Comme la plupart des fables, le récit va évoquer une rencontre : le premier portrait est celui du philosophe "austère " . Ce personnage va servir d'illustration à la conception stoïcienne de l'existence . Il est originaire de Scythie et pour les contemporains de La Fontaine , la Scythie est synonyme de nation barbare et inculte. L'objectif du philosophe apparaît au vers 2 : il entend "suivre une plus douce vie" . On y devine déjà l'aspiration au bonheur et au plaisir comme si ce personnage cherchait à être plus heureux. Sa destination est précisée au vers suivant : il arrive en Grèce. La civilisation grecque est réputée dans l'Antiquité pour être dominante et son rayonnement dépasse les frontières européennes.  Le Scythe se trouve alors face à un "sage assez semblable au vieillard de Virgile" . La référence au poète latin Virgile et au personnage d'une de ses oeuvres montre à quel point ce grec est sage; Il représente une sorte de modèle de sagesse antique et le vers 5 fait même de lui un portrait idéalisé : "Homme égalant les rois, homme approchant les Dieux " . La phrase est construite à partir d'une double comparaison d'égalité qui fait de ce personnage à la fois un roi et un Dieu; On a donc l'impression qu'il cumule ses propriétés et il représente la perfection . Le fabuliste désigne ici l'idéal de l'honnête homme à son époque : un sage intelligent et cultivé , modéré en toutes choses mais apte à goûter les plaisirs de la vie . Au vers 6, il est décrit , une fois encore , avec deux qualités : "satisfait et tranquille ".

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Ce sage est heureux dans al mesure où il se contente de plaisirs simples et apprécie les beautés de son jardin. Il va tenter de faire comprendre au scythe en quoi consiste précisément son activité . "la serpe à la main "il jardine et sait retrancher "l'inutile " . En bon jardinier, il veille à élaguer ses arbres afin de leur permettre de se fortifier . Au vers 10, les deux verbes d'action "ébranchait  et "émondait " ont tous deux des connotations positives. Le verbe corriger lui aussi a le sens de rendre meilleur ; A l'époque, la magnificence des jardins à la française illustre cette idée que le jardinier contribue à la beauté de la Nature en exerçant une action bénéfique. mais dans la fable, ce jardin est métaphorique : il représente aussi le cerveau et l'intelligence de l'homme , son esprit . Le vers 12 montre que la Nature est très  reconnaissante des soins que le jardinier lui prodigue: "excessive à payer ses soins avec usure " signifie qu'elle rend beaucoup plus que ce qu'on lui donne.D'ailleurs ce jardin prend des allures de paradis .Le contexte est  édénique : le sage sait  faire preuve de discernement et de tranquillité dans ses actes et le travail ne semble pas non plus lui peser. Le jardinage apparaît comme un loisir et comme un art de vivre.
La confrontation entre les deux personnages montre , tout d'abord l'incompréhension du scythe qui commence par interroger le grec comme le montre le vers 14 ; il emploie le mot ruine pour exprimer ici ce qu'il considère comme une forme de destruction et de dégradation. Le verbe mutiler, au vers 15, est porteur lui aussi de ce sens de "faire du mal". Les arbres sont personnifiés avec humour sous la forme de "pauvres habitants " ce qui peut faire penser à l'image d'une véritable  guerre qui ferait de nombreuses victimes. Le discours du Scythe fait alors une large place au champ lexical de la mort avec la périphrase "instrument de dommage"   qui  désigne la serpe. La Fontaine emploie ensuite une métaphore filée avec l'image de la  faux du temps. On retrouve une  double référence à la mythologie avec l'une des trois Parques la déesse qui coupe le fil de la vie et l'expression   "noir rivage" au vers 18 qui fait référence aux rives du Styx , le fleuve des Enfers dans la mythologie grecque. La réplique du grec a pour but de justifier sa démarche au vers 19 et d'expliquer pourquoi il procède à des coupes dans le jardin . Mais on peut supposer, en lisant la suite de la fable, que le Scythe n'a pas compris cette précision . En effet, et c'est à ce moment que la fable devient satirique, une fois de retour dans "sa triste demeure " au vers 20 , il se met à tout détruire, pensant reproduire avec justesse les gestes du grec. Avec humour , le fabuliste montre les ravages causés par le Scythe qui "prend la serpe, coupe et taille à toute heure " . Bien loin d'agir avec discernement et mesure, il détruit tout ce qu'il touche et le résultat final est catastrophique ; Au vers 24 , on obtient un "universel abatis" ; L'adjectif universel marque bien l'ampleur de cette entreprise de destruction et on peut même ajouter que les allitérations en c produisent des sonorités cassantes qui par harmonie imitative reproduisent cette idée de destruction. La folie du Scythe est suggérée avec des expressions telles que "contre toute raison " au vers 26 ou "sans observer temps ni saison " au vers 27. Ce personnage sème la mort autour de lui, pensant bien faire et obtient , comme nous l'"avons précisé , un résultat contraire à ses espoirs : " Tout languit et tout meurt". au vers 29.

Le fabuliste compose alors la morale de la fable qui contient une leçon pour le lecteur : il  y explique que le personnage du scythe représente un "indiscret stoïcien " ;  L'adjectif indiscret a pour fonction ici de montrer que tous les stoïciens ne sont pas à condamner ; de En choisissant ce personnage d'  "indiscret"  pour représenter la manière de penser des stoïciens, La Fontaine critique , indirectement leur vision de la vie; Il leur reproche ,en effet, de retrancher "de l'âme désirs et passions, le bon et le mauvais." c'est à dire de priver l'homme d'une grande partie de ses plaisirs et de ce qui fait le sel de la vie. A cette époque, le parti religieux cherchait à réformer les moeurs de la Cour, et prétendait, au nom de la morale, interdire les fêtes, les ballets, les banquets. Ce sont donc les partisans de cette vie austère  qui sont critiqués indirectement, à travers ce personnage du philosophe scythe. Tout au long de la fable, on constate quel est le parti choisi par le conteur : le vocabulaire utilisé est positif pour le sage et péjoratif pour le philosophe.  Ce procédé d'écriture oriente le lecteur en faveur du sage , et le prépare ainsi avant la morale.
Le point de vue du fabuliste est suggéré et exprimé de façon indirecte  jusqu’au vers 33 : "contre de telles gens quant à moi je réclame", On note ici  l’usage du “je” qui  permet d'exposer plus nettement le point de vue du conteur . Le verbe réclamer signifie justement critiquer, s'insurger contre quelque chose .La morale finale, est comme souvent, formulée telle une vérité générale sous la forme d'un aphorisme :" Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort." au vers 36.
Le lecteur comprend alors que le conteur lui demande plutôt de choisir le mode de vie épicurien car le désir , pour peu qu'il soit innocent, demeure selon la Fontaine, le moteur de notre vie, son principal "ressort" au vers 35, ce qui nous permet d'agir te de nous sentir vivants.