Les Muses de Racine

Je crus que c'était Théo, mais cela ressemblait plutôt à une voix de femme. Je pensai ensuite que c'était Morgane, mon autre meilleure amie, mais ce n'était possible car elle avait fini les cours et qu'elle était sûrement chez elle. Je continuai ma route jusqu'à ma maison.

     Deux jours plus tard, en cours de philosophie, j'allai aux toilettes. Je rentrai et ce que je vis fut alors bien plus horrible et épouvantable que tout ce que l’on pouvait imaginer. C’était une jeune fille avec un corps squelettique. Son visage, maigre et blafard, était surmonté d’une chevelure blonde. Ses yeux vides et inquiétants me fixaient avec un air de vengeance. Du mascara coulait sur ses joues pâles. Elle avait un nez aquilin. Sa bouche, légèrement entrebâillée, laissait apercevoir ses dents noires irrégulières. Elle portait une robe grise déchirée qui s’arrêtait au niveau de ses pieds; je constatai qu’elle lévitait au-dessus du sol! Ses ongles, rongés jusqu’au sang flottaient dans l’air. Cet ensemble atroce composait l’être le plus effrayant qu’il pouvait exister dans ce monde. Qui était-elle? D'où venait-elle ? Et surtout que me voulait-elle? Je retournai en classe, en sueur, et essayai de faire comme si de rien n'était. A la fin du cours, je racontai ce qui s'était passé à Théo et Morgane, mais ils ne me crurent pas.

         Pendant le cours d'histoire, le professeur me demanda de ramener le carnet de liaison d'un élève qui l'avait oublié dans cette salle. Tandis que je traversais le couloir, j'entendis un bruit derrière moi. Je me retournai brutalement et vis cette fille ! Elle avait une tronçonneuse et était prête à me trancher la gorge ! Bien que la tronçonneuse fasse un bruit monstre, il semblait que j'étais le seul à l'entendre car personne ne s'en souciait ni ne venait voir ce qui se passait. Elle s'approchait de plus en plus de moi, et je lisais la vengeance dans ses yeux bien qu'ils étaient vides! Terrifié, je partis en courant, laissant tomber le carnet de liaison de mon camarade. Même si son air de vengeance et ses yeux vides m'épouvantaient plus qu'autre chose, cette fille me rappelait quelqu'un. Oui, maintenant je m'en souvenais ! C'était mon ex petite-amie, elle avait déménagé l'année dernière. Elle voulait continuer une relation à distance, mais moi, j'avais préféré la quitter. Elle était désespérée et avait mis fin à ses jours. Je m’étais senti coupable évidemment mais je ne pensai pas le moins du monde qu’elle aurait pu se suicider. Mais maintenant que je la reconnaissais, la peur m’envahissait !Mais tout ça n’était pas logique ! Elle était morte ! Comment avait-elle pu revenir à la vie ? J’étais sûr que c’était elle ! Et puis, c’était la deuxième fois que je la voyais ! Est-ce que je devenais fou ? Tandis que je courais, tout en sueur et affolé, j’aperçus une porte. Je me précipitai dessus et l’ouvris. Je me rendis compte que je me trouvais dans le local de la femme de ménage. J’attendis comme ça, en silence, sans bouger, jusqu’à ce que j’entendis la cloche de l’école. Je tournai la poignée et regardai : il n’y avait personne, et puis les élèves commencèrent à sortir des salles. Je sortis aussi. Je me dépêchai de retourner dans ma classe. Le professeur me gronda car j’avais été long et me demanda si j’avais bien rapporté le carnet. Je répondis que oui même si ce n’était pas vrai. J’essayai de raconter cette histoire à Morgane et Théo mais, encore une fois, ils ne me crurent pas. Ils me dirent que j’étais sûrement stressé par les contrôles et m’obligèrent à venir en boîte samedi, avec eux. Mais pourquoi personne ne me croyait ? Pourquoi personne n’avait entendu le bruit de la tronçonneuse ? Tout cela commençait sérieusement à m’inquiéter.

        On était samedi, et comme prévu, j’étais sorti avec Morgane et Théo. Je rentrais de la soirée et avais beaucoup trop bu. Je marchais avec mes amis quand je vis dans une ruelle à ma gauche quelque chose d’ intriguant. Il faisait noir et je ne voyais pas grand-chose. Je m’infiltrai prudemment dans la ruelle. Soudain, j’entendis un bruit derrière moi. Je me retournai en sursaut ! Non, ce n’était pas possible ! C’était encore elle ! Mon instinct m’indiqua de m’enfoncer dans la ruelle. Je courais plus vite que jamais quand je fonçai dans un mur ! Oh non, une impasse ! Je tournai la tête mais je n’eus pas le temps de réagir qu’elle me sauta à la gorge ! Elle m’étouffait je n’arrivais plus à respirer ! Je me débattais comme un fou et criais comme je pouvais ! J’appelai à l’aide et espérai que quelqu’un arriverait pour venir me sauver ! Je distinguai des bruits de pas qui arrivaient à toute allure. J’entrevis des ombres derrière l’épaule de la fille, mais tout à coup, tout devint noir. Quand je rouvris les yeux, je vis mes amis penchés au-dessus de moi. Ils n’avaient pas l’air très inquiet. Ils me demandèrent si je m’étais endormi et si j’avais fait un cauchemar. Je leur répondis oui de la tête. Ils ne me croyaient pas avant et je ne pensais pas qu’ils allaient me croire maintenant. J’avais très mal à la gorge mais pourtant je n’avais aucune trace. J’avais failli mourir et était plus angoissé que jamais ! J’avais peur, j’étais terrorisé même ! Que devais-je faire pour qu’elle cesse de me tourmenter ?

Le lundi d'après, j’étais dans ma chambre et faisais mes devoirs. Je révisais pour le BAC de français car c’était à la fin de l’année et je voulais à tout prix l’avoir. Voilà bientôt deux heures que je travaillais, quand j’entendis un bruit qui venait d’en bas, dans la cuisine, me semblait-il. Il me paraissait lointain. Ça ne pouvait pas être mes parents car il était seulement seize heures et que normalement ils rentraient vers dix-huit heures ou dix-neuf heures. Je me dis que ce n’était pas grave et que ça devait être mon chat Brutus, il avait tendance à faire beaucoup de bruit. Mais j’étais tout de même inquiet, je n’avais qu’une seule peur : que ce soit cette mystérieuse fille qui me hantait depuis des semaines ! Je me remis au travail en évitant de repenser à ce bruit. Une demi-heure plus tard environ, j’entendis ce même bruit, comme-ci quelqu’un frottait deux couteaux entre eux et marchait en faisant un vacarme insupportable. Ça ne dura que quelques secondes, mais quelque chose clochait : j’avais l’impression qu’il était beaucoup plus près, dans le couloir qui donnait sur ma chambre ! Je pris peur. Je sentis que j’étais en danger et me cachai sous ma couette. Je restai là pendant à peu près trois quart d’heure en me posant plein de questions. Etait-ce cette fille? Encore elle ? Que me voulait-elle ? Je paniquai. Mes mains tremblaient, je transpirais, mon cœur battait à toute allure, j’avais un nœud au ventre. Je sortis d'en dessous la couette, regardai tout autour de moi ; je ne vis que mon bureau à ma droite, à ma gauche mon armoire et en face de moi la porte de ma chambre. Je pris la bouteille d’eau qui se trouvait sur ma table de nuit et me la renversa sur la tête pour me calmer. Tandis que je la reposais, je sentis une présence derrière moi. Je me retournai et je la vis ! Cette fille qui me pourchassait depuis des mois était dans ma chambre! Elle avait deux grands couteux, pleins de sang. Sa bouche était rouge comme si elle en buvait. Elle était là, ne bougeait pas et me fixait avec ses yeux vides. D’un coup elle me sauta dessus, je l’esquivai mais elle recommença en lançant un de ses couteaux, et me blessa au bras. J’avais une entaille dans l’avant-bras droit et du sang coula sur le sol. Elle arriva et se posa juste devant moi. J’étais terrorisé ! Allait-elle me tuer ? Au moment où elle leva son couteau pour le faire, Brutus, mon chat, entra et se jeta sur elle. Elle disparut, comme par magie ! 

J'entendis une voix qui paraissait lointaine. C'était celle de ma mère. Elle me secouait doucement le bras. J'ouvris les yeux et regardai prudemment autour de moi: j'étais couché sur mon bureau avec mes révisions devant moi, et ma mère à côté. Il était 18h46. Je demandai à cette dernière ce qui s'était passé et elle me répondit que lorsqu'ils étaient rentrés, ils m'avaient appelés mais je n'avais pas répondu. Alors elle était montée et elle m'avait trouvé en train de dormir sur mon bureau. Tout cela n'était qu'un cauchemar, qui était enfin terminé.

Environ deux mois plus tard, je jouais tranquillement sur mon portable, dans ma chambre. J'entendis ma mère monter les escaliers. Elle venait probablement me dire que nous allions bientôt passer à table. Elle passa le seuil de la porte avec son tablier de cuisine et un couteau à la main. Elle me dit ce à quoi je m'attendais mais aussi de ranger ma chambre car elle trouvait qu'elle était dans un état pas possible. Alors je me levais et, avec paresse, je commençais à la ranger. Quand j'eus enfin terminé, j'enlevai mon pull car j'avais chaud. Je remarquai alors avec effroi une entaille sur mon bras! Elle était exactement au même endroit où cette fille me l'avait fait! Mais pourtant tout cela n'était qu'un rêve! Ou alors je n'avais pas rêvé et cette fille existait réellement? J'étais perdu!Un tas de questions tourbillonnaient dans ma tête. Mais il y en avait une qui revenait tout le temps: que s'était-il vraiment passé?

Melissa Delos et Amandine Terral