1. Les trois genres rhétoriques

II.1.1. Le genre judiciaire

Le genre judiciaire renvoie à un discours dont la fonction est d'accuser ou défendre.

Le genre judiciaire est donc surtout destiné au tribunal, puisque c'est là principalement qu'on accuse ou qu'on défend.De plus, le genre judiciaire renvoie essentiellement au passé, puisque lorsqu'on juge des faits, ces faits sont en principe déjà accomplis.Enfin, le genre judiciaire met nécessairement en œuvre les valeurs du juste et de l'injuste.

II.1.2. Le genre délibératif

Le genre délibératif renvoie à un discours dont la fonction est de persuader ou de dissuader.Le genre délibératif s'adresse donc à une assemblée publique. En effet, c'est au forum, dans un conseil, ou encore au Parlement qu'on persuade ou dissuade d'entreprendre la guerre, d'élever un bâtiment, d'accomplir telle ou telle action concernant l'ensemble de la société.Le genre délibératif renvoie par conséquent au futur, puisqu'il s'efforce d'amener l'auditoire à prendre une décision qui engage l'avenir.Le genre délibératif met essentiellement en œuvre les valeurs de l'utile et du nuisible.

II.1.3. Le genre démonstratif (ou épidictique)

Le genre démonstratif renvoie à un discours dont la fonction est de louerblâmer, ou plus généralement d'instruire. Il est parfois aussi appelé genre épidictique.Le genre démonstratif s'adresse à un auditoire réuni à l'occasion d'un événement particulier tel qu'un mariage, un décès, une réception officielle. C'est là qu'on loue ou blâme; c'est là qu'au travers de la louange ou du blâme, on instruit des choses de la vie.Le genre démonstratif ou épidictique renvoie tout à la fois au passé, au présent et au futur: il s'agit de louer ou de blâmer tel ou tel personnage, dont on évoque pour ce faire les actions passées et dont on prédit les actions à venir à partir de ses qualités présentes.Le genre démonstratif ou épidictique a donc principalement trait à l'admirable et à l'exécrable.

II.2. Genres rhétoriques et genres littéraires

Les genres rhétoriques entretiennent un rapport étroit avec les genres littéraires.

Le genre judiciaire est très présent dans la tragédie, où les situations de conflits abondent. Les personnages tragiques sont en effet souvent amenés à se justifier, à accuser, ou à se disculper. Ainsi, dans Le Cid de Corneille, Chimène accuse Rodrigue du meurtre de son père et demande réparation au roi qui se trouve alors en position de juge (II, 8). À son tour, le père de Rodrigue prend la défense de son fils et fait valoir ses arguments.

Le genre délibératif est présent dans divers genres littéraires. Il intervient dès que les personnages doivent se décider à agir dans un sens ou dans un autre. Au théâtre, les scènes où un confident, un proche ou un ami dialoguent avec un personnage pour le conseiller relèvent du genre délibératif.  Parfois, un seul personnage peut tenir un monologue relevant du genre délibératif, comme lorsque Rodrigue, dans les fameuses stances du Cid, s'interroge sur la conduite à tenir (I, 6).

Dans la poésie lyrique, les vers dans lesquels le poète exhorte sa Dame à se montrer moins cruelle ressortissent également au genre délibératif.

Le genre démonstratif ou épidictique est très présent dans la poésie lyrique où le poète chante la beauté de sa Dame, de même que dans la poésie officielle où il chante la grandeur d'un monarque et dans la poésie religieuse où il chante la grandeur de Dieu. On trouve également le genre démonstratif au théâtre, dans les scènes d'exposition, au cours desquelles un personnage met un autre personnage au courant de faits qu'il doit connaître.

II.3. Les cinq opérations rhétoriques

Quel que soit le genre rhétorique d'un discours, ce discours doit obéir à certains principes communs aux trois genres pour être efficace.

Un discours doit ainsi présenter des arguments pertinents ou relater des faits pertinents; un discours doit aussi suivre un plan qui en assure la cohérence et l'organisation; un discours doit également adopter un style approprié aux circonstances; il doit enfin être prononcé de façon vivante.

Ces diverses exigences correspondent moins aux étapes successives de la composition d'un discours qu'à des opérations rhétoriques par lesquelles il faut nécessairement passer pour produire un discours efficace. Examinons ces opérations les unes après les autres.

II.3.1. L'inventio ou la recherche des arguments

L'invention (inventio, dans les traités de rhétorique rédigés en latin) désigne la recherche des arguments et des idées à présenter aux destinataires du discours.

Ces arguments sont de deux types: les arguments affectifs qui agissent sur les émotions et la sensibilité des auditeurs et les arguments rationnels qui en appellent à leur raison.

II.3.1.1. Les arguments affectifs: l'ethos et le pathos

Les arguments affectifs se distribuent eux-mêmes en deux catégories: l'ethos et le pathos.

L'ethos est l'image que l'orateur ou l'auteur du discours donne de lui-même à travers son discours. Il rassemble les notations relatives à l'attitude que l'auteur du discours doit adopter pour s'attirer la bienveillance des destinataires. Cette attitude doit être faite de modestie, de bon sens, d'attention aux destinataires...

La seconde catégorie d'arguments affectifs rassemble les notations visant à éveiller les passions de l'auditoire (colère, crainte, pitié,...). C'est ce qu'on appelle le pathos du discours, autrement dit la charge émotionnelle du discours. Celle-ci peut notamment prendre la forme d'apostrophes véhémentes ou encore d'exclamations

La construction canonique du discours argumentatif :

orateur25.jpg
 

– Exorde : une introduction

– Narration : on raconte les faits

Confirmation : on réaffirme son opinion et on donne ses arguments

Réfutation : on réfute les arguments de la partie adverse

Péroraison : la conclusion du discours argumentatif

Les cinq étapes pour construire un discours argumentatif :

– L’invention : chercher tous les arguments pour ou contre

– La dipositio : organiser ses arguments dans un plan

– L’actio : le savoir être, le comportement, les gestes qui viennent appuyer le discours

– memoria : maîtriser son sujet et ne pas être collé sur ses notes

– L’élocutio : la voix et l’intonation