Au XVIIIe, le Siècle des Lumières, Rousseau célébrait le voyage pour le voyage, glorifiant le plaisir physique de la marche et l’émotion procurée par la contemplation d’une nature majestueuse et sauvage. En ce début du XIXe, la conception du voyage qui s’impose , c’est le voyage comme dépaysement, la recherche de l’exotisme, de la différence. Stendhal s’intéressera plus aux gens qu’aux objets ou aux décors. «Pour peu que l’homme qui me répond soit emphatique et ridicule, je ne pense plus qu’à me moquer de lui, et l’intérêt du paysage s’évanouit pour toujours ». D’autre part, Stendhal sera le premier à raconter comme il se promène : avec liberté, prenant et racontant les choses comme elles lui viennent, et les abordant sous un angle subjectif, le fameux « Je » cher à l’auteur des « souvenirs d’égotisme ». Il compose un récit de voyage personnel, c'est-à-dire incluant ses propres sentiments et perceptions des choses, et leurs effets sur lui-même. «Un journal de voyage doit être plein de sensations. Car  je voyage non pour connaître […] mais pour me faire plaisir ».

Stendhal, dans la retranscription de ses visites, veut avant tout être «nature», ce qui signifie raconter comme on se promène, de son point de vue (texte à la première personne), au fur et à mesure que les choses surviennent (récit chronologique), avec de nombreuses digressions . Mais derrière cette nonchalance étudiée se profile une écoute attentive de soi, permettant de fixer ses pensées et faire le point sur ses sentiments. Le panorama réel est beaucoup moins important que la perspective qu’en a le voyageur. « Je ne prétends pas dire ce que sont les choses, je raconte la sensation qu’elles me firent ». Avec Stendhal, le voyage n’est plus seulement une découverte du monde, mais une expérience intime. Le voyageur est devenu le centre du récit, en lieu et place du voyage. Stendhal peut être considéré comme «l’inventeur» du guide touristique. Les Promenades dans Rome (1829) furent écrites pour proposer des itinéraires, accompagner et guider le voyageur dans ses visites.Et si Stendhal n’a pas inventé le touriste, la publication des Mémoires d’un touriste, popularise ce terme. Et c’est en 1841 qu’apparaît le mot tourisme, quand Thomas Cook ouvre en Angleterre la première agence de voyages.

Pour quelles raisons Stendahl apprécie-t-il particulièrement Milan ? 


Tout d'abord, il y fit de nombreux séjours et finit même par s'y installer durant une dizaines d'années. Stendhal apprécie énormément les manières de vivre milanaiseset se sent vraiment accepté, intégéré dans cette société milanaise cultivée : il confie le 20 Octobre 1816: « Si je ne pars pas d’ici dans trois jours, je ne ferai pas mon voyage d’Italie ; non que je sois retenu par aucune aventure galante, mais je commence à avoir quatre oucinq loges où je suis reçu comme si l’on m’y voyait depuis dix ans». Il y rencontre tout le monde littéraire de Milan; Silvio Pellico qu’il trouve alors «bien jeune» tout en reconnaissant que «l’amour est divinement peint dans sa Francesca da Rimini», et qu’il est un véritable espoir pour la littérature italienne. Il rencontrera également à Milan une femme qui sera le plus grand amour de sa vie. Dans se souvenirs de Milan, il fait part au lecteur des discussions qui se tenaient alors dans ces loges de la Scala , théâtre où il es rendait presque chaque soir , et lui en rapporte les meilleures anecdotes.

Durant les journées, Stendhal se promène dans Milan, « ce qu’il y a de plus agréable pour moi, à Milan, c’est de flâner», visite les églises, va admirer la cène de Léonard De Vinci dans le couvent delle Grazie ou se rend au musée de Brera où il contemple le Mariage de la Vierge de Raphaël, les plâtres des statues de Michel Ange et de Canova tout en dévoilant au lecteur ses principaux itinéraires de promenade. Il aime ,la nuit, contempler longtemps le Dôme «éclairé par une belle lune» et ne manque pas l’occasion de rappeler que «c’est à Napoléon que l’on doit la façade demi gothique et toutes les aiguilles du côté du midi, vers le Palazzo Regio».

Stendhal livre ses idées et règle ses comptes ; ainsi, il fait l’apologie de Napoléon . En revanche, il n’épargne ni Madame de Staël, ni Voltaire ni même ses compatriotes, en parlant du gouverneur de Milan, le Comte Saurau, il dit de ce dernier: « C’est un homme de beaucoup d’instruction…il a ce tact fin pour les beaux -arts que l’on ne trouve jamais chez l’homme de lettres français, à commencer par Voltaire» 

Finalement, trois mois après son arrivée, en décembre 1816, Stendhal sera contraint de quitter Milan et poursuivra son voyage en Italie : destination Rome et Florence.. Sur sa tombe, il voulut faire graver cette épitaphe, Stendhal Milanese. Deux de ses romans les plus célèbres ont pour cadre l'Italie : La Chartreuse de Parme et Le Rouge et le Noir.