déc.16
Antigone 82 : quelques pistes à explorer pour évoquer la pièce de Jean-Paul Wenzel
dans la catégorie Première
Christophe Cardoni, journaliste, est revenu nous aider à évoquer quelques pistes d'interprétation pour travailler à la rédaction des articles de presse qui feront écho à la représentation d'Antigone 82 de Jean-Paul Wenzel à l' Orange Bleue, théâtre d'Eaubonne . Tout d'abord , le scénographe et metteur en scène a choisi de ne pas reprendre le titre du roman de Sorj Chalandon :Le quatrième Mur; Une partie de son geste artistique consiste, en effet, à abolir ce mur imaginaire, cette frontière théorisée par Diderot , entre le public et l'espace scénique. Cette abolition tente de faire du théâtre un véritable lieu de rassemblement qui permet de se retrouver ensemble et d'échanger librement.
Tout d'abord la disposition trifrontale peut marquer l'absence de frontière justement comme pour suggérer que les échanges se font librement, Dans le roman comme dans la pièce , le héros passe d'un espace à un autre avec beaucoup de difficultés et l'un des enjeux de la scénographie consisterait à abolir symboliquement ces barrières , ces séparations ; C'est pourquoi les musiciens jouent à vue, les acteurs se changent à vue également et la caméra restitue une direct les images tournées derrière le rideau de cinéma qui matérialise le fond de scène; Le geste artistique du metteur en scène consiste à faire du théâtre ce lieu de rassemblement qui force les personnages à sortir de leur enfermement; une tentative de rétablir la communication entre les différents protagonistes de la pièce.
Le rideau de scène a retenu notre attention: d'abord les élèves ont remarqué qu'il portait les stigmates de la guerre ;Il est brûlé à certains endroits et semble déchiré ; Ensuite il peut évoquer le lieu de répétition du roman: cet ancien cinéma abandonné au coeur de Beyrouth. Un lieu de passage et de transmission au coeur d'un espace en guerre et que la guerre justement va finir par détruire.
La musique peut également être considérée comme un lien entre les cultures ; d'abord la culture orientale : le oud étant un instrument traditionnel de la musique folklorique arabe et la guitare électrique qui représente l'occident et les années 80; les deux mini- scènes musicales sont installées de part et d'autre de la scène et les musiciens font également partie des acteurs ; Ils interprètent chacun différents personnages et ne sont pas simplement des musiciens.
Tous les acteurs endossent plusieurs rôles et parlent plusieurs langues; Il est intéressant de voir notamment combien de personnages peut interpréter un même acteur ; il devient tour à tour figurant et personnage principal dans d'autres scènes;
Le mélange des genres est également bien respecté : certains passages comiques, comme dans le roman d'ailleurs, atténuent la portée dramatique de la pièce; On peut citer les barbes postiches des chiites lors des représentations, les concessions faites par Georges aux impératifs religieux pour pouvoir maintenir la représentation de la pièce; Le geste de théâtre montre la dimension confessionnelle du conflit en la rendant ostensible comme le tatouage de la croix sur le bras de Joseph-Boutres, sniper phalangiste, qui fait écho à la kippa de Samuel et au keffieh porté par Imane et son frère , symbole des combattants palestiniens.
Avec une certaine économie de moyens, Jean-Paul Wenzel a réussi à faire naître l'émotion du public: la distribution est réussie et lui-même, qui a du s'improviser acteur, fait un Marwan convaincant, vibrant d'humanité lors la scène très touchante de l'accolade avec Georges.
Au final, on peut se demander si le théâtre atténue la représentation des réalités de la guerre ou les amplifie par rapport au roman ?