La malheureuse petite fille (Elodie)

La malheureuse petite fille

 

 

Et elle partit, tenant sa fille dans ses bras à la recherche, folle mais désespérée, d'un simple jouet d'enfant, d'une toute petite poupée de chiffon, dans ce monde cruel et obscur qu'était la guerre.

 

Elles avancèrent lentement pendant une dizaine de minutes. La petite fille, qui se prénommait Adèle et qui avait six ans était sur le point de s'endormir. Sa mère la regardait tendrement malgré tous les sifflements perçants des obus et des autres projectiles qui arrivaient toujours à une vitesse étonnamment surprenante. Leurs vies étaient constamment en danger mais elles avaient l'air serein. La mère fit une pause pour laisser sa fille dormir.

 

Au bout de quelques heures, elles se réveillèrent et repartirent à la recherche de la poupée. Elles tournèrent derrière le virage mais tout avait été détruit. Plus une maison, plus un arbre n’était entier. A la place, des trous gigantesques s'étaient formés à cause des obus. Il restait cependant quelques ruines d'anciens bâtiments publics comme les magasins. Adèle s'était mise à pleurer, en pensant que sa poupée avait disparu.

«  Ne t'inquiète pas ma chérie, elle ne doit pas être très loin » lui assura sa mère.

Elle prit sa fille dans ses bras et continua d'avancer en scrutant le sol pour y chercher le moindre petit signe de la poupée.

 

Au bout d'une demi-heure, lorsqu'elle crut voir un bras de la poupée, un obus siffla dans son oreille, elle lâcha sa fille et se coucha dessus. La pluie d'obus ne s'arrêtait pas, les projectiles fusaient, ils tombaient parfois à quelques centimètres de leurs têtes mais heureusement ne faisaient que les projeter un peu plus loin. Adèle hurlait, elle était horrifiée, son visage se déformait à chaque fois qu'un obus tombait. On voyait dans le reflet de ses yeux verts, si magnifique avant la guerre, les obus qui venaient s'écraser sur le sol. Elle était triste, elle avait peur.

 

Deux heures passèrent sans que rien ne change. La mère croyait que sa fin ainsi que celle de sa fille étaient proches lorsque tout à coup, elle entendit une voix. Au début, elle se dit que cette voix n'était qu'une hallucination mais elle fut bien obligée d'admettre que cette voix continuait sans cesse d'appeler. Son visage s'illumina lorsqu'elle reconnut la voix et qu'elle entendit qui l'appelait. Elle releva la tête et cria :

« - Arthur ! On est là ! »

Une voix lui répondit :

« - Ariel ! Adèle ! Où êtes- vous ? Je ne vous vois pas ! »

« - Nous sommes à côté du seul arbre reconnaissable », lui dit-elle pleine de joie. Elle dit à sa fille que son père était revenu. Adèle l'appela et il arriva. Elle lui sauta dans les bras et ils restèrent comme cela un bon moment. Arthur finit par dire qu'il fallait aller se mettre à l'abri, qu'un convoi avait été organisé pou que toutes les familles partent en même temps, mais Adèle refusa d'y aller sans sa poupée. Elle expliqua à son père que sa poupée avait disparu et qu'elle la cherchait. Elle lui demanda son aide.

« -D'accord mais juste trente minutes sinon le convoi partira sans vous. Je devrais repartir après, ils m’attendent au front, ils ne savent pas que je suis venu vous voir» dit- il en lançant un regard désespéré vers Ariel qui le lui rendit.

Arthur prit Adèle dans ses bras et attrapa sa femme par la main. Ils reprirent le chemin pour retrouver la poupée.

 

Ils tournèrent derrière un autre virage. Tout était également détruit mais il restait une maison qui était encore debout. Ils entrèrent à l’intérieur, tout était intact, rien n’avait été touché. Il y avait une table avec quatre chaises, Ariel et Adèle s’assirent à la table pendant qu’Arthur allait regarder dans le réfrigérateur pour leur sortir à manger. Ils mangèrent jusqu’à être rassasiés et ressortir de la maison, toujours à la recherche de la poupée.

 

En repartant, un éclat lumineux attira leur attention. Ils s’avancèrent vers cette lumière et découvrirent une montre, sans doute en or. Il y avait dessus des initiales, mais elles étaient illisibles. Néanmoins il y avait un mot accroché à cet objet. Il disait : 

« Si vous trouvez cet objet, qui que vous soyez, donnez le à votre enfant ou à quelqu’un de très proche. Si cette personne s’appelle Adèle et que son frère est parti à la guerre cela veut dire que ce dernier est mort. »

La montre était cassée mais elle fonctionnait encore. Le père d’Adèle la ramassa et lui donna en disant :

« Je suis sûr qu’elle appartenait à ton frère. Elle te fera un souvenir de lui et te portera chance plus tard, tu verras. »

 

Arthur regarda l’heure et dit à sa famille qu’il était temps de rentrer, que le convoi allait partir et que lui aussi le devait. Ils firent donc marche arrière, Adèle s’était remise à pleurer. Elle avait compris qu’il n’y avait plus de chance de retrouver sa poupée et qu’elle ne reverrait sans doute jamais son frère. Son père la prit dans ses bras et la serra très fort contre lui. Dans ses bras rassurants, elle se calma. Ils avancèrent lentement mais malheureusement le temps avançait quand même. Arthur devait repartir, il entendait déjà ses supérieurs en train de le sermonner. Il embrassa longuement sa fille et sa femme, il ne voulait pas les lâcher mais les obus recommençaient à fuser au dessus de leurs têtes et cela redevenait dangereux.