Pour expliquer ce poème et montrer comment le jeune poète tente de restituer l'horreur de cette incarcération , nous pouvons procéder de différentes manières. Les plans qui permettent de répondre à la problématique doivent être construits à partir des thèmes principaux du texte . La question pourra porter soit sur la manière dont le poème évoque cette incarcération soit sur la dimension poétique du texte ; Par exemple : de quels outils dispose le poète pour traduire la dureté de cet emprisonnement ? 

N'oubliez pas de bien vous concentrer sur la question posée et adaptez votre plan à la problématique proposée par  l'examinateur. 

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 Statue du souvenir de Neuengamme

Le poème se présente sous la forme de 10 strophes irrégulières, avec quelques rimes éparses mais surtout de très nombreuses répétitions et on note la présence d'un refrain ; il est assez proche d'un poème en prose mais le poète a conservé une séparation des strophes et des retours à la ligne qui marquent la présence de versification. Les thèmes à développer sont le sentiment d'emprisonnement avec l'étouffement, les coups, la souffrance, les cris; Cette souffrance est mise en scène avec des jeux d'ombres et de lumière, des déplacements (le wagon roule) , les notations auditives et les sensations. Toute une partie du poème est une image fantasme d'une évasion à partir d'une vasque d'eau qui se remplit et d'un train qui roule vers l'eau : le poète passe d'une situation réelle (il meurt de soif dans sa cellule mobile) à une dimension imaginaire et onirique  (une vasque se remplit d'eau , de champagne ) suivie d'un brutal retour à la réalité (les allemands ont distribué de l'eau aux prisonniers qui es sont bousculés et ont tout renversé) ; Ensuite le train passe sur un pont et le bruit de la rivière déclenche à nouveau des images fantastiques des déportés qui rêvent de sauter dans l'eau . La poésie organise ainsi des transitions entre le rêve et la réalité. 

Voilà un exemple de plan détaillé 

CAGE

Ecrit par un déporté, ce poème évoque les souffrances des prisonniers durant le voyage en train qui les conduit dans les camps .Il est composé en vers libre, proche d’une prose poétique et contient de nombreuses images de violence. Entassés dans des wagons à bestiaux, privés d’eau et de nourriture pendant plusieurs jours, les déportés ont voyagé dans d’atroces conditions et pour beaucoup d’entre eux, ce fut leur dernier voyage . Jean-Pierre Voidies tente ici de restituer , au moyen d’un matériau poétique, la réalité de la condition des prisonniers en nous montrant comment on peut  tenter d’échapper à la dureté de son sort en s’évadant par l’imagination et le rêve.

  1. Des conditions épouvantables : le rappel de la dure réalité

  1. La violence avec les coups, les chocs, les blessures physiques

Morsures, pincer, variété des coups reçus (masse, écrasement), broie : une infinité de coups reçus et donnés 21 choc, mesure

  1. L’importance des cris

Divers et variés : soif, chair, écrasé, hurlement, gémissements, (25 geint  = cri faible)  des cris des cris des cris (15), bcp répétitions ; cris= musique , comme un concert avec 11 et 90  refrain cri de soif, cri de chair qui meurt, cri d'écrasé ..qui revient s'étaient, prend une autre voix, une autre langue , tombe retombe .; on a l'impression d'entendre un soliste , ensuite un chant choral, un concert de cris et des modulations , des cri plus ou mois forts ; 

  1. Etouffement et promiscuité

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les déportés sur le quai 

Les corps sont serrés et les mouvements du train accentuent les souffrances des prisonniers : aiguillages frottent la peau, peau sur le bois, les passages en gare déclenchent des rais de lumière dans les wagons ; 35 ils m'enserrent, ils m'écrasent et je suis serré (36) je suis tout tordu (86) soulevé, bousculé (83/84 ) Des mouvements de panique provoqués par la cohue sont notés aux  mêmes vers (58 vous me piétinez, vous me mordez) : une violence animale qui se traduit par les verbes utilisés. Les prisonnier sont déshumanisé et réduits à n'être que  des morceaux de corps ( têtes qui hurlent, main qui griffe (32)  d'autres pied qui frappent (85) 

  1. L’agonie apparait de manière  nette et parfois brutale  : mourir de soif , s’affaiblir, ne plus pouvoir se relever sont les principales craintes des déportés ; on les retrouve dans le poème avec la lutte pour la survie (je veux vivre répété), les répétitions des brûlures de la soif, la montée en puissance des cris et de la souffrance (crescendo final); C'est un véritable combat auquel se livrent les prisonniers ; ils luttent de toutes leur force pour rester en vie est parfois ils peuvent tuer pour atteindre leur objectif: rester vivant. Le poème utilise ici les nombreuses répétitions comme au vers 30 je veux vivre répété 3 fois ainsi qu'au vers précédent , les 5 occurrences de je la secoue pour montrer la volonté du poète de se libérer de cette masse qui l'oppresse, ce corps sur le sien .

  2.  

  3. C'est véritablement  un voyage épouvantable dont on cherche à s’échapper par l’évasion dans l’imaginaire et la poésie montre ce passage de la terrible réalité qu'elle exprime à une dimension rêvée, fantasme qui se nourrit d'images du souvenir ou de l'espoir . 

  4. Les images du souvenir : réconfort par la pensée ( des images réconfortantes eau, fruits, argent, rafraîchissement, champagne vers 43 les petite filles, les caniches ); elles sont déclenchées par la pensée (pensons à l'eau mes amis 40 et 43)

  5. Les images du fantasme : le prisonnier voyage par la pensée dans un monde idéal qui contraste avec la dure réalité (il peut boire à volonté, a frais, ne souffre plus, imagine que le train déraille dans la rivière); ces images sont restituées au présent et au futur immédiat (je vais boire 54) 

  6. Le dur retour à la réalité : le poème organise un va et vient entre le fantasme et la réalité : les événements qui rythment le voyage sont transformés par l’imagination ; le passage sur un pont (70 le pont va craquer quelles belles éclaboussures cela va faire ) , l’arrivée à une gare, la distribution d’eau par les allemands à l’occasion d’un arrêt  ( vous avez tout renversé ) deviennent des occasions de rêver 

En conclusion, le wagon forme une terrible prison dont on ne peut s’échapper et qui présente  la mort comme horizon.

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les trains à l'arrêt 

 Dès les premiers mots Cage, cage : les déportés sont pris au piège dans leur wagon et l’espace semble se réduire de +en + au fil du texte ; ce qui accroit les sensations d’écrasement et la dimension pathétique ; De plus, le poète s'adresse à ses compagnons avec les apostrophes 43,53,61) dans des sortes de prières pour conjurer ces assauts de violence animale .Les détenus sont totalement déshumanisés et se battent pour ne pas mourir écrasés : seuls les + forts survivront comme on peut le pressentir .La structure circulaire du poème et La NUIT évoquent un cercle de souffrances infinies avec la mort qui s’approche ;  on retrouve la même idée avec les modulations du poème qui est formé de la musique des cri des détenus . Le poète montre également que la force des images permet momentanément de s'évader en pensée d'un monde terrible. Il montre ainsi le pouvoir de images : conjurer le réel momentanément . On peut donc fabriquer de la poésie à partir de n'importe quelle situation comme le montre ici Voidies qui parvient à restituer à la fois sa peur,  sa douleur , la naissance de l'épouvante et  ses lueurs d'espoir , des lueurs intermittentes (v 3)