Guilty or not guilty, that is the question ?

UNE PETITE INTRODUCTION S'IMPOSE ...

Pour démarrer cette nouvelle année, je voulais m'arrêter sur un autre aspect de la société Anglaise : son système judiciaire. Je n'ai pas la prétention de vous décortiquer le mécanisme de la justice Anglaise, mais juste un pan de ce que j'ai vu et vécu avec une classe en tant que spectateur et la discussion que nous avons eu avec l'avocat de la première affaire. 

Ce thème a donné lieu à plusieurs activités pédagogiques sous forme d'ateliers. Lors d'un précédent billet, j'avais évoqué, la pédagogie du concret. Ce billet illustre parfaitement cette notion.

Entrons maintenant, dans une salle d'audience, les prévenus sont toujours sur notre droite ou notre gauche. Cela dépend de l'agencement du prétoire. Le témoin est face aux jurés et tourne le dos au public. Les salles sont toutes carrées. Les jurés sont toujours au fond et face au public afin d'avoir une bonne vue d'ensemble. Au milieu de la salle, il y a plusieurs rangées avec des plans de travail qui servent de bureaux où sont posés des pupitres équipés de micros afin que le procureur et l'avocat puissent s'exprimer de manière audible. Le box des accusés est également équipé d'un micro. Etonnamment, dans certaines salles d'audience, nous avons pu voir, parmi des écrans plats, des télévisions cathodiques. La décoration, le mobilier et les motifs de la moquette datent des années 70.

ET UN PEU D'HISTOIRE ...

"The Common Law": Quand le Roi Harry II arrive au pouvoir en 1154, il comprend qu'il doit opérer de grands changements. En effet, il charge des juges itinérants de relever tous les jugements du Royaume. C'est ainsi qu'il a constaté que tous les juges n'appliquaient pas tous la même loi. Ainsi, il y avait une grande disparité entre les différents jugements dans tout le royaume. Cela rendait la justice Anglaise très arbitraire et peu égalitaire. Aussi, afin d'unifier le droit Anglais, un magistrat Anglais, Randolph Grandville, eu l'idée simple mais efficace de compiler tous les jugements en un seul ouvrage qui deviendra "the Common Law" (la Loi Commune). C'était le vrai premier livre de Droit Anglais, l'équivalent de nos Codes. C'est sur ce livre que repose tout le système judiciaire Britannique. Contrairement à notre système judiciaire, qui lui s'appuie sur des textes de lois créés par le gouvernement ou le Parlement. En Angleterre, ils appliquent des jugements antérieurs qui ont été rendus sur des cas similaires à leur affaire en cours. Ces jugements antérieurs sont ce que nous, Français, appelons la "jurisprudence". Durant les différents ateliers auxquels j'ai participé, et suite à cette journée passée au Tribunal de Snaresbrook puis surtout après avoir échangé avec ma collègue, il s'avère que les Anglais accordent de l'importance aux faits concrets d'une affaire, tandis qu'en France, nous nous appuyons sur des règles générales et abstraites qu'on pourrait appliquer à n'importe quel fait concret d'une affaire. 

"The Crown Court of Snaresbrook": Dans cet arrondissement du Grand Londres, à savoir, le Nord - Est, au fil des arrestations et suite à l'immense variété des crimes et délits, les forces de l'ordre ont constaté une importante augmentation d'actes criminels entre 1950 et 1965. A l'époque, un seul juge épaulé par une équipe de 12 personnes (des administratifs) devaient faire face à cette situation. Le Juge a donc exigé plus de moyens pour lutter contre une criminalité grandissante. Et progressivement, d'autres juges sont arrivés pour l'aider.

Pour la petite histoire, le Tribunal de Snaresbrook a ouvert ses portes le 26 Novembre 1974 pour devenir aujourd'hui, l'un des plus grands du Pays et surtout du Grand Londres en termes de volume concernant les affaires jugées. A tel point, qu'en 1988, il a fallu agrandir les locaux et plusieurs annexes au Tribunal ont vu progressivement le jour en 1976 et 1979. J'ai donc accompagné, un groupe d'élèves et une collègue en charge de l'enseignement juridique, les A' Level Law, à Snaresbrook. Et nous avons observé deux affaires judiciaires : la première concernait le démantèlement par la Police, d'un réseau de faux passeports entre l'Angleterre et le Bengladesh ; la deuxième affaire concernait deux présumés trafiquants de stupéfiants, un couple, un homme et une femme. La Police a découvert lors d'un contrôle routier, deux grands sacs de Cannabis dans le coffre de leur voiture. Les élèves ont travaillé sur ces deux cas (les sanctions encourus par les prévenus, la présomption d'innocence, etc, ...). Vous remarquerez que j'utilise le terme "présumé", lorsque je parle des prévenus. Effectivement, il est écrit dans la constitution Britannique que : "une personne incriminée dans une affaire judiciaire est innocente jusqu'à la preuve du contraire, donc jusqu'au verdict final". L'affichage visible dans l'enceinte du Tribunal, rappelle ce principe fondamental de toutes les démocraties. Vous noterez également, tout au long de ce billet, certaines similitudes  avec notre système judiciaire.

PUIS LES PARTIES PRENANTES DANS UN PROCES ...

Les officiels, c'est à,dire, le procureur, le juge et l'avocat doivent obligatoirement revêtir la célèbre perruque Anglaise ("The wig"). Seules les femmes en sont dispensées. 

"Le juge (or my Lord)" : De part sa position hiérarchique et surélevée dans la salle d'audience, il domine tout le Tribunal. En général, il est seul, il n'hésite pas à recadrer les débats et les intervenants si nécessaires. il prend énormément de notes par rapport au différents échanges entre l'avocat, le procureur et le témoin. Et derrière lui, est accroché un imposant blason, celui de la justice royale accompagnée d'une citation en Français : "Dieu et mon Droit". Il est le seul habilité à interrompre les différents intervenants (témoin, avocat et procureur).

"Le procureur" : C'est le premier qui annonce les faits en détail et de manière minutieuse et le vocabulaire est toujours bien choisi. Il interroge tous les témoins et toujours avant l'avocat. Il intervient également à tout moment dans les débats soit pour apporter une objection, soit pour compléter ou faire préciser les dires des témoins. Il lit aussi le contenu des interrogatoires des accusés par la Police. Il n'hésite pas à solliciter les témoins. En effet, lors du second procès, il a demandé à un témoin de jouer son rôle (celui de policier) et le procureur s'est mis dans la peau de l'accusé. le but était de communiquer à la cour tout le contenu de cet interrogatoire. L'échange a duré plus de 30 minutes et c'est surprenant, car par moment, nous avions l'impression d'assister à une pièce de théâtre malgré une atmosphère pesante.

"L'avocat" : Il laisse d'abord le procureur s'exprimer, prend des notes afin de pouvoir rebondir sur les affirmations ou lectures du procureur. Il transmets les pièces à conviction à son client si nécessaire. Ces échanges sont souvent de sacrés joutes verbales. Ce qui a été le cas avec les interventions d'un des avocats lors de la seconde affaire. Le couple comparaissait avec deux avocats. Ce dernier n'a cessé de contredire le procureur, il s'est adressé aux jurés, au juge, au procureur' à son client et au public lors de toutes ses interventions. Nous avons assisté à un vrai show malgré la gravité de cette affaire !!! Ce cas, nous a énormément captivé tant dans son fond que dans sa forme. Le client était derrière l'avocat dans un grand box qui prend toute la largeur de la salle d'audience, et équipé d'une grande vitre blindée. La présence ou non d'une telle protection est justifiée par la dangerosité des prévenus et l'importance de l'affaire. Comme en France, les audiences sont en accès libres saufs pour les affaires sensibles et médiatisées. Nos élèves vont travailler sur cette seconde affaire car il y avait beaucoup de points et de notions à traiter. Donc un bon contenu pédagogique complémentaire à leur séquence. 

"Le prévenu" : Il peut, durant le procès, par le biais de son avocat, consulter les pièces à conviction présentées, les supports papier, photos, écoutes téléphoniques ainsi que tous les éléments pouvant l'incriminer. Ils peuvent comparaitre libres comme pour cette seconde affaire dont les faits dataient de 2014. Ils sont installés dans le box par l'huissier qui donne le relais à un agent de sécurité du Ministère de le Justice. Ce dernier reste avec le prévenu dans le box pendant toute la durée du procès.

"L' huissier (or the Usher) : Il y en a en général, deux, un fait office de greffier, il reste à sa à son bureau, juste en dessous du bureau surélevé du juge, il note sur son ordinateur, tout ce qui se dit dans le prétoire. Il peut, discrètement et à tout moment, s'adresser au juge en cas de besoin. Le second huissier transmet tous les documents nécessaires à l'instruction de l'affaire à toutes les parties prenantes, il gère les allers et venus du public, des témoins et des accusés qui comparaissent libres, il diffuse, si nécessaire et à la demande de l'avocat/du procureur/du juge des enregistrements vidéos et sonores. Il est aussi en charge de la transmission des pièces à conviction (exhibits) entre les parties prenantes. C'est d'ailleurs ce dernier qui nous a placé dans les deux salles d'audience en arrivant.  

"Le témoin" : Il sont convoqué et placé dans une salle proche du prétoire jusqu'à son intervention. Il attend que l'huissier vient le chercher pour témoigner. Il n'entend pas les débats. Tout témoin doit décliner son identité et profession dès son arrivée en regardant uniquement le juge. Afin de témoigner sous serment, le témoin est libre de choisir une bible (cette question rituelle, lui ait posé par l'huissier). S'il décide de le faire, il tient dans sa main gauche la bible et il lève sa main droite pour jurer et déclarer la traditionnelle et néanmoins célèbre phrase : "je jure de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité". Le choix d'une bible n'est pas imposé.

"Les jurés" : Ils sont toujours au nombre de 12. Ils sont escortés à chaque sortie (pauses et déjeuner) par un agent de sécurité car ils ne doivent communiquer avec personne. Un juré principal est nommé, et c'est lui qui transmet au juge, via l'huissier, des éventuelles questions suite aux interventions des différentes parties prenantes. Pour cette journée bien chargée en affaires, le restaurant du Tribunal a été réquisitionné pour les jurés afin de les isoler davantage. Donc, ce jour là, le restaurant n'était pas accessible au public. Afin de faire face à cette situation, un petit espace supplémentaire pour se restaurer a été mis dans le hall et il est accessible en permanence et pour tout le monde. Un important affichage mural était également présent concernant les jurés. Il était très explicite car c'est une mise en garde à leur encontre : "Pour votre sécurité, vous ne devez pas déjeuners avec le public".

"Le public" : Nous étions libres d'aller et venir pendant les audiences mais il fallait respecter certaines règles. En effet, à notre arrivée, nous avions été accueillis par un cadre du Tribunal pour nous communiquer les règles d'usage dans l'enceinte d'un Tribunal : "ne pas parler, ne pas manger et boire, ne pas faire de bruit et interdiction de prendre des photos, des  notes, ...". Le non - respect de ces règles peut entrainer, à tout moment, une réprimande du juge suivi d'une exclusion de la salle et sanctionnée par une amende.