La fable de Florian se présente clairement sous la forme d'une rencontre entre deux femmes : l'une est l'allégorie de la fable et l'autre représente la Vérité .
L’allégorie est double ici : elle se présente sous la forme d’une double personnification de la fable et de la vérité, c’est-à-dire d’un genre et d’une valeur en apparence opposés. Toutes deux sont représentées, en effet, avec l'apparence de deux femmes diamétralement opposées par l’âge et la tenue.  Le récit débute par la présentation de la vérité qui est d'emblée qualifiée par sa nudité. Les deux premiers vers réactivent un proverbe ancien . « la vérité sort du puits »,. Ce surgissement de la vérité semble tout d'abord surprendre comme on le voit avec le passé simple qui illustre la rapidité de l'action de surgir , et  l’indication de temps « un jour » . La personnification montre la faiblesse de la vérité qui a une apparence repoussante " ses attraits par le temps étaient un peu détruits" . On a l'idée ici , au vers 3, qu'elle est  encore reconnaissable mais abîmée , dégradée. Le lecteur est ému par l'état de faiblesse de cette  allégorie qui semble avoir du mal à faire face aux "outrages du temps " comme on nomme la vieillesse.  Le fabuliste rajeunit une formule courante en la prenant au pied de la lettre et en imaginant une forme humaine pour une idée abstraite.

Le dénuement de la vérité est symbolisé par la brièveté du vers impair de 7 syllabes, qui inaugure l’apologue ; l'auteur joue  également sur le double sens du qualificatif « pauvre » (au v. 5). Ici antéposé , c'est à dire placé avant le nom auquel il se rapporte, il a le sens de "à plaindre, qui attire la pitié, la compassion" . Les effets produits par l'apparition de cette vieille femme nue  corroborent cette interprétation : elle provoque la fuite de toute la population "jeune et vieux" dès qu'elle montre le bout de son nez. On peut noter un aspect comique des réactions décrites et une forme d'exagération mais cette formulation traduit bien l'idée que la vérité effraie vraiment les gens. La vieille dame est alors présentée comme une mendiante qui est "sans asile" puisqu'elle ne peut retourner se terrer dans son puits, sous terre. Elle se trouve exposée à la vue de tous et éprouve un sentiment de tristesse et de désolation qu'indique l'adjectif "morfondue" . C'est alors qu'intervient le second personnage : la fable, qui fait elle, son entrée en scène, sous les traits d'une très belle dame "richement vêtue." Le contraste est alors saisissant entre les deux représentations. Le costume rutilant de cette dernière est composé de "plumes " et de diamants " On retrouve ainsi au vers 9 , à la fois une idée de luxe car le diamant est une pierre précieuse mais également de chaleur et  de légèreté avec les plumes qui étaient des décorations très prisées à cette époque; On les utilisait pour agrémenter un vêtement ou un chapeau, par exemple mais aussi pour transformer un vêtement ordinaire en vêtement d'apparat.  Le vers suivant introduit l'idée de l'artifice et du faux semblant avec la mention du caractère "faux " des diamants. Le spectateur sera avant tout frappé par leur brillance et risque d'oublier que ce ne sont pas d'authentiques pierres précieuses. Florian met ici en opposition le dénuement de la vérité et le bel habillage de la fable tout en soulignant le mensonge de la fiction .

C'est la fable qui prend la parole la première : elle semblait être à la recherche de la Vérité et la salue poliment : "bon jour "dit-elle ; Elle ne semble pas rebutée par l'apparence de la vieille femme mais elle s'étonne de la trouver seule et lui demande la raison de cet isolement au vers 12.  La réponse ne tarde pas à venir et prend le tour d'un constat, quelque peu désabusé . En fait, Florian a construit son anecdote à partir des différences et des contrastes entre les deux femmes jusqu'à la proposition d'alliance du vers 25 , L’absence de vêtement explique la réplique  de la vérité au vers 13, « je gèle ». À l’inverse, la fable est « vêtue » : à la pauvreté de la première répondent le « richement vêtu » du vers 8, les ornements et les bijoux (v. 9), l’éclat (« brillants », v. 10), le « manteau »  protecteur du vers 25. La mention  du vers 10 (« la plupart faux ») rappelle  adroitement et de manière imagée, le caractère hybride de la fable, mixte de vérité et de mensonge. Alors que la vérité est seule et rejetée de tous (vers 4, 6, 14, 16),  on apprend que la fable est  partout « fort bien reçue » (v. 20)  La vérité prend alors la parole pour expliquer sa situation et sa mise à l'écart : ses demandes d'abri sont des échecs comme le montre l'adverbe "en vain " au vers 14 . Consciente que son apparence rebute les gens , elle impute cette situation à sa vieillesse avec une tournure proverbiale qui prend l'allure d'une vérité générale  " vieille femme n'obtient plus rien " . Cette impression est remise en cause par les paroles de la fable qui insiste  volontairement, avec une question rhétorique, sur la nudité de la vérité et lui propose de se cacher, en partie, sous son manteau au vers 25 . Toutes  deux sont alors présentées comme marchant de concert et leur union, leur sera à toutes deux, bénéfique. C'est ce que démontre Florian dans les 8 derniers vers de l'apologue.

En effet, leur alliance va leur permettre à toutes deux, de toucher tout le monde : le sage ne refusera plus la fable sous prétexte qu'elle est mensongère et fausse ; le fou, lui, ne maltraitera plus la vérité; A elles deux, elles sont complémentaires et tissent des liens entre raison et folie ; Ce qui les amène à servir chacun "selon son goût" ( v 30 )  Le récit es termine sur leur duo; elles forment une compagnie , qui va leur ouvrir toutes les portes. Cependant, on a bien l'impression que c'est la fable qui l'emporte .
La fable  est celle qui mène le jeu et le dialogue dans cet apologue :  c’est elle qui prend la parole au vers 18 et la conserve jusqu’à la fin de la fable. La vérité se tait désormais  comme si elle n'avait plus droit à prendre la parole. Bien que la fable manifeste du respect à son égard, à la différence des passants, en la qualifiant de « dame » (v. 21), elle propose ensuite une solution, un pacte intéressé (v. 24), un échange de bons procédés : la fable a besoin de la vérité pour entrer chez les sages et la vérité  a besoin de la fable pour convaincre les fous. Elle tire ainsi sa malheureuse compagne de la misère et de la solitude, et lui promet des jours meilleurs :  la fable semble posséder une certaine expérience  et rappelle qu'elle est plus âgée que la vérité; On peut peut être y lire une allusion à la préexistence des mythes par rapport aux récits explicatifs et sérieux. La fable paraît assez sûre d'elle  et sa fausse modestie "sans vanité " est aussi une marque de son orgueil. Elle affirme connaître les hommes et exprime sa certitude  de la réussite de leur entreprise  commune à l’aide du futur « vous verrez » (v. 32). Au vers 23, la fable n'hésite pas à se montrer critique envers la vérité et lui reproche, notamment , sa maladresse : "cela n'est pas adroit." Elle prétend savoir mieux y faire pour être accueillie par les hommes.
 En conclusion , Florian a  choisi astucieusement deux représentations imagées de la vérité et de l'imagination.Les hommes fuient la vérité , soit par ce qu'ils la redoutent  soit parce qu'ils ne veulent pas la voir; elle est même « maltraitée » par les « fous » . L’allégorie est claire : les hommes n’aiment pas « la vérité toute nue », illustration de l’adage « toute vérité n’est pas bonne à dire », la vérité n’est pas toujours belle à voir, sa laideur dérange, l’humanité préfère les enjolivements de la fable. Si les hommes préfèrent les fables, c’est parce qu’elles enrobent, elles habillent et masquent , en partie,  l’âpreté du vrai.  La fable  ménage l’orgueil humain. Mais sans la vérité, la fable n’est plus qu’un mensonge , un récit imaginaire – elle a donc besoin de s’allier à cette dernière pour se justifier. Florian se livre à un éloge de la fable, du pouvoir de celle-ci qui lui paraît supérieur à celui de la vérité.  Comme le rappelle d'ailleurs dame fable ,la vérité commet une erreur en se présentant « toute nue » : ce n’est pas le meilleur moyen de parvenir à ses fins. La leçon est moins pessimiste que lucide, il faut prendre l’homme tel qu’il est et non tel qu’il devrait être, pour reprendre La Bruyère. On rattachera cette morale implicite à la préface des Fables de La Fontaine.