janv.01
Portrait d'un traître : M comme Mouchard ; Le cas de Paul Dounat dans l'Armée des Ombres .
dans la catégorie Première
Délateur, dénonciateur, rapporteur, cafard, barbouze : les qualificatifs aux connotations péjoratives ne manquent pas pour désigner celui qui trahit son camp et livre des renseignements à l'ennemi. La littérature compte certains mouchards célèbres mais la plupart des modèles de personnages fictifs sont issus de l'Histoire. Le succès des films d'espionnage et le cliché de l'agent double continuent aujourd'hui à alimenter les images des traîtres . Dans l'Armée des Ombres, Joseph Kessel invente le personnage de Paul Dounat et nous fait assister à son exécution.
A peine sorti de son camp de prisonniers, Paul Gerbier doit superviser l'exécution de celui qui l'a trahi . Le chapitre deux s'intitule l'exécution donc le lecteur connaît clairement l'issue fatale . Dè les premières lignes du chapitre, l'identité du traître est révélée ; Paul Dounat parait sous son véritable patronyme alors que comme tous les résistants, il est connu sous un faux-nom; Il a endossé le pseudonyme de Vincent Henry et ignore qu'il a été démasqué par son organisation. C'est donc en toute confiance qu'il se rend au rendez-vous à Marseille et les résistants, venus pour l'arrêter , se font passer pour des policiers . Le lecteur comprend ce qui se passe au moment où l'auteur lui précise que Paul Gerbier devenu André Roussel ,est assis dans la voiture : " Tout le sang de Paul Dounat lui afflua d'un seul coup et il s'affaissa comme un pantin désarticulé " . Cependant le personnage du traître est présenté très rapidement comme "indifférent " à son sort , au delà de la peur . " Le premier choc avait épuisé en lui tout sentiment vivant. Comme toujours et du moment qu'il n'avait pas à choisir , il s'accommodait du pire avec une docilité et une facilité étranges."
Le personnage de Dounat est vu par les yeux de Gerbier qui le juge assez sévèrement 'lui parut plus vague encore plus inconsistant qu'à l'ordinaire. " paresse manifeste de la volonté," pensait distraitement Gerbier . Le style indirect libre est utilisé pour rendre compte des pensées du héros. Gerbier éprouve une sorte d'ennui comme s'il exécutait une formalité fastidieuse. L'épisode de l'exécution est utilisé dans le roman pour montrer le caractère exceptionnel de ces instants qui transforment de simples citoyens en tortionnaires . Le traître comprend qu'il va être effacé de l'ordre humain; cette expression rend sa mort à la fois dramatique et inéluctable. Sa mort était un fait acquis . Lorsqu'il est emmené, vers la maison où il va être exécuté, Paul pense à la manière dont les communistes se débarrassait de leurs traîtres : "On attirait l'homme de nuit , au bord de la mer, on l'assommait, on le déshabillait, on l'enroulait dans un treillage en fil de fer et on le jetait à l'eau. Les crabes à travers les mailles dévoraient entièrement le corps. " Ce souvenir revient en mémoire de Paul: il avait entendu cette histoire en compagnie de sa maîtresse et elle avait prononcé ces mots très durs : " Il n'y a pas de mort assez sale pour les gens qui vendent leurs camarades. "; Le narrateur ajoute le commentaire suivant : il montait docilement entre Gerbier et Félix comme pour établir un lien entre les paroles de Françoise et le sort de son amant. Le romancier utilise ici une alternance de points de vue pour rendre compte à la fois des faits et des effets produits par la trahison sur les personnages ; Gerbier se caractérise , tout au long du roman, par une forme d'impassibilité, allant parfois jusqu'à la froideur ou du moins l'apparence du détachement .
Au moment où le traître lève les yeux vers son bourreau, ce dernier les voit "humbles ,honteux et troubles" avec une telle misère humaine qu'il eut envie de crier . On dit de Paul qu'Il redoute particulièrement la souffrance physique et l'autre le montre en train d'esquisser un geste de protection avec ses mains qu'il place "paumes ouvertes devant son visage. " Gerbier a une dernière hésitation avant de donner l'orde d'étrangler Paul Dounat mais renoncer à le tuer, c'est tuer Félix et mettre en danger le réseau ; finit-il par penser ; "ce n'était pas la faute de Paul Dounat s'il allait mourir ce n'était pas la faute de ceux qui l'assassinaient . Le seul, l'éternel coupable était l'ennemi qui imposait aux français la fatalité de l'horreur . " Que pensez-vous de cette affirmation ? Etes-vous d'accord avec ce raisonnement ? Chaque convulsion du traître donne à Gerbier une haine nouvelle contre les allemands et le résistant Claude Le Masque se met à pleurer. Gerbier lui conseille alors avec bonté d'avoir toujours du cyanure sur lui afin de s'empoisonner pour ne pas risquer de parler sous la torture .
Des idées de plan pour répondre à la question : comment le traître est-il représenté ?
En introduction, présenter le roman, le cadre de la Résistance et la situation des personnages; expliquez ce qu'il a fait et les raisons de sa trahison ; on peut dans un premier temps présenter ose caractéristiques du personnage et analysez le point de vue de Gerbier et ensuite montrer que le titre du chapitre l'exécution annonce la dimension tragique du passage.
I un portrait contrasté
Des qualités qui le redent attachant , humain : utile intelligent courageux AVANT bonne famille, bonne manières, traits agréables 34 belle bouche tendre : fait pour l'amour et pas pour la guerre 36 grain de beauté : petit détail
Le mépris affiché de Gerbier fait ressortir sa froideur : lui parait vague inconsistant 22 , paresse manifeste de la volonté 40 , incapable de décider 42 : portrait d'un veule : menton indécis , un peu gras 39
Il est devenu un traître par désespoir amoureux ou par faiblesse : deux interprétations possibles inertie 24 ou devenu instrument de la police 25
le lecteur juge peut être moins sévèrement le personnage que Gerbier
II Un homme condamné : une fatalité
prêt à mourir l 1 "c'est alors qu'ils me tueront " 1 ; absence d'interrogatoire 46 : inutile de vous poser des questions
déjà mort indifférent : n'a plus peur , premier choc , plus de sentiment vivant , veines creuses 3 à 10
s'érige en victime : ne releva pas la tête 49 s'accommodait du pire avec une docilité et une facilité étranges 8
ccl Une exécution qui met en évidence la dureté de la guerre : transforme les hommes et révèle le meilleur comme le pire. Personnage pathétique et scène de l'étranglement qui révèle les difficultés des résidants à commettre ce meurtre. Carapace de Gerbier pour se protéger des émotions ?