Retrouvailles inespérées (Sabine)

Retrouvailles inespérées


Et elle partit, tenant sa fille dans ses bras à la recherche, folle mais pas désespérée, d’un simple jouet d’enfant, d’une toute petite poupée en chiffon, dans ce monde cruel et obscur qu’était la guerre.


    Arrivée au tournant, elle chercha. Elle ne trouva pas et se mit à regarder autour d’elle. Une maison en feu, de nombreuses ruines, des débris qui volaient au loin ; elle ne reconnut rien de ce qu’elle voyait et paniqua. Elles étaient seules au milieu d’une ville qui lui semblait maintenant tellement étrangère et inconnue. La chaleur et la douce voix de son enfant la rassurait tant bien que mal et lui permettait de ne pas sombrer. Elle courait sans se rendre compte que le poids de sa fille et sa fatigante folie la ralentissaient énormément. De temps en temps, on pouvait entendre un obus exploser. La mère poussait alors un cri et changeait de direction puis, sans savoir où aller, elle se remettait à courir. Sa protégée, blottie dans ses bras, lui parlait doucement :

    -Ma poupée, elle est où, maman ? Ma poupée... MAMAN REGARDE !

    La jeune femme sursauta, surprise et vit l’escalier que la petite pointait. A quelques mètres d’elles, celui-ci descendait sous un épais parquet et pouvait former un abri sûr. Ne pensant plus qu’à protéger sa petite fille, elle s’y précipita sans voir les flaques de sang sur les marches. Arrivant en bas, elle découvrit un corps baigné de sang : celui de l’homme qu’elle aimait et dans sa main, une petite  poupée couverte de poussière et de charbon.

Sa tête le faisait énormément souffrir et il n'arrivait pas à ouvrir les yeux. Au loin, il entendait des cris, d'hommes, de femmes et d'enfants. Ces cris se rapprochaient lentement de lui. Il retenta d'ouvrir les yeux et vit des silhouettes danser devant lui. Elles étaient de plus en plus nettes ; jusqu'à ce qu'il se rende compte de ce qui se passait autour de lui : des gens couraient et criaient autour des ruines.

Il se leva péniblement et s'étonna de ne se rappeler de rien. Il ne savait pas pourquoi ni comment il était arrivé là. Il fut effrayé de l’agitation qui régnait et voulut sortir de cette ville qui explosait et brûlait sous les obus. Il suivit la direction que prenaient les gens affolés, pensant qu’ils le mèneraient vers la sortie. Au bout de plusieurs minutes, il remarqua que les maisons étaient moins présentes et, au loin, il vit qu’un champ de cendres s’étendait. Il était enfin arrivé aux limites de la commune. Des coups de feu résonnèrent, nombreux. Il distingua, à l’horizon, des tranchées et des hommes armés. Il sut qu’aucune fuite n’était possible et il se sentait à présent enfermé, abandonné à la mort.  Pris d’une forte panique, il fit demi-tour, déterminé à survivre ; quand quelque chose attira son attention.

Plus loin, il aperçut une sorte de chiffon couvert de poussière. Cet objet lui était familier mais il ne rappelait pas pourquoi. Curieux, il  s'en approcha et le ramassa. C'est alors que, voyant nettement le visage d'une poupée, il se rappela de sa femme et  de sa fille qu'il cherchait déjà depuis plusieurs jours dans ces décombres ; avec comme seul soutien son espoir de les retrouver.

Une douleur, comme il n'en avait jamais connu, lui transperça la poitrine alors qu’une détonation retentit. Il roula par terre, la douleur toujours plus forte, et tomba brutalement dans l’escalier de sa maison en ruines ; mais il fit tout pour ne pas lâcher la poupée à laquelle il tenait tant. Il se sentit défaillir lorsqu'il entendit des pas. Sa vue commençait à se flouter. Il crut donc rêver quand deux visages lui apparurent : celui de sa fille et de la femme qu'il aimait tant. Une étincelle s'alluma dans ses yeux bleus avant que ceux-ci ne s'éteignent à jamais.