Une lente journée d’automne (Caroline)

   C’était un jour de pluie, pour lui les jours de pluies étaient les meilleurs jours qu’il put y avoir. Il consacrait ses journées à se balader et à faire de nouvelles rencontres. Il était de petite taille et promenait sur le monde un regard  inhabituel. Il était victime de toutes les moqueries du monde. Mais il s’en fichait, il aimait simplement déambuler pendant des heures sous la pluie. Les jours de beau temps il se sentait terriblement seul et ne mettait pas le nez dehors, il aimait rester dans sa grande demeure en période de canicule, car il y faisait bien frais. En effet ce qu’il adorait par dessus tout, c’était sa maison. Elle était son repaire et il avait parfois l’impression de ne faire qu’un avec elle.

 

       Ce matin d’Octobre, il sortit sans prévenir personne ; en effet il était orphelin.  En chemin il croisa uniquement des grandes personnes qui manquèrent plusieurs fois de lui marcher dessus. Il continua sa route et lorsqu’il eut une petite faim, n’ayant plus rien

à manger dans sa maison il fit une petite halte pour engloutir une salade légère.  Il rentra chez lui pour digérer son repas et s’accorder une petite sieste revigorante. Son pied lui faisait mal d’avoir tant marché. Une envie d’absolu le saisit, il éprouva le besoin de se perdre dans l’immensité du paysage et il repartit ainsi se divertir dehors des heures durant. Par hasard il rencontra au détour d’un chemin celle dont il était amoureux. Celle-ci le salua en le dévisageant de son regard si mystérieux. Le crépuscule naissant leur procurait des sensations romantiques. Ils se promenèrent ainsi très lentement tous les deux jusqu’au coucher du soleil. Les lueurs  du soir embrasaient le ciel de flammes pourpres et violettes et la rosée de la nuit rafraichissait leurs pensées. Ce n’était pas la première fois qu’ils vadrouillaient ainsi ensemble, mais ils ne se parlaient jamais. Même ce silence provoquait chez lui quelque chose de tellement fort pour elle qu’il lui arrivait parfois de croire que son cœur allait exploser. Elle l’attirait énormément et il savait qu’ils avaient ensemble deux points communs : ils n’aimaient pas parler et ils étaient tous deux très lents. Il ne désirait qu’une chose : l’inviter à vivre avec lui pour combler ce sentiment de solitude qu’il éprouvait trop souvent. Malheureusement sa demeure bien que vaste était trop petite pour eux deux. Il décida de l’enlacer et elle tressaillit : son baiser avait un goût de feuille morte. Il comprit qu’il était heureux.

 

         Il ne se rendit pas compte qu’ils étaient observés. Assis dans son fauteuil, un vieil homme fume une cigarette dans son jardin. C’est un poète en panne d’inspiration qui vient d’enterrer son ami. Il contemple longuement deux escargots enlacés sous la Lune. Il inscrit d’une belle écriture ronde sur son cahier « Chanson des escargots qui vont à l’enterrement ». Son nom est Jacques Prévert.