieu.
EUNOMIE. Adieu, mon frère. (Elle sort.)
MÉGADORE. Voyons si Euclion est chez lui.

 

Scène 2. EUCLION, MÉGADORE.


EUCLION. Je prévoyais, en sortant, que je ferais une course inutile, et il m'en coûtait de m'absenter. Aucun des hommes de la curie n'est venu, non plus que le président, qui devait distribuer l'argent. Hâtons-nous de rentrer .
MÉGADORE. Bonjour, Euclion ; le ciel te tienne toujours en joie.
EUCLION. Et toi de même, Mégadore.
MÉGADORE. Comment te portes-tu ? Cela va-t-il comme tu veux ?
EUCLION. Les riches ne viennent pas parler d'un air aimable aux pauvres sans quelque bonne raison. Il sait que j'ai de l'or ; c'est pour cela qu'il me salue si gracieusement.
MÉGADORE. Réponds-moi : te portes-tu bien
EUCLION. Ah ! pas trop bien du côté de l'argent.
MÉGADORE. Par Pollux ! si tu as une âme raisonnable, tu as ce qu'il faut pour être heureux.
EUCLION, à part. Oui, la vieille lui a fait connaître mon trésor. La chose est sûre ; c'est clair. Ah ! je te couperai la langue et t'arracherai les yeux.
MÉGADORE. Pourquoi parles-tu là tout seul ?
EUCLION. Je me plains de ma misère. J'ai une fille déjà grande, mais sans dot, partant point mariable. Qui est-ce qui voudrait l'épouser ?
MÉGADORE. Ne dis pas cela, Euclion. Il ne faut pas désespérer on t'aidera. Je veux t'être utile ; as-tu besoin de quelque chose ? tu n'as qu'à parler.
EUCLION, à part. Ses offres ne sont qu'un appât. Il convoite mon or.

MÉGADORE. Écoute-moi un moment, Euclion ; je veux te dire deux mots sur une affaire qui t'intéresse comme moi.
EUCLION. Pauvre Euclion ! ton or est pillé. (Il court)MÉGADORE. Où vas-tu ?
EUCLION, s'en allant. Je reviens dans l'instant. J'ai affaire à la maison. (Il sort.)
MÉGADORE, seul. Quand je lui demanderai sa fille en mariage, sans doute il croira que je me moque de lui. Il n'y a pas de mortel plus pauvre et qui vive plus pauvrement.
EUCLION, à part. Les dieux me protègent, elle est sauvée. (À Mégadore) Me voici revenu, Mégadore ; je suis à toi.
MÉGADORE. Bien obligé. Maintenant, aie la complaisance de répondre à mes questions.
EUCLION. Oui, pourvu que tu ne me demandes pas des choses qu'il ne me plaise pas de te dire.
MÉGADORE. Que penses-tu de ma naissance ?
EUCLION. Bonne.
MÉGADORE. Et de ma réputation ?
EUCLION. Bonne.
MÉGADORE. Et de ma conduite ?
EUCLION. Sage et sans reproche.
MÉGADORE. Sais-tu mon âge ?
EUCLION. Il est grand, comme ta fortune.
MÉGADORE. Et moi, Euclion, je t'ai toujours tenu pour un honnête citoyen, et je te tiens pour tel encore.
EUCLION, à part. Il a eu vent de mon or. (Haut) Qu'est-ce que tu me veux ?
MÉGADORE. Puisque nous nous connaissons réciproquement je veux (daignent les dieux bénir ce dessein et pour toi, et pour ta fille, et pour moi !) devenir ton gendre ; y consens-tu ?
EUCLION. Ah ! Mégadore, c'est une chose indigne de ton caractère, que de te moquer d'un pauvre homme.
MÉGADORE. Par Pollux ! je ne me moque pas de toi.
EUCLION. Pourquoi donc me demander ma fille en mariage ?
MÉGAD0RE. Pour faire ton bonheur et celui de ta famille, et pour vous devoir le mien.
EUCLION. Mais je n'ai pas de dot à lui donner.
MÉGADORE. On s'en passera. Pourvu qu'elle soit sage, elle est assez bien dotée.
EUCLION. N'entends-je pas un bruit de fer ? (il part.)
MÉGADORE. Oui, je fais travailler à mon jardin. Eh bien ! qu'est-il devenu ? (Euclion revient) Enfin m'accordes-tu ta fille ?
EUCLION. Aux conditions et avec la dot que j'ai dit ?
MÉGADORE. Oui. Me l'accordes-tu ?
EUCLION. Je te l'accorde.
MÉGADORE. Que les dieux nous donnent bon succès !
EUCLION. Ainsi le veuillent-ils ! Mais souviens-toi de nos conventions : ma fille n'apporte point de dot.
MÉGADORE. C'est dit. Mais qu'est-ce qui empêche de faire la noce aujourd'hui même ?
EUCLION. Rien, ma foi !
MÉGADORE. Je vais ordonner les apprêts. Adieu. Holà ! Strobile, suis-moi promptement au marché. (Il sort.)
EUCLION, seul. Il est parti. Dieux immortels ! voyez le pouvoir de l'or ! Oh ! je le pense bien, il a ouï dire que j'avais un trésor ; il le convoite : c'est là le motif de son opiniâtreté à rechercher mon alliance.

 

Scène 3. EUCLION, STAPHYLA.


EUCLION. Où es-tu, bavarde, qui vas dire à tous les voisins, que je dois doter ma fille ? Hé ! Staphyla ; viendras-tu est-ce que tu ne m'entends pas ? (Staphyla vient.) Dépêche-toi de nettoyer le peu que j'ai de vaisselle sacrée. J'ai fiancé ma fille, et elle sera mariée aujourd'hui.
STAPHYLA. Les dieux bénissent ton dessein ! Mais, ma foi, cela ne se peut pas ; on n'a pas le temps de se retourner.
EUCLION. Pas de raisons : va-t-en ; et que tout soit prêt, quand je reviendrai du Forum. Ferme bien la porte. Je serai ici tout à l'heure. (Il sort.)
STAPHYLA, seule. Que faire ? encore un moment, et nous sommes perdues, ma jeune maîtresse et moi. Son terme approche ; son déshonneur va se découvrir. Ce malheureux secret ne peut plus désormais se cacher. Rentrons, pour que les ordres du maître soient exécutés quand il reviendra. Par Castor ! je crains d'avoir aujourd'hui une coupe bien amère à avaler. (Elle sort.)

 

Scène 4. STROBILE, STAPHYLA, CONGRION, PYTHODICVS.


PYTHODICVS. Holà ! Staphyla, viens nous ouvrir la ponte.
STAPHYLA. Qui m'appelle ?
STROBILE. C'est Strobile.
STAPHYLA. Que veux-tu ?
STROBILE. Voici des cuisiniers, une joueuse de flûte, et des provisions pour la noce. C'est Mégadore qui les envoie à Euclion.
STAPHYLA. Est-ce que ce sont les noces de Cérès, que vous allez faire, Strobile ?
STROBILE. Pourquoi ?
STAPHYLA. Je ne vois pas de vin.
STROBILE. On vous en apportera, quand le maître sera de retour.
STAPHYLA. Nous n'avons pas de bois.
CONGRION. Mais vous avez des boiseries.
STAPHYLA. Oui, certainement.
CONGRION. Vous avez donc du bois ? Il n'y a pas besoin d'en emprunter.
STAPHYLA. Oui-dà, coquin, dont Vulcain, ton patron, ne peut purifier l'âme, prétends-tu pour ce souper ou pour le prix de tes soins qu'on brûle la maison ?
CONGRION. Point du tout.
STROBILE, à Staphyla. Fais-les entrer.
STAPHYLA. Suivez-moi. (Ils entrent chez Euclion.)

 

Scène 5 (= scène 8 chez Plaute). EUCLION, CONGRION.


EUCLION, seul. J'ai voulu faire un effort, et me régaler pour la noce de ma fille. Je vais au marché ; je demande. Combien le poisson ? Trop cher. L'agneau ? Trop cher. Le bœuf ? Trop cher. Tout est hors de prix. La colère me prend, et je m'en vais, n'ayant pas le moyen d'acheter. Ils ont été ainsi bien attrapés, tous ces coquins-là. J’ai fait entendre raison à la sensualité, et nous ferons la noce le plus économiquement possible. J'ai acheté ce peu d'encens et ces couronnes de fleurs ; nous les offrirons au dieu Lare, dans notre foyer, pour qu'il rende le mariage fortuné. Mais que vois-je ? Ma porte est ouverte ! Quel vacarme dans la maison ! Malheureux ! Est-ce qu'on me vole ?
CONGRION, de l'intérieur de la maison. Va demander tout de suite, chez le voisin, une plus grande marmite. Celle-ci est trop petite pour ce que je veux faire.
EUCLION. Hélas ! On m'assassine. On me ravit mon or, on cherche la marmite. Je suis mort, si je ne cours en toute hâte. Apollon, je t'en conjure, viens à mon secours. Perce de tes traits ces voleurs de trésors : tu m'as déjà défendu en semblable péril. Courons, avant qu'on m'ait égorgé. (Il entre chez lui.)

 

INTERMEDE II

 

Acte III

 

Scène 1. CONGRION, sortant de chez Euclion. Que je fuie ! Laissez-moi tous les passages libres. Non, jamais, je ne vins faire la cuisine chez des enragés comme cet enragé-là. Mes aides et moi nous sommes tout moulus de coups de bâton. Mon corps n'est que douleur. Je suis mort. Maudit vieillard, qui fait ainsi de moi son gymnase ! Jamais on ne fournit le bois plus libéralement. Aussi ne nous a-t-il chassés de la maison, qu'en nous en chargeant tous de la belle manière. Ah ! Ciel, je suis perdu ! Malheureux ! Il ouvre, le voilà, il nous poursuit. Je sais ce que j'ai à faire ; il me l'a enseigné lui-même.

 

Scène 2. EUCLION, CONGRION.


EUCLION. Viens ici. Où t'enfuis-tu ? Arrêtez, arrêtez !
CONGRION. Qu'est-ce que tu as à crier, butor ?
EUCLION. Je vais te dénoncer aux triumvirs.
CONGRION. Pourquoi ?
EUCLION. Parce que tu es armé d'un couteau.
CONGRION. C'est l'arme d'un cuisinier.
EUCLION. Pourquoi m'en as-tu menacé ?
CONGRION. Je n'ai eu qu'un tort ; c'est de ne t'avoir pas crevé le ventre.
EUCLION. Il n'y a pas de plus grand scélérat que toi sur la terre, personne à qui je fisse du mal de plus grand coeur et avec plus de joie.
CONGRION. Par Pollux ! Tu n'as pas besoin de le dire ; tes actions le prouvent. J'ai mon pauvre corps plus rompu par tes coups, que n'est un baladin mignon. Mais de quel droit nous frappes-tu, vilain mendiant ? Qu’est-ce que tu as ?
EUCLION. Interroge-moi. Apparemment je ne t'en ai pas donné assez. Laisse un peu. (Il fait mine de le frapper.)
CONGRION. Par Hercule ! Ce sera malheur à toi, ou cette tête aura perdu le sentiment.
EUCLION. Je ne sais pas pour l'avenir ; quant à présent, elle ne l'a pas perdu. Mais qu'est-ce que tu avais à faire chez moi, en mois absence, sans mon ordre ? Je veux le savoir.
CONGRION. Cesse donc de parler. Nous sommes venus à cause de la noce faire la cuisine.
EUCLION. Eh ! Par la mort ! Que t'importe qu'on mange cuit ou cru chez moi ? Es-tu mon tuteur ?
CONGRION. Veux-tu nous laisser faire le souper ici ? Oui ou non ? Dis-le.
EUCLION. Veux-tu me dire si ma maison sera en sûreté ? Dis-le.
CONGRION. Que je sois aussi sûr de ne rien perdre de ce que j'ai apporté, je serai content. Est-ce que je veux te prendre quelque chose ?
EUCLION, ironiquement. Oui, on vous connaît.

CONGRION. Quelle raison as-tu de nous empêcher de faire ici le souper ? Qu'avons-nous fait, qu'avons-nous dit pour te fâcher ?
EUCLION. Tu le demandes, scélérat, quand vous vous introduisez dans tous les coins les plus secrets de ma maison ! Si tu avais été occupé de ton ouvrage auprès du foyer, tu n'aurais pas la tête fêlée. Tu n'as que ce que tu mérites. Tiens-toi pour averti que, si tu approches de cette porte sans ma permission, tu deviendras, de mon fait, le plus malheureux des mortels. Tu m'as bien entendu ? Où t'en vas-tu ? Reviens. (Il rentre chez lui.)
CONGRION, seul. Par ma protectrice, Laverne si tu ne me rends mes ustensiles, je ferai scandale à ta porte. Que faire à présent ? O dieux ! que je suis venu ici sous de mauvais auspices ! On me paie un didrachme ; j'en dépenserai davantage pour le médecin.

 

Scène 3. EUCLION, CONGRION.


EUCLION, tenant sa marmite. Désormais, partout où j'irai, cela ne me quittera plus ; je le porterai toujours avec moi. Je ne veux plus l'exposer à de si grands périls. (A Congrion et aux autres) Entrez maintenant tous, si vous voulez, cuisiniers, joueuses de flûte. Amène, si bon te semble, une troupe d'esclaves. Faites, remuez, cuisinez, tant qu'il vous plaira.
CONGRION. Il est temps, à présent que j'ai la tête pleine de trous par les coups de bâton !
EUCLION. Allons, rentre. On te paie pour travailler, et non pas pour discourir.
CONGRION. Toi, vieillard, tu me paieras pour m'avoir battu. On m'a loué pour faire la cuisine, et non pour qu'on me batte.
EUCLION. Porte ta plainte aux juges, et cesse de m'ennuyer. Allons, qu'on apprête le souper ; ou va-t'en te faire pendre !
CONGRION. Vas-y toi-même. (Les cuisiniers sortent.)

 

Scène 4. EUCLION, seul. Il est parti. Dieux immortels ! Quelle témérité a un pauvre, de se mettre en relation d'amitié ou d'intérêt avec un riche ! Voyez comme Mégadore emploie tous les moyens pour me surprendre, malheureux que je suis ! Sous prétexte de m'envoyer obligeamment des cuisiniers, il m'envoie des voleurs pour me ravir ce cher trésor. Et le coq de la vieille, leur digne complice, n'a-t-il pas failli me perdre ? Il s'est mis à gratter autour de l'endroit où la marmite était cachée, et de ci, et de là. Soudain la colère me transporte ; je saisis un bâton, et je tue le voleur pris en flagrant délit. Par Pollux ! Je crois que les cuisiniers lui avaient graissé la patte pour me trahir.

 

INTERMEDE III

 

Acte IV

 

Scène 1. STROBILE, seul.


Ma conduite est celle d'un esclave bien avisé. Point de paresse, point de mauvaise volonté pour obéir à son maître : l'esclave qui veut qu'on soit content de son service, doit être empressé pour sort maître, négligent pour lui-même. A-t-il envie de dormir ; que le sommeil ne lui fasse pas oublier ce qu'il est. Mon maître aime la fille du pauvre Euclion. Il vient d'apprendre qu'on la marie à Mégadore, et il m'envoie ici en observation pour que je l'instruise de ce qui se passe. Je vais m'asseoir sur cet autel, on ne se doutera pas que j'y suis, et je pourrai voir de tous côtés ce qu'on fera.

 

Scène 2. EUCLION, STROBILE.
EUCLION, sortant du temple. Ah ! Çà, garde-toi de révéler à personne le dépôt que j'ai fait de mon or dans ton temple, ô Bonne-Foi ! Je ne crains pas qu'on le trouve ; il est trop bien caché. Par Pollux ! Il emporterait une belle proie, celui qui trouverait cette marmite remplie d'or. Ah ! Je t'en conjure ! Ne le permets pas, ô Bonne-Foi ! Maintenant, je vais me baigner pour le sacrifice. Il ne faut pas nous faire attendre. Lorsque mon gendre enverra chercher ma fille, elle devra être prête à partir. Prends-y bien garde, ô Bonne-Foi ! je ne saurais trop te le recommander ; que je puisse te reprendre ma marmite sans encombre. Je confie mon or à ta garde ; il est placé dans ton bois sacré, dans ton temple. (Il sort.)
STROBILE, seul. Dieux immortels ! Qu’est-ce que j'entends ? Il vient de cacher une marmite remplie d'or clans ce temple. O Bonne-Foi ! ne sois pas fidèle, je t'en prie, plutôt à lui qu'à moi. Cet homme est, je pense, le père de l'amante de mon maître. Entrons dans le temple, cherchons de tous côtés, tâchons de dénicher son or, tandis qu'il est occupé ailleurs. O Bonne-Foi ! si je le découvre, je t'offrirai une cruche de vin d'un conge entier : oui, je n'y manquerai pas ; mais je boirai ensuite l'offrande. (Il entre dans le temple.)

 

Scène 3 (=scène 4 chez Plaute). EUCLION, STROBILE.


EUCLION. Hors d'ici, animal rampant, qui viens de sortir de dessous terre. On ne te voyait pas tout-à-l'heure ; tu te montres, et l'on t'écrase. Par Pollux ! Je vais t'arranger de la bonne manière, subtil coquin.
STROBILE. Quel démon te tourmente ? Qu’avons-nous à démêler ensemble, vieillard ? Pourquoi me pousser à me jeter par terre ? pourquoi me tirer de la sorte ? Pourquoi me frapper ?
EUCLION. Grenier à coups de fouet ! Tu le demandes ? Voleur ; que dis-je ? triple voleur.
STROBILE. Que t'ai-je pris ?
EUCLION. Rends-le-moi, et vite.
STROBILE. Que veux-tu que je te rende ?
EUCLION, ironiquement. Tu ne le sais pas ?
STROBILE. Je n'ai rien pris qui t'appartienne.
EUCLION. Mais ce qui t'appartient maintenant par le vol, rends-le. Eh bien ?
STROBILE. Eh bien ?
EUCLION. Ton vol ne te réussira pas.
STROBILE. Qu'est-ce que tu as donc ?
EUCLION. Remets-le-moi.
STROBILE. Ah ! Vraiment, vieillard, tu es accoutumé à ce qu'on te le remette.
EUCLION. Remets-moi cela, te dis-je. Pas de plaisanterie. Je ne badine pas, moi.
STROBILE. Qu'exiges-tu que je te remette ? Nomme la chose par son nom. Je jure que je n'ai rien pris, rien touché.
EUCLION. Voyons tes mains.
STROBILE, montrant une main. Tiens.
EUCLION. Montre donc.
STROBILE. Les voici.
EUCLION. Je vois. Maintenant, la troisième.
STROBILE. Ce vieillard est fou. Les fantômes et les vapeurs de l'enfer lui troublent le cerveau. Tu ne diras pas que tu ne me fais pas injure ?
EUCLION. Oui, très grande ; car tu devrais déjà être fustigé. Et cela t'arrivera certainement, si tu n'avoues.
STROBILE. Que dois-je avouer ?
EUCLION. Qu'est-ce que tu m'as dérobé ?
STROBILE. Que le ciel me foudroie, si je t'ai pris quelque chose !
EUCLION, sur le même ton avec affectation. Et si je n'ai pas voulu prendre. Allons ! secoue ton manteau.
STROBILE. Tant que tu voudras.
EUCLION. Ne l'aurais-tu pas sous ta tunique ?
STROBILE. Tâte partout.
EUCLION. Ah ! Le scélérat ; comme il fait le bon, pour qu'on ne le soupçonne pas. Nous connaissons vos finesses. Or cà, montre-moi encore une fois ta main droite.
STROBILE. Regarde.
EUCLION. Et la gauche.
STROBILE. Les voici toutes deux.
EUCLION. Je ne veux pas chercher davantage. Rends-le-moi.
STROBILE. Mais quoi ?
EUCLION. Tous ces détours sont inutiles. Tu l'as certainement.
STROBILE. Je l'ai ? Moi ! Qu'est-ce que j'ai ?
EUCLION. Je ne le dirai pas. Tu voudrais me le faire dire. Quoi que ce soit, rends-moi mon bien.
STROBILE. Tu extravagues. N'as-tu pas fouillé à ton aise, sans rien trouver sur moi qui t'appartienne ?
EUCLION. Demeure, demeure. Quel autre était ici avec toi ? Je suis perdu ! Grands dieux ! Il y a là dedans quelqu'un qui fait des siennes. (A part) Si je lâche celui-ci, il s'en ira. Après tout, je l'ai fouillé ; il n'a rien. Va-t'en, si tu veux. Et que Jupiter et tous les dieux t'exterminent !
STROBILE. Beau remerciement.
EUCLION. Je vais rentrer, et j'étranglerai ton complice. Fuis de ma présence. T'en iras-tu ?
STROBILE. Je pars.
EUCLION. Que je ne te revoie plus ; prends-y garde. (Il entre dans le temple.)

 

STROBILE, seul. A merveille ! à merveille ! Les dieux me protègent et veulent mon bonheur. Je cours en avant. Je grimpe sur un arbre, et j'observe en quel endroit le vieillard cache son or. Mon maître m'avait dit de l'attendre ici. Mais le parti en est pris ; je ferai fortune au péril de mes épaules. (Il sort.)

 

Scène 4 (= scène 7 chez Plaute). LYCONIDE, EUNOMIE, PHÉDRA.


LYCONIDE. Je t'ai tout dit, ma mère ; tu connais aussi bien que moi ce qui concerne la fille d'Euclion. Maintenant, je t'en conjure, parle pour nous à mon oncle. Je t'en ai priée, je t'en supplie, ma mère.
EUNOMIE. Tu sais que tes désirs sont les miens... J'espère que mon frère ne me refusera pas. La demande est juste d'ailleurs, s'il est vrai, comme tu dis, que tu aies fait violence à cette fille dans un moment d'ivresse.
LYCONIDE. Voudrais-je t'en imposer, à toi, ma mère ?
PHÉDRA, derrière le théâtre. Ah ! je meurs, ma nourrice. A moi ! quelle douleur d'entrailles ! Junon Lucine, secours-moi.
LYCONIDE. Tiens, ma mère, les faits te convaincront mieux. Tu entends ses cris ; l'enfant va naître.
EUNOMIE. Mon fils, entre avec moi chez mon frère. Il faut que j'obtienne de lui ce que tu me demandes. (Elle sort.)
LYCONIDE. Va ; je te suis, ma mère. Où est donc Strobile ? il avait ordre de m'attendre ici. Cela m'étonne. Mais, en y réfléchissant, s'il est occupé pour moi, j'aurais tort de me fâcher. Entrons aux comices, où mon sort se décide.

 

Scène 5 (=scène 8 chez Plaute). STROBILE, seul.


Tous les gryphons, possesseurs des montagnes d'or, ne m'égalent pas en richesses. Et pour les rois du commun, je n'en parle pas : pauvres mendiants ! Je suis le roi Philippe. 0 l'heureux jour ! J'étais parti d'ici à propos pour devancer notre homme, et j'ai eu tout le temps de me poster sur un arbre. Ainsi perché, je remarquais la place où il enfouissait son or. Il s'en va, et je me glisse à bas de mon arbre, je déterre la marmite toute pleine d'or, je me retire, et je vois le vieillard rentrer chez lui sans qu'il me voie ; car j'avais soin de me tenir en dehors de la route. Oh ! oh ! le voici lui-même. Courons mettre ceci en sûreté à la maison. (Il sort.)

 

Scène 6 (=scène 9 chez Plaute). EUCLION, seul.


Je suis mort ! je suis égorgé ! je suis assassiné ! Où courir ? où ne pas courir ? Arrêtez ! arrêtez ! Qui ? lequel ? je ne sais ; je ne vois plus, je marche dans les ténèbres. Où vais-je ? où suis-je ? Qui suis-je ? je ne sais ; je n'ai plus ma tête. Ah ! je vous prie, je vous conjure, secourez-moi. Montrez-moi celui qui me l'a ravie... vous autres cachés sous vos robes blanchies, et assis comme des honnêtes gens... Parle, toi, je veux t'en croire ; ta figure annonce un homme de bien... Qu'est-ce ? pourquoi riez-vous ? On vous connaît tous. Certainement, il y a ici plus d'un voleur... Eh bien ! dis ; aucun d'eux ne l’a prise ? .... Tu me donnes le coup de la mort. Dis-moi donc, qui est-ce qui l'a ? Tu l'ignores ! Ah ! malheureux, malheureux ! C'est fait de moi ; plus de ressource, je suis dépouillé de tout ! Jour déplorable, jour funeste, qui m'apporte la misère et la faim ! Il n'y a pas de mortel sur la terre qui ait éprouvé un pareil désastre. Et qu'ai-je à faire de la vie, à présent que j'ai perdu un si beau trésor, que je gardais avec tant de soin ? Pour lui je me dérobais le nécessaire, je me refusais toute satisfaction, tout plaisir. Et il fait la joie d'un autre qui me ruine et qui me tue ! Non, je n'y survivrai pas.

 

Scène 7 (=scène 10 chez Plaute). LYCONIDE, sortant de chez Mégadore ; EUCLION.


LYCONIDE. Qui est-ce qui gémit et se lamente devant notre maison ? C'est, je crois, Euclion lui-même. Je suis perdu ! Il sait tout. Il a appris l'accouchement de sa fille. Quel embarras ! Que faire ? Me retirer, ou demeurer ? Lui parler ou m'enfuir ? Vraiment, je ne sais que résoudre.
EUCLION. Qui entends-je parler ici ?
LYCONIDE. Un malheureux.
EUCLION. Ah ! C'est moi qui le suis ; c'est moi qui suis misérable et désespéré, après un accident si funeste. 0 douleur !
LYCONIDE. Console-toi.
EUCLION. Eh ! Le puis-je ? Dis-moi.
LYCONIDE. C'est moi qui suis coupable, et qui cause ton chagrin, je te le confesse.
EUCLION. Qu'entends-je ?
LYCONIDE. La vérité.
EUCLION. Jeune homme, quel mal t'ai-je fait, pour en agir ainsi envers moi, et me perdre avec mes enfants ?
LYCONIDE. Un dieu m'a séduit, et m'a entraîné vers elle.
EUCLION. Comment ?
LYCONIDE. J'ai de grands torts : ma faute est grave, je le sais ; et je viens te demander ton indulgence et mon pardon.
EUCLION. Pourquoi as-tu osé toucher à ce qui ne t'appartenait pas ?
LYCONIDE. Que veux-tu ? Le mal est fait. Le passé n'est pas en notre puissance. Les dieux sans doute l'ont voulu ; car sans leur volonté, cela ne serait pas arrivé.
EUCLION. Mais les dieux veulent aussi, je pense, que je te fasse mourir chez moi à la chaîne.
LYCONIDE. Qu'est-ce que tu dis là ?
EUCLION. N'était-elle pas à moi ? De quel droit y as-tu touché sans ma permission ?
LYCONIDE. Accuses-en l'ivresse et l'amour.
EUCLION. Effronté scélérat !

LYCONIDE. Je te prie de me pardonner mon égarement.
EUCLION. Je ne me paie pas de ces excuses qu'on prodigue quand on a fait le mal. Tu savais qu'elle ne t'appartenait pas ; tu ne devais pas y toucher.
LYCONIDE. Puisque j'ai eu ce tort, je veux le réparer ; elle doit être à moi.
EUCLION. A toi ? Mon sang ? Malgré moi ?
LYCONIDE. Non ; je veux obtenir ton consentement ; mais tu ne peux me le refuser. Toi-même, Euclion, tu seras forcé d'en convenir.
EUCLION. Si tu ne me rends ...
LYCONIDE. Et quoi ?
EUCLION. Mon bien que tu m'as ravi ... Je vais, par Hercule ! Te traîner devant le préteur et t'intenter un procès.
LYCONIDE. Moi ? Je t'ai pris ton bien ? Comment ? De quoi parles-tu ?
EUCLION, ironiquement. Oui, que Jupiter te soit en aide, comme il est vrai que tu l'ignores !
LYCONIDE. A moins que tu ne m'apprennes ce que tu réclames.
EUCLION. Ma marmite pleine d'or, voilà ce que je réclame de toi, ce que tu m'as dérobé, comme tu l'avoues toi-même.
LYCONIDE. Par Pollux ! Je n'ai rien dit, ni fait de semblable.
EUCLION. Tu le nies ?
LYCONIDE. Assurément, je le nie très fort ; et je ne sais ce que c'est que cet or et cette marmite.
EUCLION. Celle que tu as enlevée du bois sacré de Silvain ; rends-la. Allons, donne. Nous partagerons ensemble par moitié. Quoique tu m'aies volé, je ne t'inquiéterai pas. Allons, rends-la-moi.
LYCONIDE. Est-ce que tu as perdu l'esprit, de me traiter de voleur ? Il s'agit d'une autre chose qui me regarde, Euclion, et dont je croyais que tu étais instruit. C'est une affaire importante, et je voudrais t'en entretenir tranquillement, si tu as le loisir de m'entendre.
EUCLION. Dis-moi ; en vérité, tu ne m'as pas pris mon or ?
LYCONIDE. En vérité.
EUCLION. Et tu ne sais pas qui est-ce qui l'a pris ?
LYCONIDE. Non, sur ma foi.
EUCLION. Il suffit. Maintenant, dis-moi tout ce que tu voudras.
LYCONIDE. Si tu ne connais ni mon nom, ni ma famille, sache que Mégadore est mon oncle, qu'Antimaque fut mon père, que ma mère est Eunomie, et que je m'appelle Lyconide.
EUCLION. Je connais ta famille. Maintenant, de quoi s'agit-il ? Explique-toi.
LYC0NIDE. Tu as une fille.
EUCLION. Oui ; elle est à la maison.
LYCONIDE. Tu l'as, je crois, promise en mariage à mon oncle.
EUCLION. On t'a bien instruit.
LYCONIDE. Il me charge de te dire qu'il renonce à elle,
EUCLION. Il y renonce, quand les préparatifs sont faits, quand la noce est prête ! Que tous les dieux et toutes les déesses l'exterminent ! lui qui est cause que j'ai perdu un si grand trésor. O douleur ! ô misère !
LYCONIDE. Console-toi, et tiens un meilleur langage. Maintenant, pour le plus grand bonheur de toi et de ta fille ... dis donc : Ainsi le veuillent les dieux !
EUCLION. Ainsi le veuillent les dieux !
LYCONIDE. Ainsi veuillent-ils pour moi aussi ! Écoute, à présent. Euclion, il n'y a pas d'homme assez pervers pour ne pas se repentir du mal qu'il a fait, et pour ne pas vouloir le réparer. Je t'en prie, si, dans mon égarement, j'ai outragé ta fille et toi en même temps, veuille me pardonner, et me l'accorder pour femme, comme la loi l'ordonne. Je l'avoue, je lui ai fait violence, dans les veilles de Cérès, entraîné par le vin et par la fougue de l'âge.
EUCLION. Hélas ! Hélas ! Qu’entends-je ?
LYCONIDE. Pourquoi ces gémissements, quand tu as le bonheur d'être grand-père aux noces mêmes de ta fille ? Car elle vient d'accoucher à son terme naturel ; compte plutôt. Mon oncle renonce à elle en ma faveur. Entre, tu verras si je dis vrai.
EUCLION. Je suis perdu, anéanti ! Tous les malheurs fondent sur moi l'un après l'autre. Entrons, et voyons s'il dit la vérité. (Il sort.)
LYCONIDE. Je, te suis à l'instant.

 

Intermède IV

 

Acte V

 

STROBILE, LYCONIDE.


STROBILE. Dieux immortels, quel est l'excès de vos bontés et de ma joie ! J'ai dans la marmite quatre livres d'or pesant. Y'a-t-il dans Athènes un mortel plus riche que moi ? Plus favorisé des dieux ?
LYCONIDE. Je ne me trompe pas, j'ai entendu quelqu'un parler.
STROBILE. Eh ! ! N’aperçois-je pas mon maître ?
LYCONIDE. Ne vois-je pas Strobile, mon esclave ?
STROBILE. C'est lui-même.
LYCONIDE. C'est bien lui.
STROBILE. J'ai trouvé ....
LYCONIDE, avec empressement. Qu'as-tu trouvé?
STROBILE. Je viens de trouver un trésor immense.
LYCONIDE. Où ?
STROBILE. Une marmite pleine d'or, quatre livres pesant.
LYCONIDE. Qu'entends-je?
STROBILE. Je l'ai dérobée au vieil Euclion, notre voisin.
LYCONIDE. Où est cet or?
STROBILE. Dans un coffre à moi. Je désire maintenant que tu m'affranchisses.
LYCONIDE. Moi, t'affranchir, ramas de tous les crimes?
STROBILE. Fort bien, mon maître. Je devine ta pensée. Par ma foi, c'était une plaisanterie ; j'ai voulu t'éprouver. Tu t'apprêtais à me l'arracher. Ah! si je l'avais trouvée en effet, où en serais-je ?
LYCONIDE. Je ne me paie, pas de tes sornettes. Allons, rends cet or.
STROBILE. Que je le rende?
LYCONIDE. Oui, te dis-je, rends-le, pour que je le remette à Euclion.
STROBILE. Et quel or ?
LYCONIDE. Celui qui est dans un coffre à toi. Ne l'as-tu pas déclaré ?
STROBILE. C'est mon habitude, vraiment, de jaser à tort et à travers. Ma parole!
LYCONIDE. Sais-tu bien ce qui t'attend ?
STROBILE. Par Hercule! Tue-moi, si tu veux. Tu n'obtiendras rien. ...

 

ATELLANE = comédie rustique improvisée, jouée par des caractères masqués.

 

Fin de la représentation : Les acteurs rient, dansent / sortie finale bruyante et extrêmement joyeuse !