Le premier argument d'autorité utilisé par l'orateur est le nom de Rousseau, célèbre philosophe des Lumières qu'il admirait et qu'il cite parce que son peu de fortune l'aurait écarté de la possibilité de se présenter à l'investiture. Robespierre souligne le ridicule de cette condition en vantant les mérites du philosophe : son génie puissant et vertueux et surtout son rôle d'éclaireur des consciences  car il a , rappelle t-il  à ses auditeurs , préparé vos travaux par ses idées pré-révolutionnaires ; en choisissant cet exemple, un argument d'autorité et en montrant que ce héros de la nation auquel on a "élevé une statue " n'aurait pu être élu en raison de cette loi inique, le député fait état de l'absurdité d'un système qui associe la valeur et la qualité d'un futur électeur à sa fortune ; En 1791, la France est gouvernée par une monarchie constitutionnelle mise en place par la Constitution de septembre 1791. Dans ce régime, la souveraineté appartient à la Nation mais le droit de vote est restreint.Le suffrage est dit censitaire. Seuls les hommes de plus de 25 ans payant un impôt direct (un cens) égal à la valeur de trois journées de travail ont le droit de voter. Ils sont appelés « citoyens actifs ». Les autres, les « citoyens passifs », ne peuvent pas participer aux élections.Le suffrage est aussi indirect car les citoyens actifs élisent des électeurs du second degré, disposant de revenus plus élevés, qui à leur tour élisent les députés à l’Assemblée nationale législative. Il existe ainsi des électeurs de premier et de second degré. Pour être électeur du premier degré, il faut payer des impôts ou avoir participé à une campagne militaire. Les électeurs du second degré doivent être titulaires de revenus élevés, évalués entre 100 et 200 journées de travail selon les cas.Par ailleurs, pour être élu, il faut être âgé de 30 ans minimum pour siéger au Conseil des Cinq-Cents et de 40 ans pour le Conseil des Anciens.

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Pour tenter de convaincre les députés qu'il est nécessaire de réformer ce droit , Robespierre fonde son élocution sur des répétitions : le verbe dire notamment rythme ses affirmations ; il est employé aux lignes 5, 6 et 7 toujours en anaphore ; Il emploie également  de nombreux liens logiques propres à l'art de convaincre : un lien causal car l 10 , des liens d'addition et ; un lien de conséquence : par conséquent 14 ; Les affirmations sont péremptoires et ont une valeur universelle comme en témoigne la présence de nombreux déterminants globalisants : tout citoyen l 5 ,  tous les citoyens l  16 les hommes l 7 ; Les  tournures impersonnelles sont nombreuses et renforcent cette dimension généralisante des propos tenus  : il n'est pas vrai l 6 qu'il faille , il est pour les hommes l 7 , il faut l 15, des lois qui doivent l 16. Dans ce premier paragraphe, l'orateur fonde son raisonnement logique sur la dissociation entre amour de la patrie et richesse du citoyen ; à la ligne 8 l'adjectif indépendants résume son point de vue ; la qualité d'un citoyen doit être mesurée à son amour pour sa patrie et ces intérêts  sacrés sont pour Robespierre indépendants de la fortune ou de la contribution, les deux éléments retenus pour justifier l'obtention du droit de vote. Il s'efforce ensuite de démontrer la justesse de sa thèse par une analogie entre ce à quoi tient l'homme pauvre et l'homme riche; L'argumentation se fonde ainsi sur la notion d'intérêt à la conservation de son état qui est , toujours selon l'orateur, proportionné à la modicité de la fortune ; Ainsi, il démontre qu'un petit épargnant tient autant à  maintenir son état de vivre avec sa famille "que le riche tient à d'immenses domaines " ; le citoyen le plus modeste aura ainsi à coeur de faire régner la justice qui va lui assurer "la subsistance nécessaire "  (l 13 ) et non la conservation du superflu; L'orateur en déduit également que donner des droits à cette couche de la population aura un effet bénéfique sur l'ensemble de la Nation; Il prend ainsi comme valeur essentielle le bénéfice du plus grand nombre .

Pour mener ce raisonnement, il se base sur l'idée  que les lois sont faites pour protéger les plus faibles et qu'avec ce système de vote inique , ce sont les hommes les plus puissants qui pèsent d'un poids plus grand sur le système politique car il sont davantage représentés  ; ce paradoxe est exprimé par la question rhétorique qui débute à la ligne 17 et dont l' examen se termine à la ligne 20 par une indignation marquée par le point d'exclamation ; Indignation qui est à relier avec le terme injuste l 20 .  Robespierre entend ainsi prouver l'injustice profonde de ce mode de scrutin pour l'intérêt des citoyens les plus faibles . L'expression ordre social  l 17 rappelle le titre de l'ouvrage de Rousseau : le contrat social, et reprend les idées défendues par le philosophe des Lumières. Si la France maintient ce type de scrutin, elle  ne se contente pas de maintenir un état de fait favorable aux plus aisés des citoyens, elle renforce carrément  l'injustice  entre ses citoyens au lieu de contribuer à la diminuer ; Le député vient ainsi d'établir le lien entre le mode de scrutin et la persistance ou l'aggravation d'inégalités constitutives de la société française et véhiculées par les institutions politiques , celles là mêmes qui sont chargées de réduire les inégalités au sein de l'entreprise révolutionnaire . L'adjectif injuste l 27 reprend le principal reproche de Robespierre envers le droit de vote restreint .

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Le court paragraphe central du discours est construit sur des répétitions et des arguments logiques : 

 

 

 

 

 

 

 En conclusion, quelques dates clés de l'évolution du droit de vote En 1799 le  suffrage universel masculin  est adopté mais limité sous Consulat. Elle institue le suffrage universel masculin et donne le droit de vote à tous les hommes de plus de 21 ans ayant demeuré pendant un an sur le territoire.Mais il est limité par le système des listes de confiance. Le peuple ne désigne donc pas encore directement ses représentants. En 1815 : suffrage censitaire est rétabli.La défaite de Napoléon Ier à Waterloo (18 juin 1815) entraîne la chute de l’Empire et la mise en place d’une monarchie constitutionnelle, la Restauration. Le suffrage universel masculin est aboli et le suffrage censitaire rétabli. Seuls les hommes de trente ans payant une contribution directe de 300 francs ont le droit de vote. Pour être élu, il faut avoir 40 ans et payer au moins 1 000 francs de contributions directes.La loi électorale du 29 juin 1820 du double vote permet aux électeurs les plus imposés de voter deux fois. Ces mesures cherchent à avantager les grands propriétaires fonciers, c’est-à-dire l’aristocratie conservatrice et légitimiste.Après la révolution des Trois Glorieuses (27, 28, 29 juillet 1830), la Restauration fait place à la Monarchie de Juillet. Le droit de vote est élargi. Le suffrage est toujours censitaire, mais le cens nécessaire pour être électeur passe de 300 à 200 francs (ou 100 francs pour des cas particuliers) et de 1 000 à 500 francs pour être élu (loi du 19 avril 1831). De même, l’âge minimum pour voter est abaissé de 30 à 25 ans et celui pour être élu de 40 à 30 ans. Enfin, la loi du double vote, qui permettait aux électeurs les plus imposés de voter deux fois, est supprimée. En1848 :  le suffrage universel masculin  est adopté définitivement et vote secret. En 1944 : le  droit de vote des femmes rend enfin le  suffrage universel.P