Ce récit de Philippe Claudel paru en 2002 retrace son expérience de professeur de français en prison, auprès des détenus de la maison d'arrêt Charles III (aujourd'hui démolie), à Nancy, ville où il résidait alors. La page de garde donne une définition de la prison : logis où l'on ferme ceux qu'on veut détenir qui donne à réfléchir sur l'usage de l'emprisonnement dans notre société et sur ses conséquences. L'auteur commence par décrire ce qu'il ressent la première fois où il sort de prison après avoir donné un cours : "la jouissance d'une liberté dont j'ignorais l'étendue" écrit-il p 12. Il évoque elles odeurs de la prison : "une odeur faite de sueurs mijotées, d'haleines de centaines d'hommes, sers les uns contre les autres, qui n'avaient le droit de se doucher qu'une ou deux fois par semaine. Relents de cuisine aussi, où l'ail, le lard frit te le chou dominaient."  les bruits et les odeurs revient, parfois insupportables comme  "l'absence totale d'hygiène de certains mineurs qui portaient de jour en jour les mêmes vêtements." p 34 Tout au long du roman, il passe en revue de nombreuses définitions et s'attaque au vocabulaire carcéral; 

gardien d'hommes : un drôle de métier ? p 13

Le livre se compose de sensations et de rencontres, d'émotions et de témoignages.L'auteur  y décrit aussi bien l'état des cellules "vétuste, peinture écaillée " que l'état d'esprit de certains pensionnaires ; Le pantalon et la veste de jogging étaient le nouvel uniforme du prisonnier. p 17 ; Dans la plupart des cellules, la télé fonctionnait plus de vingt heures par jour." L'écrivain évoque le quotidien dans toute sa trivialité et s'efforce de ne pas porter de jugement sur les comportements qu'il dépeint. 

Il expose la hiérarchie des différents crimes par ordre de gravité p 27, les gestes qu'on accomplit lorsqu'on arrive en prison ,p 28 , la politesse ou au contraire le mépris de certains gardiens, l'état de délabrement de vétusté des locaux p 29; 

Il évoque aussi la violence parfois gratuite et animale de certains détenus, l'homosexualité consentie ou forcée (les plus forts violent parfois les plus faibles ) ou certains se prostituent pour obtenir des faveurs des caïds;p 36

La prison ressemblait à une usine. Une grande usine qui ne produisait rien, sinon du temps limé, broyé, réduit, des vies étouffées et des mouvements restreints." p 41

Philippe Claudel construit son récit en faisant alterner des passages descriptifs avec des passages narratifs , centrés sur un fait ou sur la situation d'un détenu.

Ce récit nous fait réfléchir et nous transmet l'expérience d'un homme qui découvre l'univers carcéral et sa dureté, ses souffrances, ses préjugés également.  "on pouvait trouver de tout en prison si on y mettait le prix : cannabis, alcool, permis de conduire." p 50. Parfois je sentais une  odeur d'herbe dans les couloirs."

Les couleurs de la prison; Les murs étaient repeints assez fréquemment mais on avait toujours l'impression qu'il étaient sales. La prison était vieille , sale, surpeuplée. p76

Le mot cellule: la plus petite unité du vivant; L'espace de l'enfermement. p 63

Le romancier tente de ne rien dissimuler de ce qu'il a pu entrevoir durant les années où il a enseigné en prison: le racisme de certains surveillants, l'inhumanité du sytème carcéral notamment face à l' accès aux soins; "La prison déjoue toutes les statistiques, les stéréotypes, les colonnes de chiffres rassurants. Elle ne fait que refléter le monde. Elle change avec lui."  p 92 

A  lire et  à méditer sans restriction