Nous pouvons montrer , tout d'abord  que ce discours est éloquent : il s'inspire , en effet, de l'art oratoire . Hector, d exprime abord, respecte  la tradition théorique de l'art oratoire ;Il s'adresse au morts en employant des apostrophes pathétiques : "O vous ..qui ne nous entendez pas " et il les fait revivre par ses multiples invocations, un peu à la manière des anciennes incantations qu'on adressait aux esprits dans les cérémonies antiques;  il leur pose même des questions rhétoriques "cela vous est bien égal n'est-ce pas ? ' et fait comme s'ils allaient pouvoir lui répondre; les nombreux paradoxes de ce discours résultent  notamment  de la présence d'antithèses comme par exemple " vous qui ne sentez pas, respirez " ou "vous qui ne voyez pas, voyez;."  Hector semble ici montrer le caractère absurde de sa situation d'énonciation: à quoi cela sert-il de s'adresser à des soldats disparus " Le discours aux  morts de la guerre est en fait un plaidoyer hypocrite pour les vivants " a-t-il admis quelques instant plus tôt . Hector cherche à créer un contact non seulement avec ses auditeurs supposés, les morts , mais également avec les auditeurs qui sont autour de lui; On peut ainsi parler de double énonciation ou de double destinataire . Les apostrophes  sont fréquentes te rythment l'hommage : vous qui ne sentez pas , qui ne touchez pas .." En les appelant, Hector rappelle en même temps tout ce qu'ils ne peuvent plus faire. Et à la fin du discours, on retrouve notamment l'idée de leur inexistence avec une série d'adjectifs et de noms : " vous absents, vous inexistants, vous oubliés, vous sans occupation, sans repos, sans être ", Non seulement les morts ne peuvent plus jouir des plaisir sue la vie car ils n'ont plus d'existence, de corps, de sens comme la vue, l'ouie  et le toucher ou l'odorat mais le fait même de les oublier semble les priver définitivement du moindre statut et les rendre "'sans être", comme s'ils étaient condamnés à errer .  

 Un discours décalé :  En plus de ces nombreuses oppositions , les détails intimes que révèle le général dans cette circonstance officielle, peuvent paraître choquants; En effet, Hector fait allusion , tout d'abord à des actions banales et quotidiennes comme manger, boire et faire l'amour et ensuite, il ajoute un détail qui peut paraître trivial ,  que les soldats survivants vont coucher avec les femmes des disparus  "Nous couchons avec nos femmes..avec les vôtres aussi. " Hector montre ainsi que la  vie continue après leur mort et que leurs veuves devront se consoler de leur mort dans les bras d'autres guerriers.  Demokos, le poète belliciste s'empresse de crier ici au scandale mais Hector n'a nullement l'intention d'insulter les morts; il constate ce que la mort leur a fait perdre car il veut montrer toutes les choses simples auxquelles   les morts n'ont plus accès: au lieu d'imiter les éloges funèbres au cours desquels on célèbre la gloire, la bravoure des soldats tombés au champ d'honneur, Giraudoux ici, fait prononcer à son personnage de soldat dégoûté de la guerre, un sort d'hymne à la vie et à ses plaisirs.  En effet, le général rappelle la douceur de vivre avec des éléments comme le "clair de lune " qui évoque poétiquement les joies nocturnes qui viennent prolonger les plaisirs diurnes : manger, boire te faire l'amour.  Cette dimension hédoniste  rend hommage à la vie. Ainsi , à côté de ces joies simples ,les décorations militaires à titre posthume, les cocardes ne valent rien ; seule compte "la vraie cocarde" c'est à dire le privilège d'être demeuré en vie et d'avoir gardé ses deux yeux pour voir ; Hector es réjouit tout simplement de voir encore  le soleil . 

Le discours d'Hector s'éloigne donc des poncifs habituels et dans sa seconde période, Hector fait preuve de sincérité , qui contraste donc avec les éloges officiels plus ou moins hypocrites; Ce dernier refuse , en effet, de glorifier la mémoire des disparus car  "tout morts que vous êtes, il y'a chez vous la même proportion de  braves et de peureux que chez nous qui avons survécu" . Le fils de Priam se démarque ainsi de l'idéologie officielle et fait preuve d'une certaine lucidité dans l'examen de la nature humaine;  il se met alors à vivement critiquer la guerre en employant une métaphore culinaire dépréciative :   "la recette la plus sordide  et la plus hypocrite pour égaliser les humains" ;  D'ailleurs les survivants sont même qualifiés de  déserteurs ; en employant ce mot qui crique habituellement les combattants qui fuient le champ de bataille, le dramaturge semble inverser les valeurs habituelles . Pour Giraudoux, tous les hommes ne se valent pas et certaines vies sont plus précieuses que d'autres , ce sont celles des hommes de bien; en les faisant mourir en grand nombre, la guerre tend à effacer la valeur des hommes et à les confondre tous dans le même lot de victimes: c'est ainsi oublier que certains furent des hommes dont la vie avait du prix, ils seront regrettés par beaucoup de gens qui les aimaient  alors que d'autres ne seront guère pleurés par leurs proches.

Des paradoxes : le discours officiel d'Hector est construit à partir de répétitions pour le moins étranges qui forment de véritables antithèses  : en s'adressant aux morts, Hector rappelle leur absence et l'apostrophe "vous qui ne nous entendez-pas se transforme en invocation : "écoutez ces paroles " . Cette formulation marque ici clairement l'impossibilité pour les auditeurs de prêter attention à l'hommage qui leur est rendu. Leur disparition  est ainsi réaffirmée et rend le discours pathétique. "vainqueurs vivants s'oppose ainsi à vainqueurs morts  
 Un discours provocateur ? Cette position défendue par le dramaturge peut paraître polémique car elle fait de la mort une sorte de dénominateur commun à l'existence des hommes ; c'est pourquoi Hector précise , à la fin de son intervention : " je n'admets pas plus la mort comme expiation au lâche que comme récompense aux héros"  pour bien montrer que la perte de la vie constitue le véritable scandale causé par la guerre ; il ne faudrait pas en effet, que le mort soit considérée comme quelque chose de banal tout simplement parce que les hommes meurent en grand nombre durant les guerres;  ses dernières paroles s'adressent à tous les "absents, inexistants, oubliés, sans occupation, sans repos, sans être" ; ces images volontairement provocatrices dénoncent en fait la banalisation de ces disparitions de masse; chaque disparu doit compter et chaque survivant doit être capable d'apprécier la vie et de "ressentir comme un privilège et un vol , la chaleur et le ciel " . Ici le soleil et la lumière représentent la vie par opposition au froid et à l'ombre qui traduisent le vide et l'absence .

Ce discours d'Hector est donc pour le moins étonnant car il ne correspond pas au discours attendu dans une circonstance semblable , qui est un hommage officiel aux soldats victorieux de son armée et il rappelle l'opinion de Giraudoux : les vainqueurs morts ne sont pas les véritables vainqueurs des guerres car  ils ont perdu leur bien le plus précieux que chaque homme devrait s'efforcer de conserver à tout prix:  la vie .  Le général avoue d'ailleurs avoir "honte " d'être resté en vie alors que tant des siens ont donné la leur pour une victoire dont ils ne profiteront pas .

Avec beaucoup de finesse et de subtilité, Giraudoux, ici par l'intermédiaire du discours d'Hector, nous amène à réfléchir sur la guerre, la victoire, la valeur de la vie et celle des hommes.  Le discours est à la fois éloquent (art du bien parler ) et lyrique (expression de sentiments personnels) : il exprime de manière touchante les convictions d'un ancien soldat qui fait preuve d'une sincérité inhabituelle en de telles circonstances ; A la fois insolite et poignant, ce moment solennel peut se lire comme un réquisitoire contre la guerre ; la mort ne peut en aucun cas être considérée comme une consolation ou une consécration: elle doit être montrée dans sa brutalité et ses conséquences irrémédiables.

Ce thème a été repris par un romancier contemporain Pierre Lemaître qui dans son récit Au revoir là haut, met en scène deux anciens combattants de 14/18 qui ont survécu, profondément blessés dans leur chair (l'un est mutilé au visage ) et qui ont décidé de vendre de faux monuments au morts dont ils envoient les dessins aux mairies désireuses d'honorer la mémoire de leurs disparus. Cette notion de devoir de mémoire n'existe pas encore à l'époque de Giraudoux et le discours d'Hector peut paraître choquant mais il nous fait réfléchir à l place de la mort et de la vie qui est la seule véritable victoire pour le dramaturge. Peut être peut -on également penser que les nombreux hommages rendus aux disparus de 14/18 sont ici évoqués indirectement . 

Quelques axes possibles pour répondre à des questions de bac ...

Un discours éloquent ?

les apostrophes, les invocations, la situation d'énonciation 

Une parodie des discours d'hommage officiels aux disparus? 

la trivialité , le rappel des plaisirs de la vie , la critique des usages et le rappel de 14/18, les paradoxes 

Un hymne à la vie ? 

la critique de la guerre et de ses conséquences , les morts décrits par ce qu'ils ont perdu ,les antithèses , une réflexion sur la mort comme valeur