Zola, en effet, est très attentif à l'actualité politique nationale et internationale. Le nihiliste devient un personnage littéraire à la mode et de nombreux romanciers en font un des héros de leurs romans : la figure de Bakounine est dans l'ombre du personnage fictif Souveraine . Tout au long de son roman, l'auteur s'efforce de décrire avec une précision documentaire le mode de vie des ouvriers et en même temps, il prédit sur un mode visionnaire des bouleversements sociaux et politiques. Pour Zola la classe ouvrière  est en train de fermenter et peut suivre deux voies : le socialisme révolutionnaire soit marxiste soit nihiliste. Lorsqu'il commence à évoquer son projet romanesque, il pense à mettre, dans le rôle du héros un "ouvrier d'insurrection " mai peu à peu, il élargit cette figure et Etienne apparaît davantage comme un prolétaire que comme un véritable révolutionnaire ; La grève a été choisie car elle offre au romancier des situations dramatiques qui peuvent ainsi donner aux faits décrits le relief nécessaire .

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Les mineurs sont alors au centre des media: la Chambre des députés étudie les textes législatifs qui réglementent les conditions de travail dans les établissements miniers français; On parle également beaucoup dans les journaux des grèves des mineurs. De plus, durant l'été 1883 alors en vacances en Bretagne, Zola fait la connaissance du professeur Giard qui enseigne les sciences à Lille et qui occupe la charge de député de gauche . Ce dernier invite Zola à venir voir par lui-même dans le Nord, comment vivent les mineurs . En janvier 1884, Zola avait parlé de son projet à Edmond de Goncourt qui note alors dans son Journal : " Il serait plus porté à faire quelque chose se rapportant à une grève dans un pays de mine et qui débuterait par un bourgeois égorgé à mort. Puis le jugement, des hommes condamnés mort, d'autres à la prison . Et parmi les débats du procès,l'introduction d'une sérieuse et approfondie étude de la question sociale. " Le titre est déjà trouvé en référence au calendrier révolutionnaire ; ce sera Germinal. 

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L'imaginaire de l'écrivain est empreint de violence et il représente ces soulèvement populaires avec une grande cruauté et parfois pour donner au lecteur bourgeois un frisson de terreur; A cette époque, nombreux sont les auteurs qui partagent l'idée que la misère peut mener aux crimes les plus sauvages. On y voit des maisons attaquées à coups de pierre, des meurtres qui s'accompagnent de violence animale comme la castration de l'épicier Maigrat ; Mais cette flambée de violence a été préparée dans le récit par un ensemble de circonstances; En effet, les romanciers réalistes prennent la peine de motiver les actions de leurs romans ; Pour préparer ce soulèvement des mineurs, Zola a commencé à noter leurs conditions de vie déplorables , la dureté de leur labeur, leurs salaires misérables, les vexations qu'ils subissent de la part de leurs employeurs qui les infantilisent ; Pour décrire ce quotidien des mineurs, il est allé séjourner à Anzin ; 

En 1884 éclata la grève des 12000 mineurs d'Anzin,  une petite localité près de Valenciennes; A cette occasion, Zola  se rend au coeur du pays minier ; Reçu par le directeur de la mine il parcourt les installations des bassins , descend au fond de la fosse Renard à moins 675 mètres sous terre sous la conduite d'un ingénieur; Minutieusement, il reconstitue les moindres détails du travail des mineurs et note au jour le jour se impressions; il a cru étouffer dans les galeries et a été surpris par le passage d'un cheval blanc qui tire une berline (il transformera cette anecdote en un émouvant passage du roman: la descente de Trompette accueilli par le vieux  cheval Bataille ) ; Zola se fait expliquer l'extraction, le criblage, et écouté esse témoignages des mineurs qui évoquent le coup de grisou, la fatigue, la terreur d'être enterré vivant au fond. 

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Dans ses notes , Zola détaille les tâches de chaque métier : porion, herscheur, cribleur, galibot; Comme un ethnographe, il entrait chez les familles de mineurs avec son petit carnet à la main et prenait inlassablement des notes sur ce qu'il voyait ou entendait. L'aspect misérable de l'habitat ouvrier l'a profondément marqué et il dépeint un coron noir, triste, et sale. Il se renseigne également sur les distractions préférées des mineurs : les quilles, les cartes; Examine l'air fatigué des femmes, commente les amours libres des filles et conclut fin février qu'il s'agit "d'un pays superbe pour le cadre de mon bouquin " ; Fasciné par l'espace industriel et sa curieuse géométrie, Zola pense au parti qu'il va pouvoir en tirer pour les grandes descriptions de Germinal. 

En mars 1884, quand il rentre à Paris, le romancier a la nette impression que les périls s'accumulent et que la montée de l'irritation ouvrière est inévitable : Lorsque son roman est publié, certains journaux conservateurs parlent de diffamation de la société française et accusent Zola de salir l'honneur des honnêtes travailleurs, une population houillère "si douce, si calme,si honnête , si attachée à son travail pénible ."  ; Zola se défend en disant qu'il a atténué la réalité de ce qu'il a pu voir sur place.