déc.26
Je résisterai ..la résistance palestienne mise en mots par Samih -Al- Qassim
dans la catégorie Première
Le conflit israélo-palestinien déchire encore aujourd'hui le Moyen-orient et fait partie de nos tragédies contemporaines; fondé en 1948 l'Etat d'Israel qui a servi tout d'abord de refuge aux juifs persécutés du monde entier, n'a cessé de s'étendre pour abriter des millions d'habitants . Pour pouvoir accueillir les Juifs du monde entier, il a peu à peu colonisé les territoires arabes situés à proximité de ses frontières : ce qui a déclenché la colère des peuples chassés, obligés de s'exiler de la terre de leurs ancêtres; L'Etat palestinien a décidé de résister, par les armes notamment , à cette politique de colonisation et la violence ne cesse de croître dans ce qu'on nomme désormais " les territoires occupés".
Un écrivain et journaliste palestinien, Sami Al Qassim a rédigé un poème pour évoquer la résistance de son peuple . Samih al-Qâsim ou Samih al-Qâssim est né le 11 mai 1939 dans la ville de Zarka et mort le 19 août 2014 à Rameh, près d'Acre.Poète et journaliste palestinien, druze d'Israël, né en Transjordanie, son œuvre, en arabe, comporte plus d'une trentaine d'ouvrages: des recueils de poèmes, des récits et des essais. Ecrivain engagé ,Samih Al- Qasim a souvent subi les affres de la censure, du harcèlement, de la résidence surveillée et de l’incarcération pour avoir dénoncé ouvertement la violence de la politique israélienne en Cisjordanie et à Gaza ainsi que pour avoir refusé de servir dans l’armée israélienne. Samih Al-Qassim est donc un résistant. Dans tous les sens du terme, un homme qui ne plie pas, qui ne cède pas, qui contrarie, qui combat. Nous allons étudier l'un de ses poèmes qui s'intitule " je resisterai" , en répondant a la question : En quoi l'auteur illustre t-il la resistance dans ce poème?
Formé de trois strophes de 9 vers irréguliers et rythmé par le vers isolé en guise de refrain : je résisterai, cette composition poétique fait état de la farouche détermination du poète . Comment le poème illustre-t-il le combat qui est mené ? Dans un premier temps, nous étudierons la vision de l'occupation et la cruauté des ennemis et nous évoquerons ensuite le caractère absolu de la résistance
Notons tout d'abord que l'occupant est partout dans le poème et pousse le poète dans ses derniers retranchements; La première conséquence de la guerre est peut être l'appauvrissement qui se traduit par la vente des derniers biens du poète : "je vendrai peut être mes habits et mon matelas" au vers 2. Le dénuement est d'ailleurs marqué au vers 5 par les adjectifs "nus et affamés " . La souffrance de la population se traduit donc sur un plan matériel avant d'atteindre dans la dernière strophe , une dimension spirituelle. En, effet, il est possible de remarquer une gradation dans les images utilisées pour traduire les souffrances de la population. Aux privations matérielles succède , dans la seconde strophe, la menace de l'emprisonnement avec l'expression "jetteras peut être ma jeunesse en prison " . Cette image traduit concrètement ce que risquent les opposants et les combattants ; L'auteur lui-même n'a pas échappé à certaines menaces d'emprisonnement et de résidence surveillée à cause de ses engagements politiques. L'image de la prison est amplifiée dans la troisième strophe avec l'hyperbole "tu élèveras peut être autour de moi des murs et des murs " au vers 25. On retrouve ici une vision du ghetto avec ces zones fermées par des frontières contrôlées par l'armée d'occupation ;Le contrôle du territoire est ici un moyen d'imposer sa domination territoriale qui se double d'une forme du domination culturelle . Les habitants des territoires occupés sont donc enfermés , privés de nourriture et de biens essentiels ; la première strophe montre à quel point leur situation est difficile et leur survie menacée; Ainsi, ils sont réduits à fouailler la terre comme des animaux pour se nourrir : " Je chercherai peut- être dans le crottin des grains " . Les grains symbolisent ici une forme de nourriture rudimentaire basique et le crottin désigne les excréments ; L'occupation prive ainsi les habitants de leur dignité et les amène à se comporter comme des bêtes qui retournent la terre à la recherche de nourriture . On mesure ainsi l'humiliation que fait subir l'occupant et la dureté du régime d'occupation. On peut penser également aux situations de blocus et à l'isolement des habitants des territoires occupés qui ne peuvent se déplacer librement.
L'occupant est présenté à travers ce poème comme un véritable tortionnaire : la périphrase ennemi du soleil répétée dans les trois strophes, assimile l'occupant à un semeur d'ombre, celui par qui arrive la nuit ou celui qui empêche de voir le jour. Cette hypothèse se confirme au vers 21 avec l'idée que les bourreaux vont "éteindre peut être tout lumière " Et cette privation de lumière qui fait suite aux privations de nourriture et aux privations de liberté peut correspondre au stade ultime de la souffrance, son point culminant en quelque sorte . En effet, les images de la dernière strophe sont marquantes et reprennent des idées déjà mentionnées dans les deux premières strophes mais avec une forme d'amplification collective; La souffrance individuelle devient ici la souffrance d'un peuple tout entier. Les trois âges de la vie sont représentés : la jeunesse jetée en prison fait place ici à l'enfant privé de la tendresse de sa mère au vers 22 qui désigne les orphelins de guerre; le poète fait état également de la politique de communication israéleienne qui présente aux occidentaux les palestiniens comme des terroristes qui s'en prennent à d'innocents civils alors que la situation est beaucoup plus complexe sur place ; Le poète dénonce ainsi une entreprise de falsification historique emmené par son propre gouvernement qui présente les événements de manière partiale.
Au delà du risque d'enfermement et de séparation, la résistance se traduit par d'autres risques comme celui de perdre des êtres chers ou d'être coupé de ses racines. Les pertes subies sont énumérées dans la seconde strophe : tu me dépouilleras peut- être du dernier pouce de ma terre. La terre est ici l'image des liens entre les habitants et leur sol natal et le poète reprend l'idée d'un rétrécissement du territoire palestinien au fur et à mesure de l'extension de l'état hébreu. Non seulement les Palestiniens sont contraints à l'exode ce qui peut provoquer l'occupation de leurs maisons comme à Jaffa qui est devenue une colonie israélienne; Les maisons vides de leurs habitants ont été attribuées aux nouveaux arrivants : la spoliation s'ajoute ici à la tristesse d'avoir du partir . Le vers 14 fait allusion à des autodafés qui rappellent aux occidentaux d'autres périodes d'occupation où on brûlait les livres; La disparition d'un peuple, en effet s'accompagne souvent de la tentative de destruction de sa culture et de sa mémoire. Enfin, la strophe centrale se termine par une image de terreur : "l'épouvantail de la terreur " qui nous suggère que la plupart des habitants s'enfuient par peur de mourir . Et pour terminer , le poète mentionne qu'il se battra jusqu'à la dernière pulsation de ses veines "; on retrouve l'idée selon laquelle il est prêt à mourir pour sa cause . Grâce à des mot simples et à des répétitions, le poème diffuse une sorte d'hymne à la résistance; Le poète se présente , à travers le Je , comme la victime sacrificielle d'occupants sans coeur , prêts aux pires horreurs comme "jeter son corps aux chemins " . Le registre pathétique est ainsi déployé tout au long des trois strophes , à travers des notations précises mais qui ne font jamais directement référence à un contexte historique déterminé. Ce qui permet au texte d'atteindre à l'universalité et de dépasser la simple évocation d'un conflit en particulier . Cette prétention à l'universalité lui donne une force peu commune qui traduit, de tous temps et à toutes les époques , les souffrances des opprimés .
Ce poème peut , sous cet angle, être considéré comme un hommage à la Résistance envers et contre tout. Ainsi, "je résisterai" peut être lu comme un blâme d'un aspect de la politique israélienne , dans une volonté de dénonciation de ses excès. Le poète exprime ainsi son engagement au sein du conflit Israélo-palestinien . Il prend fait et cause pour les habitants de territoires occupés. Mais le poème "je résisterai" peut également se lire comme un hymne à la vie et à la résistance d'un peuple Ce poète manifeste ainsi son engagement : avec des mots le poète fait oeuvre de résistant. Grâce à la poésie, la résistance se fait absolue et englobe le monde. L'auteur démontre ainsi que le pouvoir de la poésie transforme cette détermination en texte universel que chacun peut s'approprier.