Mathilde est revenue d’Algérie. Avec en elle, les souvenirs de cette terre en guerre. On est au début des années 1960, à l’Est de la France. Elle retrouve la maison familiale qui lui appartient, et son frère Adrien qui l’habite toujours. Pour reprendre son dû, la bataille est ardue. Il y a aussi les enfants, les revenants et ceux venus de là-bas, les étrangers… Bernard-Marie Koltès écrit ce texte magistral à la fin des années 1980, à partir des souvenirs d’une enfance d’où surgissent des cafés explosés et des Arabes jetés aux fleuves. On est aujourd’hui au milieu des années 2010 et les spectres des nationalismes n’en finissent pas de nous hanter. Il y a longtemps qu’Arnaud Meunier souhaitait remonter à ce qui travaille notre relation à l’Algérie et à l’immigration, la culpabilité tapie dans notre inconscient collectif. Le Retour au désert, implacable comédie sur fond tragique, porte cette lucidité. Sœur et frère d’une haine passionnelle, le duo de Mathilde et Adrien appelle les monstres sacrés : après Jacqueline Maillan et Michel Piccoli qui créèrent les rôles sous la direction de Patrice Chéreau, ce sont aujourd’hui Catherine Hiegel et Didier Bezace qui s’emparent de ce couple quasi-mythologique. Arnaud Meunier réunit autour de ce duo d’exception une troupe d’acteurs magnifique, et poursuit son exploration d’un théâtre résolument en prise avec notre présent. Il convoque le mystère et le fantastique, l’ironie foudroyante d’une langue trop polie pour enfin donner vie aux fantômes et éclairer nos ombres. C’est à voir absolument, maintenant.